Terreur à l’Ouest (The Oklahoma Kid, 1939) de Lloyd Bacon
WARNER
Sortie USA : 03 mars 1939
Après
Cimarron, le western nous fait une nouvelle fois assister à cette fameuse course aux terres de l'Oklahoma mais, disons le d'emblée, la séquence est sans commune mesure avec la précédente dans le mauvais sens cependant : aussitôt vue, aussitôt oubliée, sans souffle ni puissance épique. Mais l'essentiel de l'intrigue n'est pas là non plus ; seulement cette séquence bâclée est néanmoins représentative du reste.
1893. Le Président Cleveland décide d’ouvrir le Cherokee Strip aux pionniers pour repousser encore plus loin ‘la frontière’. Pour dédomager les Indiens de leur terre concédée, il décide de leur allouer une forte somme qui est malheureusement dérobée par le chef de gang Whip McCord (Humphrey Bogart). Mais un dénommé Oklahoma Kid (James Cagney) veille ; seul, il tend une embuscade aux bandits et réussit à récupérer l’argent… Puis la célèbre ruée vers l’Oklahoma a lieu ; usant de la tricherie, le même McCord arrive le premier sur les nouvelles terres et participe à l’érection de la future Tulsa dont il prend les rênes à force de corruption et de terreur. Les honnêtes citoyens vont cependant être aidés dans le rétablissement de la paix et de l’ordre par le mystérieux Oklahoma Kid qui se met une nouvelle fois au travers du chemin du brigand tout de noir vêtu et qui n’hésite pas une seconde à faire le coup de feu d’autant qu’il s’avère être en réalité le fils caché d’un des membres influents du conseil municipal…
Premier budget important alloué par la Warner pour un western en cette année 1939. Si un film du genre devait se juger au nombre de coups de feu tirés,
Terreur à l’Ouest (attention, ne pas confondre avec l’un des tout meilleurs films d’Andre de Toth avec Randolph Scott qui partage le même titre français et dont le titre original est
The Bounty Hunter) serait assurément un chef-d’œuvre ! Les armes fusent, les coups de feu crépitent, les chevaux galopent à cœur joie ; ça fuse, ça court, ça caracole, ça se démène mais… ça fait surtout ‘beaucoup de bruit pour rien’ comme l’aurait dit un certain Shakespeare. Que d’argent gâché, que de talents dissipés pour un navet qui devrait procurer même au spectateur le plus tolérant et le moins exigeant un ennui mortel ! Ils se sont mis à trois (dont Robert Buckner qui écrira de bons scripts pour Michael Curtiz peu après) pour pondre un scénario aussi inepte ; Max Steiner a du composer sa musique en état d’ébriété tellement celle écrite pour ce western s’avère pénible ; quant à Lloyd Bacon, on se demande ce qui lui a pris de vouloir aller se perdre dans les plaines de l’Ouest alors qu’il s’était surtout spécialisé jusqu’à présent dans le musical avec parfois de formidables réussites (dont le magnifique
42nd Street) : la rapidité du montage et de l’action ne suffit pas à nous cacher l’inanité de sa réalisation, incapable de tirer de son chapeau ne serait-ce qu’une seule idée de mise en scène.
Mais alors, que penser du casting qui semblait promettre pour ce film de prestige du studio ? James Cagney et Humphrey Bogart, avant de former un duo qui fonctionnera à merveille dans
Les Fantastiques Années 20 (
The Roaring Twenties) de Raoul Walsh se révèlent ici non seulement médiocres mais aussi oh combien ridicules ! Avec sa veste à lanière, James Cagney en cow boy d’opérette mal grimé en fait des tonnes dans son personnage de Robin des Bois du Far West tuant comme il respire mais capable aussi de pousser la chansonnette voire la berceuse pour endormir un nourrisson. Humphrey Bogart interprète le Bad guy du film sans aucune conviction semblant s’ennuyer à mourir ; n'ayons pas peur des mots, il est ici mauvais comme cochon ! Seul James Wong Howe à la photo semble tirer son épingle du jeu même si le réalisateur ne nous laisse pas vraiment le temps d’apprécier ses beaux plans. Ne nous attardons pas plus longuement sur ce western qui n’en vaut vraiment pas la peine, un budget de série A pour un film à peine digne d’un mauvais serial. Heureusement, sa durée est très courte puisqu’elle ne dépasse pas les 75 minutes ; la pilule est ainsi plus facile à avaler !
********************************************************************************
L'Aventure est à l'Ouest (The Great Sioux Uprising, 1953) de Lloyd Bacon
UNIVERSAL
Avec Jeff Chandler, Faith Domergue, Lyle Bettger, Stacy Harris, Peter Whitney, Walter Sande, John War Eagle
Scénario : Melvin Levy, J. Robert Bren & Gladys Atwater
Musique : Joseph Gershenson
Photographie : Maury Gertsman (Technicolor)
Un film produit par Albert J. Cohen pour la Universal
Sortie USA : 17 juillet 1953
Lloyd Bacon n’aura réalisé que deux westerns tout au long de sa prolifique carrière (quelques 130 films). On ne peut pas dire qu’il ait laissé son empreinte au sein du genre alors qu’il aura été à l’origine de quelques formidables réussites dans d’autres domaines comme la comédie musicale avec par exemple le superbe et novateur
42ème rue (
42nd Street) ! Son premier western était un sacré navet, un des pires vus jusqu’à présent,
Terreur à l’Ouest (The Oklahoma Kid), avec pourtant un duo plus qu'alléchant : James Cagney / Humphrey Bogart.
L'Aventure est à l'Ouest (quelle imagination de la part des distributeurs français !), l’un de ses derniers films, loin d’être mémorable non plus, a au moins l’avantage d’être plaisant et assez original dans son postulat de départ, abordant la Guerre de Sécession encore sous un angle assez original tout comme le précédent western Universal,
L’Héroïque Lieutenant (Column South) signé Frederick de Cordova. Tous deux des séries B plutôt divertissantes à condition cependant de ne pas en demander trop.
La Guerre de Sécession est bien entamée. Les troupes Nordistes pensent que la victoire leur serait plus rapide si la cavalerie pouvait disposer de plus de montures ; ces dernières leurs font en effet cruellement défaut. Ils en ont urgemment besoin mais les maquignons du Wyoming n’ont plus grand-chose ‘en stock’. La charmante Joan Britton (Faith Domergue), ayant récupéré l’écurie de son père décédé, a pris sa succession à la tête de son affaire de vente de chevaux. Elle arrive à convaincre Heyoka, sa cuisinière indienne, de la conduire au chef des Sioux, Nuage Rouge (John War Eagle), qui cache d’immenses troupeaux sur les plateaux. Mais le célèbre chef indien refuse de vendre des bêtes qui serviraient ensuite à des soldats qui, avant la Guerre Civile, les ont délogés de leurs terres. Stephen Cook (Lyle Bettger), l’autre maquignon de la région qui tourne autour de Joan depuis quelques années (probablement pour annihiler la concurrence par la même occasion), n’a aucun scrupules à avoir suivi cette dernière pour trouver les centaines de chevaux dont il n’hésite pas à s’emparer, tuant au passage quelques membres de la tribu. Un ancien médecin de l’armée, Jonathan Westgate (Jeff Chandler), arrive au campement peu après afin de soigner un cheval ; déprimé d’avoir laissé autant de mourants sur les champs de bataille sans pouvoir les sauver, il s’est reconverti en tant que vétérinaire. Nuage Rouge lui explique ce qui vient de se passer, pensant que Joan était de mèche avec les voleurs. De retour en ville, Jonathan va tenter de démêler la vérité, ayant promis à Nuage Rouge de punir les assassins et voleurs pour éviter que la paix entre blancs et indiens viennent à se fissurer…
Des maquignons, durant la Guerre de Sécession, nous en avions déjà croisé au sein de l’excellent
Springfield Rifle (La Mission du Commandant Lex) de André De Toth. Mais dans le western de Lloyd Bacon, ce sont les personnages principaux aux côtés d’un médecin/vétérinaire. Déjà un petit côté novateur au travers de la profession des principaux protagonistes du film. Le fait d’apprendre que la cavalerie américaine était à cette époque en cruel manque de montures, les grands ranchers du Sud refusant en toute logique de vendre leur cheptel à l’ennemi, est assez intéressant. Tout comme le personnage réel du général Stan Watie, un Cherokee ayant tenté de monter les tribus indiennes contre les soldats de l’Union prétextant un ennemi commun au vu de l’histoire toute récente. Il leur a fourni des fusils et des carabines en essayant de les inciter à rejoindre les troupes confédérées mais sans résultats. Je ne connais pas les raisons du refus dans la réalité mais dans le film de Lloyd Bacon c’est le personnage joué par Jeff Chandler qui intervient. Après avoir vu le Général maltraiter l’un de ses serviteurs noirs, il conseille aux chefs indiens réunis de garder leur neutralité et leur rappelle que fournir un soutien aux confédérés reviendrait à soutenir l’esclavage ; discours naïf mais une nouvelle fois encore bien plaisant à entendre au sein d’un film censé au départ n’être destiné qu’à divertir. Quoiqu’il en soit, pour l’anecdote et la petite histoire, le Général Watie fut en 1864 le seul natif américain à atteindre ce grade au sein de l’armée américaine après avoir eu sous son commandement deux régiments nommés ‘the Cherokee Mounted Rifles’ ; il fut également le dernier Général sudiste à se rendre à la fin du conflit.
De nombreuses notations inédites auxquelles nous pouvons ajouter une femme maquignon, un héros ‘dépressif’ ne pouvant plus supporter la violence ni les armes, une opération de l’appendicite ainsi qu’une ‘bataille de versets’ entre Jeff Chandler et l’affable Peter Whitney. C’est donc avant tout grâce à un scénario bien écrit et peu avare d’éléments nouveaux et cocasses que l’on peut suivre ce petit western avec plaisir d’autant que dans le même temps il est relativement bien interprété par le trio Jeff Chandler, la séduisante Faith Domergue (la tueuse dans
Duel sans merci - Duel at Silver Creek de Don Siegel) et Lyle Bettger assez convainquant en vicieux Bad Guy ; pas certain que Stephen McNally prévu au départ ait été plus à sa place. Parmi les seconds rôles, on retrouve avec plaisir l’inquiétant Stacy S. Harris ou l'inévitable John War Eagle en chef indien.
Le dernier quart du film, un peu plus fouillis, multiplie les péripéties, fait se succéder scènes d’action et rebondissements plus conventionnels qui font un peu retomber notre attention d’autant que la mise en scène de Lloyd Bacon ne brille pas à ces moments là par son efficacité. C’est là que le bât blesse ; si dans son écriture,
The Great Sioux Uprising se tient assez bien, la réalisation a du mal à suivre, se contentant du strict minimum, incapable de donner le moindre souffle aux séquences mouvementées, inapte à faire monter la tension quand la violence se fait jour (voire la scène totalement terne de l’épreuve que font subir les Sioux à Jeff Chandler). "
Un western qu'aurait pu signer Nathan Juran" : la phrase de Bertrand Tavernier jugeant négativement le film tombe donc un peu à plat puisque ce dernier réalisateur avait prouvé qu’il était autrement plus doué dans le genre que monsieur Lloyd Bacon et d'ailleurs pas plus tard que la même année avec son trépidant
Quand la poudre parle (Law and Order). On se consolera en se répétant que les extérieurs de l’Oregon sont magnifiques, qu’aucune transparence n’est utilisée et que le décorum rutilant et en Technicolor des intérieurs flatte l’œil même si la cuisine de Faith Domergue ressemble plus à celle d’une femme moderne des années 50 qu’à une femme de l’Ouest au 19ème siècle ! Aucunement mémorable mais néanmoins pas désagréable.