Retour rapide sur mon cycle Masahiro Shinoda où j'ai pu voir 21 de ses films (sur un total de 33). Clairement une œuvre majeure d'une très grande cohérence stylistique et thématique.
Tout au long de sa carrière, Shinoda n'a de cesse de questionner l'histoire de son pays en critiquant ses règles et coutumes rigides. Son regard est bien souvent amère sur ses compatriotes, il ne cesse de pointer leur absence d'empathie et leur absence de libre arbitre dues à une société corsetée. Parcourir sa filmographie équivaut parfois à parcourir l'histoire du Japon, ce qui rend les visionnages d'autant plus passionnants et parfois complexes. Le sens de certains films ne s'offre pas toujours au 1er abord mais il est bien là. Il suffit de regarder quelques interviews du réalisateur, seul ou avec ses collègues, pour découvrir un homme affable et réfléchit. On est très loin de ce j'ai pu lire chez Max Tessier, en autres choses : "Quant à Masahiro Shinoda, il s'affirma moins [en comparaison à Yoshida et Oshima] par son sens de la révolte sociale que par celui d'une esthétique qui allait rapidement virer à l'esthétisme." Ou bien chez Donald Ritchie "[...] though his work has often more style than substance [...]". Et encore son propos est bien plus nuancé et intéressant que Max Tessier, qui ne semble pas comprendre grand chose au cinéma de Shinoda. Ce dernier est un maître de l'image, il est rare de découvrir une œuvre d'une telle beauté plastique... au service du propos du cinéaste. Ainsi le passage au 1.37 dans certains films lui permet de souligner l’absence de perspective, d'espoir des personnages. Découvrir l’œuvre de Shinoda c'est aussi découvrir, sa femme et sa muse, la sublime actrice Shima Iwashita et son sourire énigmatique que l'on retrouve dans la plupart de ses films. Découvrir son œuvre, c'est également l'écouter... la musique y tient une place fondamentale. Du milieu des années 60 jusqu'au milieu des années 80, le grand compositeur Tôru Takemitsu n'a de cesse de collaborer avec Shinoda. A quand l'édition audio de cette collaboration ? Mais je rêve un peu.
Je m'explique assez mal le manque de considération de l’œuvre de Shinoda en France, je ne sais comment il est perçu dans son pays mais on n'en parle peu ici. Peut-être l'absence de prix majeur en Occident ? Peut-être une œuvre "trop" japonaise ? Je n'en sais rien mais je suis surpris de la sortie en vidéo de
Silence et de
L'étang du démon, ses films les moins réussis des années 70. Bref, il reste encore un énorme travail éditorial à effectuer et son œuvre mériterait largement un livre.
Pour finir, un classement comme on aime !
A voir absolument (par ordre de préférence) :
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Fleur pâle (1964)
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Kaseki no mori/The Petrified Forest (1973)
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Double suicide à Amijima (1969)
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Gonza le lancier (1987)
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Sous les cerisiers en fleurs (1975)
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Orine, la proscrite (1977)
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Les aventures de Buraikan (1970)
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Assassinat (1964)
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Our Marriage (1962)
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Shamisen et motocyclette (1961)
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Moonlight Serenade (1997)
Bons films :
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One-Way Ticket for Love (1960)
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Jeunesse en furie (1960)
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Killers on Parade (1961)
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Epitaph to My Love (1961)
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Tears on the Lion's Mane (1962)
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Les enfants de Mac Arthur (1984)
Ratés :
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L'étang du démon (1979)
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Silence (1971)
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Himiko (1974)
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Tristesse et Beauté (1965)
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La Guerre des espions (1965)
