Gilles Grangier (1911-1996)
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Re: Gilles Grangier (1911-1996)
125 Rue Montmartre est en effet bien écrit, on sent que c'est un film de personnage. Pas d'ennui, parce-que ça passe sur trois façons de traiter le cinéma : comédie humaine ; enquête (trop) théâtrale (c'est là que le pas blesse) ; tentative documentaire au moment du cirque. Mais je peux comprendre la méchanceté et la mauvaise foi des Cahiers du Cinéma à l'époque : une révolution et une rupture était en train de se faire avec la bande de la nouvelle vague, et un film comme 125 Rue Montmartre pouvait sentir légèrement le moisie pour les cinéphiles voulant des nouvelles formes. Reste que Jean Desailly à joué dans un film de Truffaud (La Peau Douce).
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Re: Gilles Grangier (1911-1996)
Attention : Les Cahiers éjectaient les films de Grangier (et d'autres) en fin de revue en quelques lignes, mais d'autres revues pouvaient être beaucoup plus élogieuses ! Par ailleurs, Les cahiers ont défendu (même s'il a toujours dit le contraire) une grande partie du cinéma de Lautner, par exemple, Des gens sans importance de Verneuil ou du méconnu Carbonnaux, dont un des films se retrouvera même dans le top 10 de Godard... De Funès a été rapidement repéré et défendu par les mêmes Cahiers, avant d'exploser et de connaître la renommée qu'on sait...Major Dundee a écrit : ↑17 janv. 23, 10:19J'ai vendu un paquet de "Cahiers jaunes" il y a peu et je rejetais un oeil dessus. Les articles de Truffaut sont d'une méchanceté et d'une mauvaise foi sans pareille)villag a écrit : ↑17 janv. 23, 10:07 Et dire que l on fait toute une chronique sur Gilles Grangier aujourd'hui, alors que dans le début des années 60,à la nouvelle vague triomphante les journaux ciné de l 'époque( les cahiers , ciné ... ) n'auraient même pas couché une ligne, sinon une ligne d'injures.....!![]()
Et ce n'est ps tout : Positif, par exemple, avait défendu un certain Mario Bava, en faisant pour son premier film Le masque du démon la couv de la revue ! (bon après ça s'est parfois gâté, mais qu'importe). Et la revue Cinéma est souvent de très bons conseils, passionnant et peut-être plus ouverts sur ces films plus populaires, mais je le redis : la presse à l'époque n'était pas si simpliste, et l'image d'épinal d'une presse se disant "auteur = très bien, popu et essploitassion = caca" est erronée.
Par contre, oui, quand Truffaut mordait, ça pouvait être très violent. Je conseille à toutes et tous la bio du critique et cinéaste signée Toubiana et de Baecque. Et c'est quelqu'un qui n'aima pas tellement son cinéma qui vous le dit !
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Re: Gilles Grangier (1911-1996)
Positivement surpris par le très agréable l'âge ingrat au fort capital de sympathie. Certes pas une œuvre majeure mais un scénario très bien écrit avec moults petits détails très bien observés qui font de ce film plus qu'une petite comédie sans prétention. Gabin, Fernandel, Marie Dubois et les autres sont remarquablement bien dirigés.Julien Léonard a écrit : ↑3 mars 09, 15:32 Il n'a pas toujours eu de bons projets entre les mains (L'âge ingrat, La vierge du rhin, et Les vieux de la vieille, faut se les fader quand même)
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Re: Gilles Grangier (1911-1996)
Et un film aussi jouissif que Les vieux de la vieille, avec ses dialogues cultes et ses trois acteurs de légende, je veux bien m'en "fader" tous les jours!
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Re: Gilles Grangier (1911-1996)
Ah ben, tiens ! Moi qui me refais presque tous* mes Fernandel (et j'en ai),Jeremy Fox a écrit : ↑9 juin 24, 20:51
Positivement surpris par le très agréable l'âge ingrat au fort capital de sympathie
je n'y avais pas encore pensé ! Faut dire que -- comme le personnage de Gabin --
j'avais gardé un souvenir assez casse-couilles du personnage de Fernandel.
* dans le lot, il y a -- hélas -- un certain nombre de films en 1.66 non compatibles 16.9e, et là, euh...
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Re: Gilles Grangier (1911-1996)
En ce qui concerne le Grangier, il est bien compatible 16/9 et Fernandel n'en fait pas des tonnesCommissaire Juve a écrit : ↑14 juin 24, 08:14Ah ben, tiens ! Moi qui me refais presque tous* mes Fernandel (et j'en ai),Jeremy Fox a écrit : ↑9 juin 24, 20:51
Positivement surpris par le très agréable l'âge ingrat au fort capital de sympathie
je n'y avais pas encore pensé ! Faut dire que -- comme le personnage de Gabin --
j'avais gardé un souvenir assez casse-couilles du personnage de Fernandel.
* dans le lot, il y a -- hélas -- un certain nombre de films en 1.66 non compatibles 16.9e, et là, euh...

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Mais je l'ai, hein ! (c'est un 2.35 au passage)
Mais, en piochant sur les étagères, je n'avais pas pensé à le prendre !
(alors que j'ai vu des "splendeurs" comme Le Bon Roi Dagobert ou
Boniface somnambule dernièrement !
aujourd'hui, je crois
que ce sera Naïs et Fric-Frac... mais nous nous égarons)
Mais, en piochant sur les étagères, je n'avais pas pensé à le prendre !
(alors que j'ai vu des "splendeurs" comme Le Bon Roi Dagobert ou
Boniface somnambule dernièrement !

que ce sera Naïs et Fric-Frac... mais nous nous égarons)
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Re: Gilles Grangier (1911-1996)
Désolé de te déranger pour ça...

A présent, je "sais" pourquoi je n'y avais pas pensé : il était rangé
avec les Gabin !

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Re: Gilles Grangier (1911-1996)
Commissaire Juve a écrit : ↑15 juin 24, 08:54Désolé de te déranger pour ça...![]()
A présent, je "sais" pourquoi je n'y avais pas pensé : il était rangé
avec les Gabin !![]()

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Re: Gilles Grangier (1911-1996)
Et bien même Le Désordre et la nuit vient de grandement me séduire. La fois précédente, j'attendais peut-être un scénario carré et ce n'est pas là que se situent les grandes qualités de cette autre très belle réussite de Grangier.Jeremy Fox a écrit : ↑11 janv. 15, 22:52Oui finalement en grande partie du cinéma populaire comme je l'aime même si certains de ses films ne passent toujours pas (le pourtant réputé Le Désordre et la nuit ou La Vierge du Rhin par exemple)
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Re: Gilles Grangier (1911-1996)
Manifestement on n'a pas vu le même film !

Même si la fin est assez artificielle, avec une surdramatisation convenue, le reste du film vaut pour ses dialogues assez brillants (Pierre Laroche et Albert Valentin c'est quand même pas du mou de chat !), une caractérisation réussie de la vie de ce bistrot de quartier. Enfin une direction d'acteurs tout en maîtrise où François Périer (décidément l'un des plus beaux palmarès du cinéma français des 40/50), Paul Frankeur et Robert Dalban campent des figures complexes, faussement bonhommes, réellement inquiétantes.
La restauration est réussie, magnifiant une belle photo noir et blanc.
Un bon Grangier !
Dernière modification par John Holden le 24 oct. 24, 08:27, modifié 1 fois.
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Re: Gilles Grangier (1911-1996)
D'accord avec John.
Pour qui veut explorer la filmographie de Grangier, Au P'tit Zouave est un film qui vaut vraiment le coup. Ce choix d'un décor unique a quelque chose d'atemporel qui renvoie à des films ultérieurs de Scola (Le Bal, La Terrasse), de Deville (Le Paltoquet, dans mon souvenir) ou de Klapisch (Un air de famille), lui conférant un je-ne-sais-quoi de moderne : modernité malheureusement, et en effet, contredite par le traitement du couple formé par Dany Robin et François Périer, qui semble appartenir à un autre film, daté au mauvais sens du terme.
Mais sinon, cette ambiance de bar très familial et très parisien d'une certaine époque est presque un document sociologique qui fait le sel du film. On s'approprie avec régal ce décor sensationnel dont Grangier maîtrise les angles et les recoins (et je suis presque sûr que ce n'est pas du studio mais si ça l'est, c'est encore plus génial).
Et puis oui, il y a une troupe ("tout le cinéma français!" comme disent mes parents) tout en gouaille et grande forme, de Dalban et Frankeur à Yves Deniaud, d'Annette Poivre et Marie Daëms à Jacques Morel, en passant par Robert Lajarrigue et Henri Crémieux.
Bref, très bonne acquisition que cette copie restaurée.
Pour qui veut explorer la filmographie de Grangier, Au P'tit Zouave est un film qui vaut vraiment le coup. Ce choix d'un décor unique a quelque chose d'atemporel qui renvoie à des films ultérieurs de Scola (Le Bal, La Terrasse), de Deville (Le Paltoquet, dans mon souvenir) ou de Klapisch (Un air de famille), lui conférant un je-ne-sais-quoi de moderne : modernité malheureusement, et en effet, contredite par le traitement du couple formé par Dany Robin et François Périer, qui semble appartenir à un autre film, daté au mauvais sens du terme.
Mais sinon, cette ambiance de bar très familial et très parisien d'une certaine époque est presque un document sociologique qui fait le sel du film. On s'approprie avec régal ce décor sensationnel dont Grangier maîtrise les angles et les recoins (et je suis presque sûr que ce n'est pas du studio mais si ça l'est, c'est encore plus génial).
Et puis oui, il y a une troupe ("tout le cinéma français!" comme disent mes parents) tout en gouaille et grande forme, de Dalban et Frankeur à Yves Deniaud, d'Annette Poivre et Marie Daëms à Jacques Morel, en passant par Robert Lajarrigue et Henri Crémieux.
Bref, très bonne acquisition que cette copie restaurée.
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Re: Gilles Grangier (1911-1996)
Au p'tit zouave - 1950
Les années d'après-guerre. Le P'tit Zouave est un café du quartier de Grenelle dans lequel défilent un petit peuple gouailleur, une clientèle hétérogène du Paris populaire. Armand (Robert Dalban), le bistrotier, pour 'mettre du beurre dans ses épinards', sert parfois de receleur et loue quelques chambres pour la pension ou juste pour le temps d’une passe d’Olga dont le souteneur est un ex-flic. Hélène (Dany Robin), jeune dactylo, est pensionnaire du P’tit Zouave et doit subir les avances de plusieurs clients qu'elle repousse avec fermeté. Elle est pourtant attirée par un nouveau venu, monsieur Denis (François Périer), jeune homme plus distingué que la clientèle habituelle de ce lieu haut en couleurs. Tout ce petit monde est intrigué par un assassin de vieilles filles qui sévit dans le quartier, surnommé ‘l'homme à la bouteille de lait’ par le fait de laisser à manger aux chats de ses victimes. Et en effet la police semble tourner autour du café…
Comme je l’ai déjà écrit sur le site lors de précédentes chroniques consacrées à Gilles Grangier, grandement influençable dans les débuts de ma passion pour le cinéma à l’adolescence, aveuglé par mes lectures de revues de cinéma, j’ai été pendant longtemps bêtement persuadé que Gilles Grangier n’était qu’un vulgaire tâcheron, m’amusant gratuitement à le dénigrer à l’instar de ce que faisaient les réalisateurs de la Nouvelle Vague dont c’était un peu la tête de turc dans les articles qu’ils écrivaient pour dénoncer la médiocrité de tout un pan du cinéma qu’ils avaient dénommé "la qualité française" ; tout comme le sera par exemple Granier-Deferre les décennies suivantes pour des journaux suivant une mouvance similaire. Entre-temps, et en y regardant de plus près, j’en suis arrivé à la conclusion que ces deux cinéastes se révélaient être au contraire d’excellents artisans qui se mettaient totalement au service de leurs scénaristes et de leurs comédiens. Lorsque qu’on leur mettait entre les mains de bonnes histoires, le plaisir était très souvent de la partie grâce au soin et à la sûreté technique de leur mise en scène, à leur capacité à restituer une atmosphère ainsi qu'au choix de leurs comédiens et à la qualité de leur direction d'acteurs. Pour Gilles Grangier, il en est ainsi pour Au p’tit Zouave comme par la suite pour Gas-Oil, Le Sang à la tête, Le Désordre et la nuit ainsi que pour une dizaine d’autres titres plus ou moins connus. Bref, il serait dommage de bouder notre plaisir pour la seule raison de suivre aveuglément les cinéastes/journalistes de la Nouvelle Vague dont je suis néanmoins loin de dénigrer l'intelligence et le talent, bien au contraire.
Au p’tit zouave est un bistrot populaire (de fiction) du 15ème arrondissement de Paris du côté de Grenelle à proximité des usines Citroën et du métro aérien ; ce dernier nous y fera arriver lors du prologue, la caméra étant fixée à l’avant du véhicule. A l’exception de l’épilogue qui nous fera reprendre l’air, tout le reste du film se déroulera intégralement à l’intérieur du café reconstitué en studio. On a du mal à imaginer que Grangier n’ait pas tourné dans un véritable établissement tellement son décor transpire l’authenticité. Outre le décorateur qui a accompli un travail formidable, on devra également féliciter le réalisateur qui se l’est approprié dans les grandes largeurs avec un talent certain, parvenant à faire en sorte que le spectateur pense au final en connaitre trous les recoins. Grangier et ses deux auteurs plantent dans cette scène presque théâtrale tous leurs personnages, une petite communauté d’habitués et de pensionnaires puisque le couple qui tient le café possède également trois chambres qu’ils louent soit à l’heure (pour une prostituée de leur connaissance) soit en pension complète. Ici, sous les yeux des patrons - qui pour arrondir leurs fins de mois servent de receleurs pour de menus larcins – et de leur exubérante et gentille employée (pétulante Annette Poivre), l’on peut donc croiser un truand de bas étage, un jovial réparateur, une prostituée au grand cœur et son souteneur ex-flic, un marchand des quatre saisons misanthrope (grandiose Yves Deniaud), un employé des pompes funèbres fasciné par un tueur qui sévit dans le quartier et qui rêve que ce dernier vienne à en assassiner sa belle-sœur, un veuf lubrique (étonnant Henri Crémieux), une jeune dactylo (Dany Robin) en même temps moderne et naïve, courtisée à la fois par le propriétaire des machines à sous ainsi que par un nouveau venu parmi la clientèle de pensionnaires qui jure avec les autres par sa distinction et sa politesse, rôle tenu par François Périer dans un emploi assez différent des sages jeunes premiers souvent tenus jusqu’à présent.
Les auteurs prennent le temps de nous faire entrer dans l’intimité de cette brochette représentative du petit peuple parisien et de s’attarder sur chaque protagoniste avec la même richesse d’écriture et de caractérisation, beaucoup d’entre eux allant au fur et à mesure de l'avancée de l'histoire se dévoiler sous leur véritable jour. Outre les parties de belote acharnées et les discussions souvent délectables autour d’un verre de blanc, une romance assez ambiguë mais touchante va voir le jour ainsi qu'une intrigue policière au suspense savamment distillé qui va servir de toile de fond à l’évolution de tout ce beau petit monde ; en effet un tueur en série sévit dans le quartier, assassinant uniquement des vieilles filles et signant ses crimes en laissant sur place une bouteille de lait. Des officiers de police vont ainsi sillonner les environs et certains aux réactions assez mystérieuses vont venir fréquenter les habitués du bistrot. Le film qui pourrait s’apparenter à une comédie policière dans le style parfois grinçant de L’assassin habite au 21 de Clouzot va ainsi passer par plusieurs tons, y compris dans son dernier quart nous rappeler les grandes heures de l’inspiration Carné-Prévert qui par sa sur-dramatisation pourra en gêner certains mais qui grâce à l’excellente interprétation du couple Dany Robin/François Périer, passe plutôt bien même si on pourrait parfois avoir la curieuse impression d’avoir vu deux films différents montés successivement l’un après l’autre.
Pour résumer en quelques mots : une mise en scène en huis-clos très soignée qui s’approprie avec un certain génie un décor unique, un scénario plutôt habile avec quelques hallucinantes ellipses temporelles, une ribambelle de truculents comédiens – dont Robert Dalban qui orchestre l’ensemble dans la peau du propriétaire du bar - dirigés de main de maître, de savoureux dialogues de Pierre Laroche et Albert Valentin utilisant avec verve la gouaille du langage de la rue, une approche sociologique à postériori qui en ravira plus d’un par le fait de dépeindre avec justesse ce microcosme pittoresque de gens modestes et l’atmosphère d’un quartier populaire de la France d’après-guerre. Comme l’écrivait le regretté Bertrand Tavernier en 2010 "Gilles Grangier est tout à fait à l’aise dans cette atmosphère populaire, cette fraternité, ces rivalités de comptoir, et il négocie adroitement les changements de tons." Le douzième film de Gilles Grangier est bien plus réussi par son atmosphère que par son intrigue : ce n’en est pas moins une remarquable chronique de l’époque qui fut saluée comme il se doit par la critique et les spectateurs, le film faisant un triomphe en salles même si par la suite il tombera dans un oubli total. Il est temps de le découvrir ou redécouvrir.
Les années d'après-guerre. Le P'tit Zouave est un café du quartier de Grenelle dans lequel défilent un petit peuple gouailleur, une clientèle hétérogène du Paris populaire. Armand (Robert Dalban), le bistrotier, pour 'mettre du beurre dans ses épinards', sert parfois de receleur et loue quelques chambres pour la pension ou juste pour le temps d’une passe d’Olga dont le souteneur est un ex-flic. Hélène (Dany Robin), jeune dactylo, est pensionnaire du P’tit Zouave et doit subir les avances de plusieurs clients qu'elle repousse avec fermeté. Elle est pourtant attirée par un nouveau venu, monsieur Denis (François Périer), jeune homme plus distingué que la clientèle habituelle de ce lieu haut en couleurs. Tout ce petit monde est intrigué par un assassin de vieilles filles qui sévit dans le quartier, surnommé ‘l'homme à la bouteille de lait’ par le fait de laisser à manger aux chats de ses victimes. Et en effet la police semble tourner autour du café…
Comme je l’ai déjà écrit sur le site lors de précédentes chroniques consacrées à Gilles Grangier, grandement influençable dans les débuts de ma passion pour le cinéma à l’adolescence, aveuglé par mes lectures de revues de cinéma, j’ai été pendant longtemps bêtement persuadé que Gilles Grangier n’était qu’un vulgaire tâcheron, m’amusant gratuitement à le dénigrer à l’instar de ce que faisaient les réalisateurs de la Nouvelle Vague dont c’était un peu la tête de turc dans les articles qu’ils écrivaient pour dénoncer la médiocrité de tout un pan du cinéma qu’ils avaient dénommé "la qualité française" ; tout comme le sera par exemple Granier-Deferre les décennies suivantes pour des journaux suivant une mouvance similaire. Entre-temps, et en y regardant de plus près, j’en suis arrivé à la conclusion que ces deux cinéastes se révélaient être au contraire d’excellents artisans qui se mettaient totalement au service de leurs scénaristes et de leurs comédiens. Lorsque qu’on leur mettait entre les mains de bonnes histoires, le plaisir était très souvent de la partie grâce au soin et à la sûreté technique de leur mise en scène, à leur capacité à restituer une atmosphère ainsi qu'au choix de leurs comédiens et à la qualité de leur direction d'acteurs. Pour Gilles Grangier, il en est ainsi pour Au p’tit Zouave comme par la suite pour Gas-Oil, Le Sang à la tête, Le Désordre et la nuit ainsi que pour une dizaine d’autres titres plus ou moins connus. Bref, il serait dommage de bouder notre plaisir pour la seule raison de suivre aveuglément les cinéastes/journalistes de la Nouvelle Vague dont je suis néanmoins loin de dénigrer l'intelligence et le talent, bien au contraire.
Au p’tit zouave est un bistrot populaire (de fiction) du 15ème arrondissement de Paris du côté de Grenelle à proximité des usines Citroën et du métro aérien ; ce dernier nous y fera arriver lors du prologue, la caméra étant fixée à l’avant du véhicule. A l’exception de l’épilogue qui nous fera reprendre l’air, tout le reste du film se déroulera intégralement à l’intérieur du café reconstitué en studio. On a du mal à imaginer que Grangier n’ait pas tourné dans un véritable établissement tellement son décor transpire l’authenticité. Outre le décorateur qui a accompli un travail formidable, on devra également féliciter le réalisateur qui se l’est approprié dans les grandes largeurs avec un talent certain, parvenant à faire en sorte que le spectateur pense au final en connaitre trous les recoins. Grangier et ses deux auteurs plantent dans cette scène presque théâtrale tous leurs personnages, une petite communauté d’habitués et de pensionnaires puisque le couple qui tient le café possède également trois chambres qu’ils louent soit à l’heure (pour une prostituée de leur connaissance) soit en pension complète. Ici, sous les yeux des patrons - qui pour arrondir leurs fins de mois servent de receleurs pour de menus larcins – et de leur exubérante et gentille employée (pétulante Annette Poivre), l’on peut donc croiser un truand de bas étage, un jovial réparateur, une prostituée au grand cœur et son souteneur ex-flic, un marchand des quatre saisons misanthrope (grandiose Yves Deniaud), un employé des pompes funèbres fasciné par un tueur qui sévit dans le quartier et qui rêve que ce dernier vienne à en assassiner sa belle-sœur, un veuf lubrique (étonnant Henri Crémieux), une jeune dactylo (Dany Robin) en même temps moderne et naïve, courtisée à la fois par le propriétaire des machines à sous ainsi que par un nouveau venu parmi la clientèle de pensionnaires qui jure avec les autres par sa distinction et sa politesse, rôle tenu par François Périer dans un emploi assez différent des sages jeunes premiers souvent tenus jusqu’à présent.
Les auteurs prennent le temps de nous faire entrer dans l’intimité de cette brochette représentative du petit peuple parisien et de s’attarder sur chaque protagoniste avec la même richesse d’écriture et de caractérisation, beaucoup d’entre eux allant au fur et à mesure de l'avancée de l'histoire se dévoiler sous leur véritable jour. Outre les parties de belote acharnées et les discussions souvent délectables autour d’un verre de blanc, une romance assez ambiguë mais touchante va voir le jour ainsi qu'une intrigue policière au suspense savamment distillé qui va servir de toile de fond à l’évolution de tout ce beau petit monde ; en effet un tueur en série sévit dans le quartier, assassinant uniquement des vieilles filles et signant ses crimes en laissant sur place une bouteille de lait. Des officiers de police vont ainsi sillonner les environs et certains aux réactions assez mystérieuses vont venir fréquenter les habitués du bistrot. Le film qui pourrait s’apparenter à une comédie policière dans le style parfois grinçant de L’assassin habite au 21 de Clouzot va ainsi passer par plusieurs tons, y compris dans son dernier quart nous rappeler les grandes heures de l’inspiration Carné-Prévert qui par sa sur-dramatisation pourra en gêner certains mais qui grâce à l’excellente interprétation du couple Dany Robin/François Périer, passe plutôt bien même si on pourrait parfois avoir la curieuse impression d’avoir vu deux films différents montés successivement l’un après l’autre.
Pour résumer en quelques mots : une mise en scène en huis-clos très soignée qui s’approprie avec un certain génie un décor unique, un scénario plutôt habile avec quelques hallucinantes ellipses temporelles, une ribambelle de truculents comédiens – dont Robert Dalban qui orchestre l’ensemble dans la peau du propriétaire du bar - dirigés de main de maître, de savoureux dialogues de Pierre Laroche et Albert Valentin utilisant avec verve la gouaille du langage de la rue, une approche sociologique à postériori qui en ravira plus d’un par le fait de dépeindre avec justesse ce microcosme pittoresque de gens modestes et l’atmosphère d’un quartier populaire de la France d’après-guerre. Comme l’écrivait le regretté Bertrand Tavernier en 2010 "Gilles Grangier est tout à fait à l’aise dans cette atmosphère populaire, cette fraternité, ces rivalités de comptoir, et il négocie adroitement les changements de tons." Le douzième film de Gilles Grangier est bien plus réussi par son atmosphère que par son intrigue : ce n’en est pas moins une remarquable chronique de l’époque qui fut saluée comme il se doit par la critique et les spectateurs, le film faisant un triomphe en salles même si par la suite il tombera dans un oubli total. Il est temps de le découvrir ou redécouvrir.
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Re: Gilles Grangier (1911-1996)
Me concernant, j'ai mis des plombes à m'y intéresser sous l'influence indéniable que j'étais d'un certain esprit Nouvelle Vague (disons que "je viens de là" dans ma construction personnelle, quelque part).Jeremy Fox a écrit : ↑24 oct. 24, 10:16 Décidément, Grangier, l'un des réalisateurs français les plus mésestimés à l'époque où je commençais à découvrir le cinéma.
Je suis obligé d'admettre que l'apport de Tavernier dans la prise de conscience a été inestimable, même si pas unique, toujours me concernant.
Le parallèle, sous cet angle, avec la filmographie d'Henri Decoin me semble évident et je placerais même ce dernier encore plus haut (la découverte hyper tardive de La Vérité sur Bébé Donge fut un choc).
En tout cas, tous ces BR me ravissent au plus haut point. Vive maintenant.