29- Il faut marier papa (The Courtship of Eddie's Father) 1963 de Vincente Minnelli MGM
Tom Corbett (Glenn Ford), directeur des programmes d’une station de radio, vient de perdre son épouse dans un accident. Veuf, il élève seul son jeune garçon Eddie (Ronny Howard). Attentionné mais rapidement débordé, il loue les services d’une gouvernante ; mais une aide ménagère ne peut pas remplacer une compagne et Eddie, ayant promis à sa mère d’aider son père dans l’épreuve qu’ils allaient avoir à affronter, aimerait bien le voir se remarier avec, par exemple, leur voisine de palier, l'infirmière Elizabeth Marten (Shirley Jones). Celle-ci ne rencontre qu'indifférence auprès de Tom, excédé par ses remarques pourtant justes mais blessantes et l'empressement de son entourage à le pousser au mariage. Les deux ‘hommes’ rencontrent ensuite Dollye Daly (Stella Stevens), jolie rousse affectée par sa timidité et un manque de confiance maladif. MaisTom tombe amoureux d'une styliste, Rita Behrens (Dina Merrill), femme du monde élégante et maniérée. Il envisage sérieusement de l'épouser mais manque de chance, c’est la seule qui ne plait pas à Eddie...
L’année 1963 débuta pour le studio avec la sortie de
Il faut marier papa. La MGM s’attendait au pire pour cette comédie écrite et réalisée par le même duo et avec le même interprète principal que
Four horsemen of the Apocalypse qui fut un 'bide'. Au contraire, elle redora le blason de la firme : les critiques furent élogieuses, charmées par la fraîcheur qui se dégageait du film et le public se rua dans les salles le sourire aux lèvres. 29ème œuvre de Minnelli, il s’agit aussi de sa dernière chronique familiale ; un film qui ne paie pas de mine et qui pourrait sembler mineur mais qui se révèle être un véritable chef-d'oeuvre. Peu de films autres que lui peuvent se targuer d’avoir rendu avec plus de justesse à l’écran les relations père-fils. L’élégance habituelle du réalisateur est ici encore de mise et permet à ce sujet, qui aurait pu facilement tomber dans la gaudriole ou au contraire dans la mièvrerie, de se maintenir constamment dans une espèce d’état de grâce, le réalisateur scrutant avec toute son intelligence les caractères très bien définis et très riches de tous ses personnages ; le scénario est d'ailleurs un modèle de subtilité. Basé sur une intrigue assez minimaliste, il se recentre plus sur des portraits que sur des péripéties. Celui de Eddie était le plus "casse-gueule" car l’on connaît la complexité de faire jouer sans cabotinage les enfants : Ronny Howard est merveilleux de spontanéité et de naturel. Que ce soit dans les scènes purement humoristiques (le dîner avec Dina Merrill) ou au contraire dans d’autres plus dramatiques (la mort du poisson rouge, sa vexation de découvrir les confidences faites à son père dévoilées ailleurs...), il est constamment imprévisible et somme toute positivement déroutant.
A partir de situations très faiblement dramatiques, Minnelli réussit donc le tour de force de nous nouer la gorge alors qu’on ne s’y attendait pas. Du 'psychodrame' en chambre toujours juste et grandement émouvant, jamais agaçant ou pénible comme on aurait pu le craindre. De nombreuses scènes de ce style, axées sur l’intensité des sentiments, alterneront sans cesse avec d’autres franchement tendres ou comiques (celles à la radio avec un Jerry Van Dyke assez génial, la leçon de bowling, le dîner au restaurant) sans que jamais le film en soit déséquilibré. Cette réussite est donc le fait d’une conjugaison de plusieurs éléments : la sensibilité et l’élégance raffinée du style du réalisateur, un scénario remarquablement écrit et resserré et un casting hors pair. Glenn Ford montre une nouvelle fois tout son talent, faisant ici un détour vers la comédie avec une déconcertante facilité. Si vous n’en êtes pas convaincus, admirez-le dans la scène finale de réconciliation. Mais le personnage du père n’est pas monolithique et pétri de qualités : doté d’une sensibilité à fleur de peau et d’une susceptibilité qui le rendent parfois très injuste envers son fils ou mufle envers sa voisine de palier, la palette de son caractère est immensément riche et Glenn Ford s’en sort avec les honneurs.
Pour ceux qui taxeraient encore ce film de sexiste, les trois portraits féminins sont là pour infirmer le contraire. Ces trois caractères totalement opposés sont joués à la perfection et toujours avec justesse par respectivement Shirley Jones, Stella Stevens et Dina Merrill qui ne font pas de ces trois femmes des protagonistes tout d’une pièce. Outre le drolissime Jerry Van Dyke, nous trouvons aussi dans les seconds rôles l’inénarrable Roberta Sherwood dans la peau de la gouvernante. Si l’on ajoute pour la partie purement technique des décors discrets et raffinés, une très belle musique de George Stoll (faisant beaucoup penser à du Henry Mancini) et la photo délicate de Milton Krasner, nous avons passé en revue tout ce qui fait de ce film, un enchantement de tous les instants.
Cette revision en presque fin de parcours de la filmographie 'minnellienne' ne m'a pas déçu comme je le craignais un peu mais a renforcé au contraire mon adoration pour ce film merveilleux.
Version longue Chronique classik
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9.5/10
A suivre : Goodbye Charlie