
La dernière maison sur la gauche
Budget dérisoire, trame rachitique, filmage cru, grain volontairement disgracieux, approche neutre et frontale d’un fait divers crapoteux (deux jeunes filles se font humilier, violer et assassiner par une bande de dégénérés)… Dépouillée de tout attrait cathartique, de toute séduction ambigüe, la violence est ici dépeinte sans suspense et avec un réalisme écœurant, dans un jeu de bascule et de circulation pulsionnelles qui renvoie dos à dos la cruauté gratuite du Mal absolu et le défouloir de parents vengeurs, tour à tour bourreaux et victimes, assiégeurs et assiégés. Les intermèdes cocasses avec les flics, les ballades et le folklore seventies, la nature comme cadre de l’atrocité la plus ignoble ajoutent à l’effroi et au malaise dispensé par ce film particulièrement éprouvant, qui laisse l’estomac au bord des lèvres. 4/6
La colline a des yeux
En signant ce survival cousin de Massacre à la Tronçonneuse, le réalisateur confirme sa volonté de s’imposer comme le sorcier d’un cinéma d’épouvante brut, archiréaliste, dont l’unique enjeu est d’éprouver au maximum les nerfs du spectateur. Sur une trame basique (une famille de vacanciers pris en chasse par un clan de cannibales en plein du désert du Nevada), il cherche sans jamais vraiment le trouver l’équilibre entre la sécheresse du style et le jeu avec une multitude de références avouées. Gros problème : sa troupe de néanderthaliens dégénérés, sapés comme dans Mad Max et adeptes de la course de fond, est bien plus grotesque qu’effrayante. Et le film est à leur image, qui ponctue un récit sur courant alternatif de décharges de sauvagerie rigolarde sans parvenir à créer ni malaise ni tension. 3/6
Les griffes de la nuit
Découverte tardive de ce classique de l’épouvante 80’s, à l’origine de l’un des personnages les plus iconiques du genre. Il faut bien avouer que le postulat, qui ouvre au Mal les portes de notre propre univers onirique, est assez génial. Évidemment le film regorge de jump scares bidons, bien sûr certaines plages musicales électro-rock tutoient le ringard, forcément on est en mesure de deviner une bonne partie de ce qui survient trente secondes à l’avance. Reste que Craven joue avec nos nerfs en témoignant d’une vraie inventivité dans l’image, que la tension ne faiblit jamais, entretenue par de beaux moments d’inquiétante étrangeté, et que le discours sous-jacent sur une adolescence courageuse et entreprenante, laissée à elle-même par des parents démissionnaires, est plutôt bien vue. 4/6
Scream
On a assez souligné l’ironie et l’intelligence narquoises de ce film qui au cœur des années 90 inaugurait la vague méta du slasher, épuisé par des années de conventions, en la doublant d’une étude décapante des turpitudes provinciales. Démonter les codes d’un genre tout en démontrant simultanément qu’on ne peut échapper à leur efficacité, en voilà le programme imparable. Le jeu avec la connivence du spectateur, l’autodérision infiltrant tous les régimes d’angoisse, la dimension presque borgésienne de personnages conscients de leur nature fictionnelle dispensent une réflexion amusée sur le rapport de la violence à l’image, plus ludique mais tout aussi pertinente que celle d’un Funny Games. Sans que jamais le second degré n’érode le plaisir pris à un exercice de terreur mené avec virtuosité. 5/6
Scream 2
On ne peut enlever à Craven son habileté, affirmée dès le prologue qui rejoue la première scène du film précédent par d’autres acteurs – la fiction dans la fiction. Toujours plus d’enchâssements en abyme donc, toujours plus de clins d’œil à l’adresse du public, et une déclinaison assez programmatique des procédés qui avaient injecté un sang neuf réjouissant au premier volet. L’humour et le comique gore compensent tant bien que mal l’effritement de la surprise. J’avoue ne pas avoir gardé un grand souvenir de cette suite assez paresseuse, tout juste ponctuée de quelques jolis moments de brio (l’ouverture au cinéma, notamment), mais plombée par l’enlisement d’un système qui commence déjà à tourner en rond (on me répondra que c’est la nature même du projet qui veut ça). 3/6
Scream 4
J’ai donc fait l’impasse sur le troisième chapitre (pourtant pas mal du tout, paraît-il), et n’ai retrouvé la saga que pour ce quatrième volet, fondé sur les mêmes mécanismes de reconnaissance et d’assimilation, mais que Craven actualise à l’heure des réseaux sociaux et des nouveaux régimes d’images. La série devait logiquement en passer par là, et le cinéaste poursuit l’autopsie d’un genre entre-temps pollué par des dizaines de surenchères industrielles avec le même mélange de distanciation sarcastique et de littéralité théorique qu’auparavant, en s’approchant toujours un peu plus de la parodie – en témoigne la guirlande de séquences en miroir placées en exergue. Le tout est drôle et divertissant, mais rappelle aussi que le tour de la question avait déjà été plus ou moins fait dès le premier film. 4/6
Mon top :
1. Scream (1996)
2. La dernière maison sur la gauche (1972)
3. Les griffes de la nuit (1984)
4. Scream 4 (2011)
5. Scream 2 (1997)
Du peu que j’en en ai vu, Wes Craven s’affirme comme le petit maître d’un genre très prisé par les amateurs et qu’il a contribué à créer. Globalement j’aime son humour, son efficacité et son intelligence décontractée, mais je trouve ses variations théoriques un peu vaines également, sur la longueur.