Re: Akira Kurosawa (1910-1998)
Publié : 9 mars 16, 06:04
Suite de notre cycle avec, cette fois chroniqué par Olivier Bitoun, Les bas Fonds.
Tout à fait. Charles Tesson oublie que le regard indulgent que porte Kurosawa sur Itokawa tient à l'humanisme du réalisateur (il trouve des raisons humaines à son comportement : une mère désargentée) et au point de vue de Yukie - il ne fait même pas état du point de vue de Kurosawa sur cette période qui est pourtant exprimé par le réalisateur avec une honnêteté admirable dans Comme une autobiographie. Je ne suis guère friand de ce genre de critique qui se prend pour un juge et qui oublie de parler du film (car Charles Tesson parle du contexte, mais n'analyse guère le film lui-même en vérité) pour donner des leçons de morale à un réalisateur, à 70 ans de distance au nom de je ne sais quels préjugés (Charles Tesson semble avoir pas mal de préjugés sur Kurosawa et en parle parfois avec gêne ; c'était perceptible dans son petit livre paru aux éditions des cahiers du cinéma / Le Monde). Un cinéaste n'est pas un historien. Dommage, car c'est un film sur lequel il y a beaucoup à dire. Ed en a bien parlé dans sa belle critique. Je viens moi-même d'écrire un long article sur le film.kiemavel a écrit :Dans le court passage dans lequel Tesson évoque très brièvement l'attitude de Kurosawa durant la guerre, Il rapproche son parcours à cette époque là de celui de Itokawa (l'étudiant proche des milieux progressistes qui va finir par servir le régime) en affirmant qu'il est plus proche de son parcours que de celui du rebelle Noge…C'est vrai que c'est abusé car même si Tesson ne porte pas de jugement, rapprocher son parcours dans le milieu du cinéma (assistant puis réalisateur) durant les années 30, puis celles de la guerre, de celui d'un serviteur zélé (même si tourmenté) du régime, c'est osé…
Ensuite, sur le film lui-même, pas grand chose à redire sauf dans le passage où Tesson prétend que Kurosawa a voulu privilégier la réconciliation nationale quitte à trahir l'histoire car il n'aurait pas restitué la violence de l'époque. Il lui reproche d'avoir montré un peu trop de "résistants" (mais c'est que K s'est intéressé à un milieu d'intellectuels progressistes) et d'avoir minoré les conséquences de la trahison de Itokawa ; et au delà la violence de la répression politique. C'est plutôt vrai mais on peut en faire le constat sans pour autant porter un regard critique sur la volonté réconciliatrice de Kurosawa. L'épuration, c'est pour les autres, surtout "à chaud" et puis même si évidemment le contexte politique est en permanence plus qu'au second plan, si les deux pôles idéologiques s'expriment avant tout par les 2 garçons qui évoluent différemment, le personnage central c'est celui interprété par Setsuko Hara et ce qui intéresse surtout K pour moi c'est ce personnage de femme et ce triangle amoureux dans lequel le contexte politique tient une grande place puisqu'il guide même pour une grande part le choix que fini par faire la jeune femme. Elle est séduite par un homme autant pour les idées qu'il défend que pour son attitude courageuse, mais si elle suit Noge et qu'elle partage ses idées, elle est bien plus indécise ; elle est celle qui observe, qui tente de réconcilier, qui s'inquiète de la radicalisation de l'un, des dérives de l'autre, etc…Elle n'est pas "centriste" ou passive mais mesurée. C'est parce qu'elle passe par un tel personnage que la description de l'époque ne rend pas compte de sa violence. Il me semble.
Charles Tesson, qui est "spécialiste" du cinéma japonais, est souvent très élogieux quand ils parlent d'autres cinéastes de l'âge d'or : Ozu, Kinoshita ou bien sûr Mizoguchi, et à vrai dire, il le fait plutôt bien. Mais quand il s'agit de Kurosawa, je confirme, il est malhonnête et c'est très énervant. Je pense que c'est dû à l'influence de ses aînées aux Cahiers du cinéma. On a beau penser que c'est une histoire complètement révolue, mais selon moi, il y a un truc qui n'est pas vraiment digéré de leur (ou de son) coté. Je pense que tu dois te rappeler le texte que j'avais recopié (il fût un temps), et qu'il avait écrit en hommage à Kurosawa en 98, lorsque ce dernier est décédé. Et notamment cette fameuse phrase où il disait : "les Cahiers ont eu raison de préférer Mizoguchi". C'était il y a presque 20 ans, et j'ai tendance à penser qu'il n'a pas mûri depuis.Strum a écrit :Tout à fait. Tesson oublie que le regard que porte Kurosawa sur Itokawa tient à l'humanisme du réalisateur (il trouve des raisons humaines à son comportement : une mère désargentée) et au point de vue de Yukie - il ne donne même pas le point de vue de Kurosawa sur la question qui est pourtant clairement exprimé par le réalisateur dans Comme une autobiographie. Je ne suis guère friand de ce genre de critique qui se prend pour un juge et qui oublie de parler du film (car Tesson parle du contexte, mais n'analyse guère le film lui-même en vérité) pour donner des leçons de morale à un réalisateur, à 70 ans de distance au nom de je ne sais quels préjugés (Tesson semble avoir pas mal de préjugés sur Kurosawa et en parle parfois avec gêne ; c'était perceptible dans son petit livre paru aux éditions des cahiers du cinéma / Le Monde). Un cinéaste n'est pas un historien. Dommage, car c'est un film sur lequel il y a beaucoup à dire. Ed en a bien parlé dans sa critique sur Classik. Je viens moi-même d'écrire un long article sur le film.
Quelle bêtise d'ailleurs de sortir une telle phrase qui ne veut strictement rien dire. Dommage pour un tel spécialiste ; ça aurait tendance à le décrédibiliser.k-chan a écrit :Et notamment cette fameuse phrase où il disait : "les Cahiers ont eu raison de préférer Mizoguchi".
Tu as tout à fait raison. Oui, je me souviens de ce texte, merci k-chan.k-chan a écrit :Charles Tesson, qui est "spécialiste" du cinéma japonais, est souvent très élogieux quand ils parlent d'autres cinéastes de l'âge d'or : Ozu, Kinoshita ou bien sûr Mizoguchi, et à vrai dire, il le fait plutôt bien. Mais quand il s'agit de Kurosawa, je confirme, il est malhonnête et c'est très énervant. Je pense que c'est dû à l'influence de ses aînées aux Cahiers du cinéma. On a beau penser que c'est une histoire complètement révolue, mais selon moi, il y a un truc qui n'est pas vraiment digéré de leur (ou de son) coté. Je pense que tu dois te rappeler le texte que j'avais recopié (il fût un temps), et qu'il avait écrit en hommage à Kurosawa en 98, lorsque ce dernier est décédé. Et notamment cette fameuse phrase où il disait : "les Cahiers ont eu raison de préférer Mizoguchi". C'était il y a presque 20 ans, et j'ai tendance à penser qu'il n'a pas mûri depuis.
Merci, je vais comparer avec le classement Kinema Jumpo !Strum a écrit :Voici d'ailleurs un lien vers la liste des meilleurs films japonais établie par les lecteurs japonais de Kinema Junpo, le premier magazine de cinéma japonais :
https://mubi.com/lists/japanese-movies- ... un-readers
Cela devrait te plaire, il y a 4 films de Kurosawa dans les 10 premiers.k-chan a écrit :Merci, je vais comparer avec le classement Kinema Jumpo !
Oui, ce site a tendance à suivre une certaine doxa dans la mouvance des Cahiers du cinéma (du moins les Cahiers d'avant la nouvelle équipe).Cololi a écrit :Je comprends mieux Merci à toi pour ce long post.
Du coup ça explique la sous-notation de Kurosawa sur ce site : http://www.cineclubdecaen.com/