omnismundi a écrit :Les Finances du Grand-duc ce soir à la Cinémathèque. Quelqu'un y va ? Que vaut ce film ?
Selon imdb, une des rares comédies de Murnau.
L'affiche est alléchante en tout cas (Ulmer en assistant réal, Karl Freund en chef op, petit rôle pour Max Schreck et scénar de Théa von Harbou).
Les Finances du Grand-Duc est un beau film. Les décors sont magnifiques, et Karl Freund est toujours au sommet de sa forme. Je n'ai pu m'empêcher de penser au Dernier des Hommes en voyant certaines scènes tournées en extérieur (chauffeur de taxi).
Pas mal d'humour aussi, la séquence du lâcher de chien dans la maison est jubilatoire ! Ce qui fait de ce film une rareté dans le sens où Murnau n'est pas habituellement tourné vers la comédie. On n'arrive pas au niveau de ses autres oeuvres, le film souffrant un peu de passages lourds.
La copie était restaurée, mais le sous-titrage laissait un peu à désirer. Pas d'accompagnement musical, ce qui n'était pas plus mal.
Je n'ai pas vraiment aimé ce film, joliment fait, mais à l'histoire hyper conventionnelle et maladroitement menée (ça met énormément de temps à démarrer). A cause du script, aucun des personnages n'arrive vraiment à se démarquer et l'interprétation générale des acteurs reste assez superficielle et fade. La fin accumule énormément de clichés.
Il a été dit ailleurs que ce film contient une des seules références explicites à l'homosexualité de Murnau. Au début du film le duc du titre, assis au bord d'une falaise en bord de mer, jette des pièces à des jeunes garçons en train de jouer dans l'eau. La scène n'a aucune réelle fonction dans le récit mais elle est joliment cadrée et photographiée. Et c'est un peu symptomatique du film entier, que de donner un joli écrin à une histoire dont le metteur en scène à l'air de se foutre éperdument.
Comme le dit omnismundi, on retrouve ça et là des scènes qui évoquent le dernier des hommes ou l'aurore dans la chorégraphie des mouvements de rue où certains plans sur des bateaux.
Certaines plans nocturnes où l'on voit défiler un train ou des voitures sont également très beaux. La décoration des intérieurs est toujours très recherché et Freund capte magnifiquement la lumière et l'atmosphère des paysages méditerranéens (le film a été tourné en partie en italie).
Il joue un des 3 sous-fifres d'un type qui finance une révolution pour renverser le duc. Il est déguisé en gueux et a une longue barbe. Il n'apparait que quelques minutes dans le film.
Tabu, Murnau+Flaherty, 1931
Une romance à la Murnau, plus épurée que jamais du fait de cet environnement paradisiaque qu'est l'île de Bora-Bora. Le naturalisme des comédiens, tous des non-professionnels recrutés sur les lieux-mêmes, en devient bouleversant. Cette interprétation pleine de charme et de vie, associée à la mise en scène et au montage superbement maîtrisés, font de ce film un pur bijou qui n'est en rien plombé par les artifices du muet, s'imposant dans toute sa modernité et son universalité. Très peu d'effets de surimpression. On est évidemment à mille lieues du cinéma expressionniste allemand. Les seuls cartons apparaissant sont ceux des lettres et pancartes que lisent les personnages.
Le film commence sur la description délicieuse et jamais fastidieuse de l'existence édenique de jeunes gens se livrant à des jeux de séduction, vivant en totale harmonie avec la Nature. Même les scènes de danse rituelle nous touchent par l'enthousiasme sincère des danseurs qui dégagent une énergie communicative. Le récit se met très vite en branle lorsqu'une tribu voisine veut faire d'une des jeunes filles du village leur vierge sacrée. Elle devient alors tabou. Elle parviendra à fuir avec son amoureux et après une perilleuse traversée, ils se réfugieront sur une île un peu plus occidentalisée (colonie française).
Murnau et Flaherty montrent avec beaucoup de force et sans naïveté la difficile survie dans cette société d'un couple qui ne connaît pas la valeur de l'argent, alors que la malédiction du tabou va refaire surface. Je vais pas raconter tout le film mais c'est vraiment passionnant.
omnismundi a écrit :En quoi peut-on finalement reconnaître la touche de Murnau dans ce film ?
Thématiquement et visuellement, le film semble complétement s'épurer pour épouser la seule figure du jeune couple. Entre une société moderne qui fonctionne sur des rapports de fric et les tabous imposés par une société traditionnelle, le couple lutte, s'accroche à ses rêves. Et puis il y a ces apparitions fantomatiques, et qui nous semblent parfois rêvées, du vieux chef qui vient menacer la jeune fille à la lueur de la lune.
omnismundi a écrit :On est assez proche je trouve de l'univers anthropologique de Jean Rouch.
De Robert Flaherty tant qu'à faire. Les deux hommes ont lancé le projet ensemble, mais il semblerait que Murnau ait progressivement entièrement pris les rênes sur le plateau.
pour ceux n'ayant pas la chance d'habiter à paris et qui voient passer loin de chez eux tant de petite merveille, signalons l'existance de city girl (la brue, ou l'intruse, pour les titres français) en DVD-R disponibe chez grapevine video (http://www.grapevinevidéo.com) dans une qualité tout à fais correcte. La chance quand on habitte pas paris de voir l'un des grand chef d'oeuvre de murnau trouvant dignement sa place entre sunrise et tabu.
erich oswald s' a écrit :pour ceux n'ayant pas la chance d'habiter à paris et qui voient passer loin de chez eux tant de petite merveille, signalons l'existance de city girl (la brue, ou l'intruse, pour les titres français) en DVD-R disponibe chez grapevine video (http://www.grapevinevidéo.com) dans une qualité tout à fais correcte. La chance quand on habitte pas paris de voir l'un des grand chef d'oeuvre de murnau trouvant dignement sa place entre sunrise et tabu.
Merci pour le lien
En plus du film de Murnau, ils ont de petites choses pas mal, et notamment Beggars of life, de William Wellman (1928) avec Louise Brooks...
Nosferatu est passé aujourd'hui, accompagné par Thibault Walter. J'avais déjà eu l'occasion d'entendre ses impros "atonales" sur Le cabinet du docteur Caligari et, comme je l'avais dit sur le topic consacré au film, ça ne m'avait pas beaucoup plu. Sur Nosferatu, l'improvisation (au piano avec jet d'objet sur les cordes) accompagnait assez bien l'atmosphère angoissante déjà distillée par l'impressionante esthétique du film. La mise en scène de Murnau est aussi beaucoup plus puissante que celle de Wiene sur Caligari. Par conséquent, l'image ne se faisait pas "bouffer" par la musique et il en résultait au contraire un équilibre interessant (les mélodies romantiques au piano déformées et rendues inquiétantes par les objets laissés sur les cordes).
J'ai vu également le film cet après-midi. J'étais assis tout près du pianiste, et j'ai trouvé assez impressionnant sa prestation. Son utilisation du piano est très expérimentale (voire industrielle à la manière d'Einsturzende Neubauten), et d'ailleurs plutôt à la mode dans l'accompagnement de films muets depuis quelques années.
Je suis d'accord avec toi Jack Griffin sur la bonne adéquation entre la partition sonore et l'image. (Seul bémol : la présence d'enfants qui donnaient des coups dans les sièges et qui commentaient tout fort chaque plan grrrr...)
omnismundi a écrit : (Seul bémol : la présence d'enfants qui donnaient des coups dans les sièges et qui commentaient tout fort chaque plan grrrr...)
je n'ai pas eu de coups dans les sièges mais une petite fille d'environ 8-9 ans commentait derrière moi ce qu'elle voyait à l'image en parlant à son père. ça ne m'a pas gêné plus que ça et m'a rassuré sur l'implication que ce film peut susciter sur des jeunes enfants. Un "oh!" d'exclamation entendu lorsque le vampire entre dans la chambre d'Hutter m'a même fait plaisir, d'un certain côté.
J'aurais aimé découvrir ce film à cet âge-là.
Par contre l'accompagnement était peut être un peu "hard" pour de jeunes oreilles