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Re: Bob Fosse (1927-1987)

Publié : 8 sept. 15, 09:11
par Père Jules
Jeremy Fox a écrit :Sweet Charity - 1969

Premier film en tant que réalisateur du génial chorégraphe Bob Fosse, Sweet Charity est l'adaptation cinématographique de son propre spectacle de Broadway. Le programme musical n'est pas désagréable (ceertaines chansons sont mêmes superbes), les chorégraphies sont d'une étonnante modernité et la mise en scène ne manque pas d'originalité (préfigurant notamment au travers du montage celles de ses chefs-d’œuvre à venir)... mais que c'est long et que l’ensemble est mal rythmé ! En effet, sur un pitch très mince inspiré des Nuits de Cabiria de Fellini, toutes les séquences sont étirées jusqu'à plus soif, qu'elles soient ou non musicales. Shirley McLaine a beau en faire des tonnes, tour à tour agaçante et touchante, elle n'arrive pas à nous scotcher à l'écran et, grand amateur de l'actrice, j'en étais le premier attristé. Pas un mauvais film, plein de bonnes séquences mais l'ensemble fut quelque peu épuisant. Un semi-ratage cependant attachant.
Un peu sur la même longueur d'ondes. Fosse ne maîtrise pas encore son sujet, certains passages sont excellents (mention spéciale à celui avec Sammy Davis Jr.) mais le reste est trop inégal pour que le film emporte l'adhésion. Des quatre films de Fosse vus jusqu'ici (il ne me manque plus que Star 80 à voir) c'est clairement le moins réussi.

Re: Bob Fosse (1927-1987)

Publié : 8 sept. 15, 09:18
par Jeremy Fox
Voilà, le style est bien là mais pas encore maitrisé. Dans le même temps il veut trop en faire d'un coup et le résultat pèse un peu sur l'estomac.

Re: Bob Fosse (1927-1987)

Publié : 8 sept. 15, 11:49
par Alexandre Angel
Jeremy Fox a écrit :Shirley McLaine a beau en faire des tonnes, tour à tour agaçante et touchante, elle n'arrive pas à nous scotcher à l'écran et, grand amateur de l'actrice, j'en étais le premier attristé. Pas un mauvais film, plein de bonnes séquences mais l'ensemble fut quelque peu épuisant. Un semi-ratage cependant attachant.
Oui, il change vraiment de braquet avec CABARET au point même que, n'était une continuité induite par des numéros musicaux d'une brillance égale, on croirait avoir affaire à un autre réalisateur (meilleur rythme, meilleure structure scénaristique). Le nouveau Bob Fosse ne dépare pas avec le Nouvel Hollywood.

Re: Bob Fosse (1927-1987)

Publié : 9 sept. 15, 08:56
par Thaddeus
Image

Sweet Charity
Pour son baptême du feu, Fosse dispose d’un budget très confortable et reprend l’argument des Nuits de Cabiria : la boulotte et pathétique prostituée devient une entraîneuse pimpante et délurée à laquelle Shirley MacLaine, toute en sourires noyés de larmes, apporte les mines de son registre favori. L’auteur maîtrise ses moyens, axés sur une poignée de ballets à tomber par terre, et ordonne un spectacle aux artifices revendiqués (zooms, plans gelés, préciosités de l’image), qui dans ses meilleurs moments rappelle Fellini : l’atmosphère ténébreuse et excentrique du Pompei Club se souvient de La Dolce Vita et anticipe même sur le Satyricon. À condition de pas être allergique au sirop sentimental avec lequel flirte la dernière partie, le film parvient à titiller de fort agréable manière nos petits cœurs d’artichaut. 4/6

Cabaret
"Wilkommen, bienvenue, welcome…" La fameuse ritournelle agit comme un sésame, et nous fait pénétrer l’univers baroque et décadent (divinement, dirait l’héroïne) d’un cabaret de Berlin, au début des années 30. Fosse y élabore un système de narration original où la scène commente et formalise le cadre politique et social de l’histoire ; il invente ainsi une forme de néo-expressionnisme morbide qui confère une ironie noire à son propos sur la montée du nazisme, l’antisémitisme et l’homosexualité. Mue par une énergie paradoxale, portée par un montage et des chorégraphies virtuoses, stigmatisant par contraste la violence et la perversion du régime hitlérien montant, cette comédie musicale d’un genre nouveau délivre une poésie pathétique, une artificialité revendiquée, instable et truquée. 4/6

Lenny
Moins célèbre que le film précédent, celui-ci constitue pourtant à mes yeux une réussite supérieure, qui prouve que son auteur n’est pas qu’un virtuose ordonnateur de shows hollywoodiens. Son évocation du stand up comedian Lenny Bruce, icône de la contre-culture, double son ardeur pamphlétaire d’une désespérance tragique, celle d’un homme broyé par une société dont il n’aura eu de cesse de révéler l’hypocrisie. Dans un superbe noir et blanc contrasté, Fosse chevauche le débit verbal frénétique de son personnage, en fait une logorrhée incendiaire, et organise une structure complexe qui révèle toutes les contradictions d’un homme insaisissable, hérault de la liberté d’expression ravagé par le luxe, le stupre et la drogue. Si l’Amérique ne sort pas grandie de ce passionnant film-miroir, Dustin Hoffman impose quant à lui l’ampleur de son génie. 5/6
Top 10 Année 1974

Que le spectacle commence !
Cinéaste-chorégraphe bouffé par la dope, les pilules et l’alcool, rongé par le doute artistique, Joe/Bob n’en finit pas de peaufiner le montage de son dernier film (évocation d’un comique de scène – pour que le parallèle soit bien clair), jongle avec les femmes de sa vie, fait le bilan douloureux de son existence. Surtout, il entame un flirt à l’issue sans cesse différée avec la Faucheuse, qui possède la blonde beauté de Jessica Lange. Crépusculaire et prémonitoire, cette époustouflante comédie chorégraphique est incendiée par un montage d’une vitalité prodigieuse, électrisée par des idées formelles, des procédés de narration qui éclatent à chaque plan. La réflexion morbide mais joyeuse s’y traduit en des gerbes étincelantes, felliniennes, un jeu allègre avec les métaphores et les niveaux pirandelliens, qui l’élèvent en hymne au spectacle et à la création. 5/6
Top 10 Année 1979

Star 80
Elle était serveuse dans un fast-food, simple, touchante, réservée, et finit au terme d’une ascension météorique dans les pages centrales de Playboy. Il portait ses costards à rayures avec une fierté bravache, petit mac raté capable de la tendresse des enfants perdus mais bientôt consumé par sa jalousie pathologique de Pygmalion délaissé. L’un comme l’autre s’ajouteront à la longue liste des victimes du marginalisme doré d’Hollywood. Enchevêtrant les thèmes de l’illusion, du show-business et de la mort, le film est un puzzle brillant, incisif, fait de témoignages et de flash-backs, qui restitue les détails d’une tragédie sordide et dénonce le système de la pub, de la télé, du ciné mass-médiatique par son propre mode esthétique. Eric Roberts et Mariel Hemingway lui apportent la fièvre et la sensibilité requises. 4/6


Mon top :

1. Que le spectacle commence ! (1979)
2. Lenny (1974)
3. Star 80 (1983)
4. Cabaret (1972)
5. Sweet Charity (1969)

De nombreux Oscars, une Palme d’Or… Les récompenses auront fleuri pour Bob Fosse, et ce n’est pas immérité tant ce cinéaste rare, à l’inventivité étourdissante et à la fiévreuse imagination formelle, a nourri une profonde méditation sur le rôle et la place de l’artiste dans notre société. Son œuvre est aussi courte que passionnante.

Re: Bob Fosse (1927-1987)

Publié : 9 sept. 15, 10:09
par Alexandre Angel
Thaddeus a écrit :Mon top :

1. Que le spectacle commence ! (1979)
2. Lenny (1974)
3. Cabaret (1972)
Le mien

1. Que le spectacle commence ! (1979)
2. Lenny (1974)
3. Cabaret (1972)
:mrgreen:

Et tout de suite après, STAR 80 pour les mêmes qualités malgré un soupçon de complaisance et une certaine impasse, qui pointe peut-être le bout de son nez

Re: Bob Fosse (1927-1987)

Publié : 9 sept. 15, 10:59
par Alexandre Angel
Dans son VOYAGE A TRAVERS LE CINEMA AMERICAIN, Martin Scorsese montre un extrait d'ALL THAT JAZZ. Avec BARRY LYNDON, c'est un des très rares films qui lui soit artistiquement contemporain dont il montre un extrait dans son docu.
Je persiste donc à penser que la manière fossienne a beaucoup influencé le grand cinéaste new-yorkais mais à partir de GOODFELLAS (sont concernés également et surtout CASINO, A TOMBEAU OUVERT, AVIATOR et LE LOUP DE WALL STREET, et un peu aussi THE DEPARTED).

Influence palpable dans cette façon de donner au récit les moyens de se déployer de façon architecturale, foisonnante et rythmée, de lui insuffler une pulsation zébrée de lignes narratives fortes et de chemins de traverse expressifs, d'apartés et de plans de coupe signifiants, d'alternance entre accélérations et moments en suspension.

Re: Bob Fosse (1927-1987)

Publié : 9 sept. 15, 13:18
par Federico
Alexandre Angel a écrit :Dans son VOYAGE A TRAVERS LE CINEMA AMERICAIN, Martin Scorsese montre un extrait d'ALL THAT JAZZ. Avec BARRY LYNDON, c'est un des très rares films qui lui soit artistiquement contemporain dont il montre un extrait dans son docu.
Je persiste donc à penser que la manière fossienne a beaucoup influencé le grand cinéaste new-yorkais mais à partir de GOODFELLAS (sont concernés également et surtout CASINO, A TOMBEAU OUVERT, AVIATOR et LE LOUP DE WALL STREET, et un peu aussi THE DEPARTED).

Influence palpable dans cette façon de donner au récit les moyens de se déployer de façon architecturale, foisonnante et rythmée, de lui insuffler une pulsation zébrée de lignes narratives fortes et de chemins de traverse expressifs, d'apartés et de plans de coupe signifiants, d'alternance entre accélérations et moments en suspension.
Je n'y avais pas pensé mais il y a de ça. Je pense par ex. que l'image et le montage de Lenny (qui, soit dit en passant m'a un peu déçu à la revoyure par rapport au choc de sa découverte) auront des échos dans Raging bull. Concernant All that jazz (là, par contre, plaisir répété à chaque vision), la boucle est d'une certaine façon bouclée puisqu'il me semble que Fosse revendiqua l'influence de Fellini...

Re: Bob Fosse (1927-1987)

Publié : 9 sept. 15, 13:46
par Alexandre Angel
Federico a écrit :Concernant All that jazz (là, par contre, plaisir répété à chaque vision), la boucle est d'une certaine façon bouclée puisqu'il me semble que Fosse revendiqua l'influence de Fellini...
Oh bah...à plus d'un titre : trame de OTTO E MEZZO avec son côté autobiographique, sa crise d'auteur en manque d'inspiration, son défilé de nanas, sa parade finale...et sa photo de Giuseppe Rotunno.

Certaines scènes puisent dans d'autres Fellini comme ce moment où Roy Scheider fait un malaise alors qu'on n'entend plus aucun son à part le tapotement de son crayon. On trouve un effet analogue dans le CASANOVA (malaise de Donald Sutherland pendant que, sur une table, des apothicaires épinglent des sangsues).

Re: Bob Fosse (1927-1987)

Publié : 14 sept. 16, 06:09
par Jeremy Fox
Sweet Charity vient de sortir en combo BR/DVD chez Elephant Films.

Re: Bob Fosse (1927-1987)

Publié : 14 sept. 16, 12:43
par Alexandre Angel
Bon, bah on va aller refourguer le dvd Universal :wink:

Re: Bob Fosse (1927-1987)

Publié : 14 sept. 16, 22:03
par Michel2
Alexandre Angel a écrit :Dans son VOYAGE A TRAVERS LE CINEMA AMERICAIN, Martin Scorsese montre un extrait d'ALL THAT JAZZ. Avec BARRY LYNDON, c'est un des très rares films qui lui soit artistiquement contemporain dont il montre un extrait dans son docu.
Je persiste donc à penser que la manière fossienne a beaucoup influencé le grand cinéaste new-yorkais mais à partir de GOODFELLAS (sont concernés également et surtout CASINO, A TOMBEAU OUVERT, AVIATOR et LE LOUP DE WALL STREET, et un peu aussi THE DEPARTED).

Influence palpable dans cette façon de donner au récit les moyens de se déployer de façon architecturale, foisonnante et rythmée, de lui insuffler une pulsation zébrée de lignes narratives fortes et de chemins de traverse expressifs, d'apartés et de plans de coupe signifiants, d'alternance entre accélérations et moments en suspension.
Je nuancerais un poil en disant que Fosse est une influence parmi d'autres chez Scorsese. J'ai toujours pensé que ce dernier avait beaucoup appris de Kenneth Anger, que ce soit dans le rythme donné au montage (en particulier l'usage des plans de coupe) ou l'utilisation de chansons qui n'ont pas été composées spécifiquement pour le film (Scorpio Rising est probablement une influence majeure à ce titre).

Re: Bob Fosse (1927-1987)

Publié : 14 sept. 16, 22:42
par AtCloseRange
Je n'y avais pas pensé avant mais on peut voir pas mal de points communs entre Lenny et Raging Bull. Même les rôles de Valerie Perrine et de Cathy Moriarty sont proches.

Re: Bob Fosse (1927-1987)

Publié : 22 mai 17, 18:05
par Kevin95
ALL THAT JAZZ (Bob Fosse, 1979) révision

Chef d'œuvre absolu, sorti du ventre d'un Bob Fosse complètement anéanti par l'indifférence suscité par son (tout aussi génial) Lenny, par le surmenage, pas son goût pour l'alcool et le sexe. Tout cela est retranscrit dans le film, non dans une psychanalyse nombriliste aux frais d'Hollywood, mais dans un show morbide mais jouissif qui doit énormément au de Federico Fellini. Depuis Sweet Charity qui remakait musicalement Le notti di Cabiria/Les Nuit de Cabiria, on sait combien le petit Bob est redevable au grand Federico. La mise en parallèle de et d'All That Jazz est frappante tant de nombreuses séquences sont récupérées du film de 1963 jusqu'à la parade finale (filmée comme un show télé chez Fosse). Mais au-delà de cette hommage pas du tout déguisé, le film reste un objet unique, comme le croisement impossible donc miraculeux entre la grandiloquence du Hollywood classique (le musicale le plus débridé et spectaculaire) et la veine intimiste du Nouvel Hollywood (ici sur la pente descendante). Feux d'artifices avant la mort, spectacle fiévreux avant le rideau final, All That Jazz voit le personnage de Bob Fosse/Roy Scheider (l'acteur est ici au top) glisser la clope au bec vers le noir le plus total. Fascinant, déchirant et enivrant, le film est un bonbon acidulé qu'on aime garder en bouche. Bye bye love.

Re: Bob Fosse (1927-1987)

Publié : 22 mai 17, 19:49
par Alexandre Angel
Kevin95 a écrit :ALL THAT JAZZ (Bob Fosse, 1979) révision

Chef d'œuvre absolu
Même moi, j'ose pas

Re: Bob Fosse (1927-1987)

Publié : 22 mai 17, 23:17
par Kevin95
Laisse toi aller !