Rainer Werner Fassbinder (1945-1982)
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Le monde sur un fil
Téléfilm SF qui cause euh... de monde virtuel et réel, de couloirs avec bcp de portes et d'un héros qui passe du monde virtuel/simulé au nôtre dans une cabine téléphonique. En refusant - thune, éthique - de jouer la carte FX, Fassbinder compose un thriller SF cérébral Alphaville où ça brasse Platon, caverne, si je n'existe pas il faudrait m'inventer. Le plus étonnant est que les idées coulent de source dans son univers, où les tics de réalisation (l'omniprésence des miroirs) évoquent au premier degré l'idée de mirage de la vie du scénar. L'idée de reflet chère à RWF - en gros, ses héros ont tjrs du mal à s'accorder avec l'image qu'ils devraient renvoyer aux autres - est ici littérale. Des longueurs certes, mais la manière dont le héros tourne en cage au bout d'un moment est typique de RWF, car manipulé, dans l'impasse, il va au bout du compte péter les plombs, commettre l'irréparable. Clins d'oeil à 007 et 2001, saupoudrés de scènes camp à l'Alcazar de Paname, où RWF semble déjà penser à Lili Marleen. Ah oui... ne jamais confier de scènes d'action à RWF, genre flingage, explosion de cabane ou bagarre dans la cafet' avec table prédécoupée car c'est vraiment pas son genre. Surtout étonnant par la manière dont il fait sien un pitch à des années-lumière de son turf habituel.
Téléfilm SF qui cause euh... de monde virtuel et réel, de couloirs avec bcp de portes et d'un héros qui passe du monde virtuel/simulé au nôtre dans une cabine téléphonique. En refusant - thune, éthique - de jouer la carte FX, Fassbinder compose un thriller SF cérébral Alphaville où ça brasse Platon, caverne, si je n'existe pas il faudrait m'inventer. Le plus étonnant est que les idées coulent de source dans son univers, où les tics de réalisation (l'omniprésence des miroirs) évoquent au premier degré l'idée de mirage de la vie du scénar. L'idée de reflet chère à RWF - en gros, ses héros ont tjrs du mal à s'accorder avec l'image qu'ils devraient renvoyer aux autres - est ici littérale. Des longueurs certes, mais la manière dont le héros tourne en cage au bout d'un moment est typique de RWF, car manipulé, dans l'impasse, il va au bout du compte péter les plombs, commettre l'irréparable. Clins d'oeil à 007 et 2001, saupoudrés de scènes camp à l'Alcazar de Paname, où RWF semble déjà penser à Lili Marleen. Ah oui... ne jamais confier de scènes d'action à RWF, genre flingage, explosion de cabane ou bagarre dans la cafet' avec table prédécoupée car c'est vraiment pas son genre. Surtout étonnant par la manière dont il fait sien un pitch à des années-lumière de son turf habituel.
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J'ai trouvé ça vraiment pas mal même si ça tire un peu en longueur par moments. Vu le postulat de base (rien n'est réel), RWF s'amuse comme il peut en se permettant des gros délires et intégrer son univers d'une manière un peu foutraque mais jubilatoire (un peu séchement, à la manière d'un Cronenberg sur Exitenz). En plus des références cités par John j'ai aussi vu quelques motifs hitchcokien; du générique rappelant psycho en allant jusqu'au thème de l'homme traqué et du faux coupable (l'homme qui en savait trop est cité dans une réplique).John Constantine a écrit :Le monde sur un fil
Sympatoche.
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John Constantine a écrit :Le monde sur un fil
Téléfilm SF qui cause euh... de monde virtuel et réel, de couloirs avec bcp de portes et d'un héros qui passe du monde virtuel/simulé au nôtre dans une cabine téléphonique. En refusant - thune, éthique - de jouer la carte FX, Fassbinder compose un thriller SF cérébral Alphaville où ça brasse Platon, caverne, si je n'existe pas il faudrait m'inventer. Le plus étonnant est que les idées coulent de source dans son univers, où les tics de réalisation (l'omniprésence des miroirs) évoquent au premier degré l'idée de mirage de la vie du scénar. L'idée de reflet chère à RWF - en gros, ses héros ont tjrs du mal à s'accorder avec l'image qu'ils devraient renvoyer aux autres - est ici littérale. Des longueurs certes, mais la manière dont le héros tourne en cage au bout d'un moment est typique de RWF, car manipulé, dans l'impasse, il va au bout du compte péter les plombs, commettre l'irréparable. Clins d'oeil à 007 et 2001, saupoudrés de scènes camp à l'Alcazar de Paname, où RWF semble déjà penser à Lili Marleen. Ah oui... ne jamais confier de scènes d'action à RWF, genre flingage, explosion de cabane ou bagarre dans la cafet' avec table prédécoupée car c'est vraiment pas son genre. Surtout étonnant par la manière dont il fait sien un pitch à des années-lumière de son turf habituel.
En effet, le film fait beaucoup penser à " Alphaville" dans son utilisation minimale du décorum S.F. Nulle sophistication ici, le réalisateur utilise toutes les ressources d'un environnement quotidien avec tout de même une prédilection pour les objets translucides qui parasitent et tordent la vision...Pour tout dire, j'étais curieux de voir comment est-ce qu'un cinéaste au style si singulier que Fassbinder allait pouvoir s'en sortir avec un film de S.F. Etrangement, cela fonctionne bien: son style baroque s'y prête bien. Ce que j'ai particulièrement apprécié dans ce film, c'est la façon dont Fassbinder regurgite toutes ses références cinéphiliques: le cinéma burlesque, un héros de film noir conduisant une corvette, Hitchcock... mais surtout la façon dont celui-ci saute les différents éléments du cadre; les embuches qui parsèment son parcours. Ici, c'est trés littéral et en même temps trés amusant dans la manière dont Fassbinder en joue.
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Le Monde sur un Fil (1973) : d'une richesse visuelle et thématique folle, c'est aussi une des transposition cinématographique de l'univers de PK Dick les plus réussies que je connaisse (le scénar est tiré de l'excellent bouquin de Daniel F. Galouye Simulacron 3, lui-même fortement influencé par Dick.) S'enfiler les 3h30 d'une seule traite est assez épuisant, d'autant que le nombre hallucinant de travellings, de zooms, de mouvements de caméra et de jeux de mirroirs a vite fait de réduire en bouillie mes neurones (c'est à croire que RWF venait de se taper l'intégrale de W Haas et recyclait tous ses parti-pris de mise en scène). Le film est porté par l'excellente interprétation de Klaus Lôwitsch (qui n'arrête dans de s'agiter dans le cadre de manière quasi névrotique) et il parfois hilarant de croiser au détour d'un plan ou d'une scène les acteurs-complices habituels de Fassbinder dans des rôles (secondaires) assez étonnants (Kurt Raab, Ingrid Caven,...) RWF s'approprie complètement l'histoire et y injecte tout son décorum habituel (banlieue froide, cabaret enfumé, femmes sculturales, acteurs torse nu, etc) et semble s'être posé le défi de placé un "personnage" féminin dans chaque scène (même lorsque cela n'est pas indispensable), quitte à utiliser des actrices "potiches" ou des représentations (affiches, statues,...) Le film explore à fond son atmosphère glauque et paranoïaque, le thème des univers virtuels et se paie même le luxe d'ajouter une dimension poétique et romantique inattendue dans la toute dernière partie. Le plus halluciannt dans tous ça, c'est de savoir que le film est passé à la télé allemande à l'époque.
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Rien à ajouter à ce qui précéde. Tout a été dit, et bien dit.
Je noterai juste une utilisation du son, toujours très travaillé chez RWF, qui brasse musique classique, airs populaires à l'accordéon et zizique électronique parfaitement en accord avec toute l'esthétique profondément ancrée 70's du film (le mobilier et les diverses machines).
Une oeuvre assez étonnante et vraiment très en avance sur son temps, puisqu'elle annonce clairement des thèmes qui seront traités plus tard dans Blade runner, Tron, Abre los ojos, Matrix, ou Avalon. Et Fassbinder ne dilue jamais son style, même si sur la longueur sa mise en scène m'a semblé un peu manquer d'idées, tournant finalement à vide comme son protagoniste (ce qui est donc tout à fait à propos mais rend peut-être le spectacle un peu trop lisible, trop littéral ?). Il y a pas mal de satire sur le journalisme, les liens entre les gros industriels et l'état, certaines scènes sont très drôles dans leur absurdité.
Et l'inattendue touche de romantisme finale apporte une profondeur assez inespérée à l'ensemble.
Je noterai juste une utilisation du son, toujours très travaillé chez RWF, qui brasse musique classique, airs populaires à l'accordéon et zizique électronique parfaitement en accord avec toute l'esthétique profondément ancrée 70's du film (le mobilier et les diverses machines).
Une oeuvre assez étonnante et vraiment très en avance sur son temps, puisqu'elle annonce clairement des thèmes qui seront traités plus tard dans Blade runner, Tron, Abre los ojos, Matrix, ou Avalon. Et Fassbinder ne dilue jamais son style, même si sur la longueur sa mise en scène m'a semblé un peu manquer d'idées, tournant finalement à vide comme son protagoniste (ce qui est donc tout à fait à propos mais rend peut-être le spectacle un peu trop lisible, trop littéral ?). Il y a pas mal de satire sur le journalisme, les liens entre les gros industriels et l'état, certaines scènes sont très drôles dans leur absurdité.
Et l'inattendue touche de romantisme finale apporte une profondeur assez inespérée à l'ensemble.
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Humm, je ne peux pas résiter à répéter ce que j'ai dit en sortant de la séance : ce film devrait être obligatoire pour tout fan de Matrix, histoire de leur remettre les idées en place et leur montrer la totale vacuité du "grand oeuvre" des frangins W.Jack Griffin a écrit :C'était un "sur-matrix"Bob Harris a écrit :Toujours rien vu pour l'instant...
Je voulais venir hier soir, mais j'étais trop fatigué pour un "sous-Matrix" de 3h30
(Provoc' un peu gratuite pour attirer plus de monde sur le topic... )
Sinon, excellentes les photos, Jack !
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L'année des treize lunes
Il y aurait pas mal de choses à dire mais je suis paresseux et pas forcément très pertinent. Ce qui m'a surpris est entre autre la prestation de Volker Spengler que je n'avais vu jusqu'ici que dans des rôles plus limité et qui porte ici le film à bout de bras en incarnant avec beaucoup de sensibilité un personnage (transexuel en bout de course) pas forcément très évident à jouer. Il a fallu un moment pour que j'entre dans le rythme très lent du film et ses étirements de scènes à n'en plus finir mais qui exercent toutes une réelle fascination. Le travail sur le son (voix off qui s'emballe, superposition) et la mise en scène (décors minimaliste, pas mal d'éclairage monochrome) participe à créer une atmosphère un peu confuse où on a l'impression que tout un univers se délite sous les yeux d'Elvira/Erwin. On traverse des lieux déserts (les bureaux d'Anon Saitz) , déshumanisé (abattoir, salle de jeux)...Triste, pas évident mais très beau.
PS: Durant la projection au MK2 beaubourg, le son et l'image était désinchronisés sur une des scènes
Il y aurait pas mal de choses à dire mais je suis paresseux et pas forcément très pertinent. Ce qui m'a surpris est entre autre la prestation de Volker Spengler que je n'avais vu jusqu'ici que dans des rôles plus limité et qui porte ici le film à bout de bras en incarnant avec beaucoup de sensibilité un personnage (transexuel en bout de course) pas forcément très évident à jouer. Il a fallu un moment pour que j'entre dans le rythme très lent du film et ses étirements de scènes à n'en plus finir mais qui exercent toutes une réelle fascination. Le travail sur le son (voix off qui s'emballe, superposition) et la mise en scène (décors minimaliste, pas mal d'éclairage monochrome) participe à créer une atmosphère un peu confuse où on a l'impression que tout un univers se délite sous les yeux d'Elvira/Erwin. On traverse des lieux déserts (les bureaux d'Anon Saitz) , déshumanisé (abattoir, salle de jeux)...Triste, pas évident mais très beau.
PS: Durant la projection au MK2 beaubourg, le son et l'image était désinchronisés sur une des scènes
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Le côté digressif de certains passages - chez l'astrologue, la bio d'Elvira déroulée par la bonne soeur (la mère de RWF) - et la théâtralité plus accentuée - Ingrid Caven en accessoire scénique ou le passage de la nonne à la fin - rapprochent le film du RWF des débuts, mais avec un côté romantique et franchement irrationnel (comme le titre) qui en fait sa beauté. C'est indéniablement déconcertant parfois pour cause de distanciation mais avec des années-lumières, de froideur abrupte : je n'arrive pas à trouver le mot juste pour la séquence de la comédie musicale. C'est plombé partout, d'une tristesse infinie et truffé de moments d'anthologie comme la scène à la salle d'arcades, le suicide du gars dans l'immeuble de Seitz, le zapping d'Ingrid Caven entre un Pialat et l'interview télé d'un certain RWF et of course le passage halluciné à l'abattoir. Je déteste dire ouais, j'ai pas de mots pour décrire blabla mais là on y est. Chef d'oeuvre.Jack Griffin a écrit :L'année des treize lunes
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