La nuit des forains (Bergman - 1953)
Bon, c'est un film qui fait mal. Qui appuie bien là où ça fait mal et le constat est doublement desespéré puisqu'a une situation d'adultère en début de film, on en a une seconde en son milieu. Il y a aussi toute une réflexion sur l'Art avec l'opposition entre les forains et les gens de théâtre (la chronique de dvdclassik est assez riche là dessus) qui fait qu'on peut aisément relier ce film avec
le visage (1959) avec qui il entretient également une certaine splendeur visuelle héritée de l'expressionnisme. Par contre, j'ai pas du tout apprécié la lâcheté du personnage principal qui, pour éviter de tuer un homme (voire lui-même), décide de s'en prendre à l'ours du cirque. C'est franchement petit pour le coup je trouve parce que si Bergman dépeint si bien les caractères humains sans complaisance (le "souvenir" du début avec le clown frost sans son ou presque), là il m'a semblé en faire trop. D'autant plus que le pessimisme est d'emblée appuyée quand on sait que Bergman est aussi un homme de théâtre et qu'il donne sa préférence à celui-ci. Et ça ne loupe pas puisque dans le duel qui oppose le directeur du cirque à l'acteur (qu'on a envie d'écraser contre une porte tellement il est volontairement veule et agaçant au possible, sans recul. C'est rare que Bergman soit manichéen mais là c'est un peu trop appuyé), c'est ce dernier qui gagne, nous meurtrissant encore plus, nous spectateur mais ce choix était trop prévisible pour moi, du coup, j'espérais être surpris, je n'y ai vu qu'un Bergman en pilotage automatique, ressaçant ce qu'il sait faire mais qu'il a fait mieux dans d'autres films. M'enfin c'est mon avis mais bon, j'ai un peu détesté le film.
A noter que NotBillyTheKid en
fait une chronique rigolote sur son blog.
3/6.
edit : j'ai aussi du mal à apprécier le film parce que Breillat, cinéaste qui m'insupporte y voue un culte pas possible sous prétexte qu'a 12 ans, c'est le film qui lui a donné envie de faire du cinéma. (cf cahiers du cinéma hors-série 2007
Bergman/Antonioni : deux grands modernes)
Et même son texte sur le film me semble un peu trop égoïste et ramené sur elle et ce qu'elle en a compris dans sa vie.
Strum a écrit :Ca se sont les lauriers que la légende lui a tressée et sur lesquels on ne s'interroge pas assez. Bergman peut être très complaisant dans les tortures physiques et psychologiques qu'il inflige à ses personnages, du moins il l'a été sur une très longue période. C'est peut-être ainsi qu'il répondait à ses dépressions chroniques, en représentant l'humanité sous un jour particulièrement sombre, dans laquelle il se comptait.
Oui je reconnais que le suédois pouvait être des plus complaisants mais il y avait toujours quelque chose qui faisait oublier cet aspect dans bien d'autres films. Par exemple dans Monika (1953, donc juste avant en plus), on y croit pas une seconde que l'ex de Monika soit aussi dans la petite île et pourtant ça marche. Peut-être parce que c'est une émanation du mal à l'état pur et surtout, que le regard caméra de Harriet nous donne clairement à nous interroger nous-même sur ce qu'on vient de voir, comme si elle disait au spectateur : "
ne vous avisez pas de me juger, vous auriez aussi bien fait pareil dans la même situation !" A ce stade, on ne peut même pas juger Monika, ni même le pauvre Harry, ni même le salopard qui s'est incrusté sur l'île et fait partie dorénavant du passé : a l'instar d'un Harry se remémorant les bons moments une dernière fois, il faut avancer pour continuer dans la vie. Monika elle, est libre, jusqu'a s'en brûler les ailes. Ici, l'échappatoire consiste à flinguer un ours comme exutoire. Mouais. Et si on a pas un ours sous la main, on fait quoi ? On bute un chat ? un Chien ?
Bon je caricature mais c'est sans doute aussi que c'est plus voyant que Monika, d'autant plus que le malheur arrive ici deux fois (Frost au début, le directeur du cirque ensuite) et que l'on sait horriblement bien plus que pour Monika ce qui se joue ici. Enfin c'est mon avis subjectif hein.