Le fugitif, le feuilleton de l’Amérique qui doute

[Jean Marcel]

Générique…image en noir et blanc….voix off…

… Innocente victime d’une justice aveugle, condamné à tort pour le meurtre de sa femme, sauvé in extremis par un accident de chemin de fer qui lui permit de fuir à la veille d’être exécuté…

Le pauvre Richard Kimble n’a qu’un but : prouver son innocence et pour cela il doit retrouver l’ignoble manchot, le véritable assassin de son épouse.

C’est un homme traqué, aux abois , qui traverse les Etats unis et les épisodes en évitant les contrôles de police , qui baisse la tête chaque fois qu’il passe devant un avis de recherche placardé sur une devanture d’épicerie ou une pompe de station service.

Ses connaissances médicales (eh oui le pauvre bougre est médecin) lui permettent de sauver quelques vies au passage.
Mais le policier inflexible qui le pourchasse ne tient pas compte de ces gestes bienveillants peu communs chez les criminels dangereux.
Pour les forces de l’ordre Kimble est coupable jusqu'à preuve du contraire …Donc jusqu’au dernier épisode d’une série qui passionne les français et surtout…le petit Jean Marcel !
Le fugitif est un des feuilletons cultes de la télé des années soixante.
Il lance la vague des séries paranoïaques qui culmine , peu après, avec Les Envahisseurs, remake S.F du fugitif ou les flics sont remplacés par des extra terrestres souffrant d’une tendinite au petit doigt.
La France pousse un ouf de soulagement quand le bon docteur, blanchi, esquisse un sourire et s’éloigne a tout jamais du petit écran.
Mais L’Amérique a changé de visage.
Ce feuilleton qui milite, mine de rien, pour l’abolition de la peine de mort, a laissé des traces dans les esprits juvéniles assoiffés de justice.
L’Amérique, ce pays magique, condamne des innocents et les grille sur la chaise électrique ! Le mythe en prend un sacré coup !
C’est Kafka transposé dans l’usine à rêves Hollywoodienne.
Le réalisme de cette série rappelle les images traumatisantes de l’assassinat de Kennedy en direct live, scène qui hante encore le jeune dévoreur de télé nommé Jean Marcel.
Le présumé coupable Lee Harvey Oswald n’a pas eu le temps de se mettre à table et n’a pas eu de procès.
La réalité a dépassé la fiction depuis novembre 1963…
1963, l’année de la création de la série Le Fugitif !
La théorie du complot est partout.
Quand les tueurs sont libres et qu’on exécute un innocent, la conjuration n’est pas loin. Et si la SNCF américaine avait bien fonctionné, le docteur Kimble aurait perdu la vie…et la télé une sacrée bonne série !

L’Amérique faisait rêver, maintenant elle fait peur.

Ses flics et ses juges se trompent beaucoup trop souvent pour être honnêtes.

Si un médecin blanc est victime d’une erreur judiciaire, imaginez un peu ce qu’un éboueur noir doit endurer s’il a affaire à la justice américaine ?

Et cette magnifique bannière étoilée toujours tachée de sang quand les actualités relatent la guerre au Vietnam.

Voix off…

…Richard Kimble, à partir de ce jour, a vécu dans une solitude désespérée….

[Lord Henry]

Ah, bon? Parce qu'il n'était pas coupable?