Bugsy malone
Boîte de nuit déserte où l’on improvise une danse à claquettes, murs de briques des impasses à embuscades, rues aux pavés luisant sous les éclairages contrastés, pièces striées par l’ombre portée des stores, scènes pour chorus girls à culotte courte et ring pour faunes de combinards… Images archétypales entre toutes, peuplées de bambins dont les doyens n’ont pas quinze ans. Pastichant sans dérision ni sarcasme la mythologie naïve des mélodrames saccadés où le romantisme urbain glorifiait l’esprit d’entreprise de l’homme de la rue au rythme des mitraillettes de James Cagney et des foxtrots d’Harry Warren, le cinéaste équilibre illusion nostalgique et déconstruction amusée, cultive un humour malicieux traduit à merveille par le brio du montage et les chansons de Paul Williams. On sourit du début à la fin.
4/6
Midnight express
La caution "tiré d’une histoire vraie" peut autoriser toutes les outrances, situations et déformations. Si cette descente aux enfers répond à l’attente du spectateur en transformant le rêve (une escapade touristique) en cauchemar (la détention à perpétuité dans les geôles turques), elle ne recèle aucune dialectique interne et évacue tout suspense au profit d’un univers de plus en plus effrayant, d’une violence toujours plus forte et gratuite s’enracinant sur un fantasme exotique : crainte, peur, haine de l’autre, de l’ailleurs, du lointain. Ainsi l’angoisse n’est-elle supportable qu’à condition de se trouver déniée par le recours à la loi (morale), et l’ordre américain soutient-il partout ceux qui croient en lui, telle cette jeunesse chevelue égarée parfois sur les routes de la contestation. Aussi efficace que douteux.
3/6
Fame
Cadre : la célèbre High School of Performing Arts de New York, sorte de conservatoire municipal où se retrouvent tous les prétendants à la gloire, apprentis musiciens, comédiens ou danseurs confrontés aux difficultés inhérentes à la voie choisie et dont ils découvrent qu’elle est loin d’être royale. Le relatif conformisme du script ne fait que mieux ressortir la volubilité du ton, l’énergie du style, l’étonnante maîtrise du rythme d’un metteur en scène formé à une école où il faut avoir tout dit en trente secondes, et dont le mérite est de mettre des personnages reproduisant dans ce milieu clos le monde extérieur dont ils sont issus (différences, inégalités, injustices), de montrer le rêve au moment du succès et la peur permanente de rester dans l’ombre, sans jamais parvenir à franchir la porte de jade du paradis perdu.
4/6
Pink Floyd : The wall
Film-culte, emblème d’une décennie placée sous l’égide de l’impact visuel permanent, cette transposition de l’album-phare du Floyd est fidèle à sa réputation. Pour mettre en images les souvenirs, les fantasmes expressionnistes, les cauchemars d’un héros englouti dans son maelstrom intérieur, broyé par la répression sociale et familiale, mû par le désir forcené d’élever entre lui et les autres un mur, Parker vise une saturation formelle qui place chaque scène dans une logique paroxystique – et beaucoup sont vraiment sidérantes. L’opéra-rock s’offre comme une transe, un trip psychédélique aux plans impossibles et à l’imaginaire torturé, dont les délires hallucinatoires revêtent des accents d’apocalypse prophétique. On comprend que le découvrir à quinze ans, lors de sa sortie, ait pu faire un gros choc.
5/6
Top 10 Année 1982
Birdy
L’histoire d’un innocent icarien qui veut voler comme les oiseaux et finit par se prendre pour l’un d’eux – entretemps il y aura eu le Vietnam et le syndrome post-traumatique. L’histoire surtout d’une amitié entre deux gueules cassées, l’un essayant de ramener l’autre à la raison et à la société : mais, est-il demandé implicitement, quelle raison et quelle société ? Quand on voit l’immonde champ d’épandage que semble constituer Philadelphie, quand on revoit la boucherie de la guerre, quand il ne semble n’y avoir qu’abattoirs et ordures, comment ne pas vouloir désespérément s’échapper du monde terrestre ? Ayant acquis avec profit la discrétion, vertu qui lui manquait, Parker conduit un récit sincère et touchant dont la complexité (un hachis de flash-backs) met en valeur le classicisme de la mise en scène.
4/6
Angel heart
Le pavé humide de New York au cœur des années cinquante. Un privé dans la mouise qui se voit confier une mission providentielle, payée rubis sur l’ongle par un commanditaire aussi énigmatique qu’inquiétant. Implacablement, le cauchemar infiltre tout et rythme le récit comme un sabbat de l’horreur. Les témoins s’évanouissent dans des bains de sang, la raison chancelle et la logique dérape. Ventilateurs qui tournent, ascenseurs comme des cages et courbes d’escaliers vertigineux semblent épouser les méandres d’un labyrinthe vaudou dont l’aspect policier ne serait finalement qu’une vue de l’esprit, et au centre duquel se tapit l’ultime vérité, l’hallucination définitive. Par son climat oppressant, la densité de son discours, sa virtuosité technique, ce thriller satanique reste un modèle du genre.
5/6
Les Commitments
Si le schéma du film répond à des standards éprouvés (la
success story d’un groupe qui se monte, se cherche chaotiquement et se produit l’espace d’un instant), c’est son arrière-plan qui captive l’auteur, un fond social traqué d’emblée avant que la musique ne s’en fasse le vecteur. Plantant sa caméra à Dublin, il cherche à pénétrer l’âme de la capitale irlandaise, fouille ses tréfonds, sa pauvreté, ses bas-fonds aux cieux gris, en des tableautins loin des cartes postales touristiques. Avec des images pugnaces, une tendresse chaleureuse et cocasse héritée d’un certain cinéma britannique (rires, larmes et complicités au pub du coin), il raconte ainsi l’ordinaire, la rage de vivre, l’idéal d’une bande de jeunes dont la séparation finale n’est qu’une étape de l’existence, et nullement le glas de leur destin.
4/6
Mon top :
1.
Pink Floyd : The wall (1982)
2.
Angel heart (1987)
3.
Fame (1980)
4.
Bugsy malone (1976)
5.
Birdy (1984)
Les années 80, que beaucoup considèrent comme celles du formalisme et du post-modernisme à tour crin, furent pour cet enfant de la publicité comme une période de gloire. Si son importance est relative, on ne doit pas minimiser l’impact que certains de ses films provoquèrent sur un public en mal de nouveaux référents, ni la verve, l’énergie, le charme, la maîtrise indéniable, bien qu’assez ostentatoire, d’une expression rompue aux gageures formelles.