Joli mais avec un gros manque de liant.
Finalement, le fameux parti pris moderniste n'est pas si présent qu'annoncé ci et là, avec une proportion 50/50 de Rameau et de pop contemporaine. Ca m'a d'ailleurs presque laissé sur ma faim : mais
New Order, les
Cure et consorts ne sont jamais envahissants ou déplacés. La BO très anglaise donne un ton très anglais au film, aussi bien dans le soin de la reconstitution que dans l'impression que tous ces nobles emperruqués sur fond de musique eighties rappellent les extravagances de look rétro des Néo-Romantiques britanniques de cette période -
Duran Duran,
Adam and the Ants, ce genre de truc.
New Order, c'était aussi les pochettes de disques de Peter Saville, rajoutant une mosaïque de couleurs sur une nature morte de Fantin-Latour pour la couv' de l'album
Powers, lies and Corruption du groupe (et caster Steve Coogan et Shirley Henderson, tous droits sortis du
24 Hour Party People de Winterbottom, en partie consacré à
New Order, n'a rien d'innocent). Coppola s'inscrit dans cette démarche. Quand Marie-Antoinette est au bal, on dirait des scènes aux Bains-Douches.
Minute nerd finie. Coppola prend le parti casse-gueule de s'attacher à la partie a priori la moins cinégénique de la vie de la Reine (pas de paysans avec des torches, de fuite en carrosse ou de guillotine), gardant l'humeur sombre pour la fin et peut-être pas assez. Restent donc l'ennui de la vie de château, les fêtes sans fin, le ridicule des cérémoniaux et de l'étiquette, la transparence indécente de Marie-Antoinette livrée aux on-dit et aux ragots et les tirs à blanc de Louis XVI au lit. Le film véhicule assez bien cela au risque d'emmerder le spectateur, sans le côté décalage horaire de
Lost in Translation qui était aussi une histoire d'ennui, de sentiment d'être déplacé. Parce que si les images sont jolies, que Kirsten Dunst est très bien, le film manque pas mal d'émotions et de personnages secondaires consistants, de relations consistantes. La Du Barry (Argento en figurante de luxe), la Polignac, Louis XVI, le supposé super
Swedish lover Fersen ou Mercy sont à peine ébauchés. Le film respire seulement dans les scènes du Petit Trianon. Après, tout s'emballe, les divers épisodes biographiques s'enchainent trop vite et la Marie-Antoinette jusque là éternelle ado mûrit un peu trop rapidement sans qu'on comprenne trop pourquoi (enfin si, les deuils, les ragots, le mépris de plus en plus lourd, mais tout cela est survolé).
Au bout de deux heures, on a compris que Marie-Antoinette était une jeune femme frivole mais avec un bon fond, mal tombée au mauvais endroit et au mauvais moment. Coppola s'est sans doute identifiée à elle (jusqu'à la probable détestation des puristes envers le film qui vont gueuler sur
l'Américaine comme on gueulait sur
l'Autrichienne) mais pas sûr que ça intéresse tout le monde. En tout cas, le film est un genre de réponse pop sucrée aux rituels sociaux et aux plans-bouffe du
Temps de l'innocence.
