Au royaume des cieux (1949)
Une jeune femme malchanceuse de retrouve en maison de redressement, dont la nouvelle directrice est une vieille fille tyrannique. Son petit ami cherche à la faire sortir.
Tenté par echos positifs dans ces pages, j'ai regardé le film en deux fois (toujours le pb de demarrer le visionnage à 22h30 une fois la famille au lit...). J'ai failli ne pas poursuivre après la vision de la première moitié, ce qui aurait été une grave erreur, le film donnant le meilleur sur la seconde moitié.
Bilan positif devant cet opus de Duvivier très recommandable.
Toute l'introduction du film posant le contexte est très efficace et porte la marque du savoir faire et de la liberté de mise en scène de l'auteur.
On voit la volonté de dépeindre avec honnêteté ce milieu semi carcéral et de rendre compte autant que faire ce peut pour une production de ce type, de la réalité des jeunes filles enfermées.
N'ayant aucune connaissance sur ce que pouvait être ce type d'établissement ou la vérité sociologique des jeunes filles de l'époque, il s'agit bien sûr d'une perception .
Le film est porté par une interpretation correcte mais qui peux paraître un brin conventionnelle notamment par Suzanne Cloutier dans le rôle principale de la jeune fille éthérée.
Le portait de groupe est néanmoins bien construit, fonctionne et gagne en intensité au cours du film. On apprend au fur et à mesure le passé des jeunes femmes ( prostitué, voleuse, parenticide, anarchiste,...).
Au dela dès qualités de composition tirant "as usual" le meilleur des décors, Duvivier fait montre de son inventivité dans la mise en scène notamment dans au moins deux scènes:
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- Lors du décès soudain de l'ancienne directrice, nous voyons la sous directrice frustrée prendre procession "en live" du bureau de la défunte alors que le corps de cette dernière est encore chaud. Le tour de force de Duvivier est de nous montrer cette prise de pouvoir alors que l'intérêsee reste hors champs, on ne voit que ses mains!
Un vrai moment de pure mise en scène...
Autre scène plus conventionnel mais bien menée est le dialogue à distance entre Maria et son amant, un soir d'orage. On est dans une communication a distance qui rappelle bien sûr L'heure suprême de Borzage.
Comme indiqué plus haut le film gagne en force sur la fin, quand il sort d'un schéma qui semblait pré-tracé. Globalement à partir du moment où le plan d'évasion de Maria est établi.
Premier moment très violent : la confrontation entre le Maria et la directrice. Celle-ci avoue avec fureur sa jalousie vis à vis des charmes de la jeune femme dont elle arrache les vetements. On a meme la vision d'un sein, chose toute de meme rare dans le cinema de l'époque.
Autre passage dramatique :
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- Le groupe se rend à la messe de Noël alors que le pays est déjà bien inondé. La digue va finir par sauter ce qui entraîne une catastrophe violente.
Duvivier tire alors le meilleur du bouleversement (montée des eaux, scènes de panique, groupes sur barques,...) tant au niveau de la gestion des dynamiques de groupe, de la montée dramatique.
Un des points culminants sera :
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- L'incroyable scène oú le cadavre de la jeune fille anarchiste qui s'est suicidé en se noyant dans les flots, est exhibé sur une table, les pensionnaires étant obligès de tourner au rond autour comme la promenade de forcat.
Enfin, la fuite finale des deux amants dans les paysages inondées est à l'égale des meilleurs films noirs américain, on pense aussi bien à Gun Crazy (sorti la même année), a l'Aurore ou à la Nuit du chasseur.
C'est peut être pour ces quelques minutes qu'il faut voir in fine le film : c'est en tout cas ici que j'ai retrouvé le Duvivier qui me boulverse: réaliste, cru, lyrique, évident, bouleversant
Un dernier point, le film tient un discours progressiste (representé par la (trop) parfaite Mlle Guerande) qui pourra laisser songeur certain, d'autant que tout ceci dans un contexte chretien.
Duvivier et Janson évite constamment et habilement l'écueil du pontifiant. La figure du Curé est notamment très bien incarné : l'homme de foi est intégre mais un brin sanguin et emporté. Les scènes qui lui sont donnés sont toutes excellentes
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- L'engeullade de la directrice, la confession des jeunes femmes
La scène de priere du groupe est aussi très réussie : vrai/ fausse prière de non croyantes.
Enfin la tirade finale de réconciliation entre les jeunes "hors la loi" et l'institutions m'a rappelé la fin de Wild Boys on the Road de Wellman. Il faut re-apprendre à vivre et chacun aura sa chance.
On peut trouver cela simpliste et naïf mais comme dit plus haut, l'honnêteté du film l'emporte.