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Re: Anatole Litvak (1902-1974)

Publié : 26 déc. 13, 13:03
par Frances
Tommy Udo a écrit :Merci pour cette petite chronique, Frances :D

Un film que j'ai vu il y a une dizaine d'années, donc j'aurais vraiment du mal d'en parler.
Mais j'ai le souvenir d'avoir beaucoup aimé et d'avoir été agréablement surpris par le jeu de Marcelle Romée^^

Tu me donnes envie de le revoir. Je vais essayer de me le programmer dans les prochains jours :D
Je t'en prie, Tommy. Ca me fait plaisir de partager. Sinon, j'ai lu que Marcelle Romée (à qui j'ai trouvé des faux airs à Marlène) s'était suicidée juste après le tournage. :(

Re: Anatole Litvak (1902-1974)

Publié : 26 déc. 13, 13:08
par Tommy Udo
Frances a écrit :Sinon, j'ai lu que Marcelle Romée (à qui j'ai trouvé des faux airs à Marlène) s'était suicidée juste après le tournage. :(
Oui. Et au final, une très courte carrière de seulement quatre films... :?

Re: Anatole Litvak (1902-1974)

Publié : 3 oct. 14, 08:02
par Profondo Rosso
Anastasia (1956)

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Paris, 1928. Russes blancs exilés, le général Bounine et ses complices Chernov et Petrovin projettent de récupérer par tous les moyens la fortune du tsar Nicolas II, bloquée hors de la Russie après l’exécution du souverain et de sa famille par les Bolcheviks, dix ans plus tôt. Comme des rumeurs circulent que la plus jeune de ses filles, la grande-duchesse Anastasia, aurait été épargnée et vivrait sous une identité d’emprunt, ils décident de trouver une jeune fille lui ressemblant afin de la faire passer pour elle. C’est alors que le jour de la Pâque russe, ils empêchent une inconnue de se suicider en sautant d’un quai de la Seine. Amnésique et vaguement ressemblante aux descriptions faites d’Anastasia, la jeune femme nommée Anna Koreff hésite, puis se laisse persuader par Bounine. Elle apprend son rôle d’héritière avec zèle, puis est présentée aux membres de la famille impériale russe, exilés eux aussi à Paris.

Ingrid Bergman aura payée chèrement sa liberté de femme lorsqu'elle tomba amoureuse de Roberto Rossellini durant la préparation de Stromboli (1950). L'admiration artistique (elle lui écrivit son admiration pour son travail et le sollicita afin de travailler avec lui) devint passion amoureuse, le coup de foudre mutuel lui faisant quitter maris et enfant et épouser Roberto Rossellini alors déjà enceinte de lui. Il n'en fallait pas plus pour déchaîner l'ordre moral et le puritanisme américain, faisant de la star le symbole de la dépravation et l'obligeant à quitter Hollywood. Exilée en Europe, Ingrid Bergman tournera quatre films majeurs avec son époux (dont le fameux Voyage en Italie (1952)) ainsi qu'Elena et les hommes de Jean Renoir (1954). Anastasia marquera ainsi son grand retour à Hollywood et l'Oscar obtenu fera figure de pardon et de retour triomphal de la star au sein de l'usine à rêve. L'ensemble du film peut d'ailleurs être analysé sous cet angle de retour à la lumière de l'actrice et de son personnage.

Le film adapte la pièce de Marcelle Maurette, inspirée de la réelle et tumultueuse histoire d'Anna Anderson. Cette jeune femme ne cessa à partir du début des années 20 d'affirmer qu'elle était Anastasia Romanov, fille cadette du Tsar de Russie Nicolas II et seule rescapée de l'exécution de la famille impériale. La controverse se poursuivra sur plusieurs décennie, Anna Anderson étant réellement reconnue par certains ancien membre de la Cour Impériale russe tandis que d'autres éléments plus troubles la font traiter d'imposture par les plus sceptiques. Le mystère ne sera jamais complètement résolu, des tests ADN récent entre les corps d'Anna Anderson et ceux retrouvés de la famille impérial se révélant négatifs tandis que d'autres sources affirment que le fameux massacre impérial n'a jamais eu lieu et que les filles du tsar dont Anastasia ont pu fuir en Pologne, précisément le lieu d'une des précédentes identités d'Anna Anderson, Franziska Schanzkowska. La pièce et donc le film s'empare de cette réalité diablement romanesque dans un récit captivant. Anne Koreff (Ingrid Bergman), jeune émigrante russe amnésique et échappée d'un asile est retrouvée par un trio de russes exilé mené par Bounine (Yul Brynner), alerté par ce moment de folie où elle affirma à une bonne sœur de l'hôpital être Anastasia. Cette quête n'est pas innocente puisque en révélant que la Grande-Duchesse vit toujours, ils pourront toucher l'héritage de dix millions du tsar dormant dans les banques anglaise. L'amnésie d'Anne, son intelligence et sa réelle ressemblance avec la disparue en font la candidate idéale qu’ils pourront présenter à l'ancienne cour du Tsar exilée et qui pourra la reconnaître. Le cynisme des comploteurs et leur imposture savamment préparée va pourtant se heurter à un étrange écueil : et si Anne Koreff était réellement Anastasia. Ingrid Bergman apporte à la fois sa profonde vulnérabilité d'écorchée vive, son mélange de naturel et de prestance qui lui confère à la fois un charme du commun et une vraie aura lumineuse. Le début la montrant misérable et au bord du suicide ne parvient jamais à faire disparaître la star Ingrid Bergman, tout comme il ne peut effacer le charisme d'Anastasia. Dès lors toute les leçons et bonnes manières méticuleusement apprise pour la rendre crédible semblent forcés tant ce port princier semble naturel pour le personnage, tout comme Ingrid Bergman reprend ses galons de star hollywoodienne et au fil du récit pour retrouver une présence élégante et glamour. La méfiance de la noblesse russe fait écho à celle d'Hollywood et c'est la sincérité d'Ingrid/Anastasia qui fera vaciller le spectateur/interlocuteur qui oubliera qu'il est face à une actrice pour ne plus voir que la détresse d'une femme cherchant à retrouver son identité/statut. Ingrid Bergman par sa présence fragile désarçonnera ainsi le calculateur Bounine oubliant peu à peu les bénéfices que l'entreprise pourrait lui apporter, mais aussi l'impitoyable Impératrice douairière (Helen Hayes) perdue dans le souvenir d'une Russie éteinte.

Anatole Litvak même s'il profite des moyens alloués et de la force évocatrice du cinémascope (tournage à Copenhague, Londres et Paris, décors luxueux dont celui splendide de l'opéra) reste cependant dans la teneur intimiste de la pièce. Le film fait dans la constante retenue émotionnelle (l'entrevue entre Anastasia et l'Impératrice dont l'issue touchante tarde longtemps à se dessiner) et notamment dans la relation entre Bounine et Anastasia. La complicité initiale s'estompe lorsque le poids de l'étiquette et des conventions semble reprendre ses droits, soumettant Anastasia aux règles du paraitre et Bounine à une retenue absente de la première partie du film et ses attitudes rustres. Le scénario joue du doute toujours entretenu dans la réalité pour en faire un moteur romanesque se fondant idéalement à la personnalité d'Ingrid Bergman. Aux paillettes qui lui tendent les bras Anastasia/Ingrid Bergman préférera fuir pour l'amour véritable dans une conclusion pudique où il n'est nul besoin de voir ce que l'on aura déjà deviné. Une belle réussite pour une Ingrid Bergman de retour au sommet. 5/6

Re: Anatole Litvak (1902-1974)

Publié : 5 nov. 14, 21:26
par lilmoz
André Jurieux a écrit :THE LONG NIGHT. 1947

Avec Henry Fonda, Barbara Bel Geddes, Vincent Price et Ann Dvorak.

J'ai longtemps voulu voir ce film, remake du célèbre LE JOUR SE LEVE de Carné. Il ne fallait pas le rater car à ma connaissance, il n'est pas souvent passé
sur les chaines françaises. La dernière diffusion doit être celle du cinéma de minuit datant de 1998. Or, j'avais raté ce film qui était passé dans un cycle
consacré aux REMAKES.

J'ai donc fini par le voir assez récemment. Je n'attendais pas forcement un film du niveau du Carné/Prévert mais on en est même assez loin, trop loin.

Je ne résumerais pas l'intrigue puisque le film de Litvak suis assez fidèlement le film original. Souvent il reprend même très fidèlement les plans et le
découpage du film de Carné, sauf, et ce n'est pas secondaire, dans les scènes finales dont je ne dirais rien, ni mon jugement personnel sur celles-ci....
Mais pourquoi diable :evil: Espèce de :twisted: et autre :roll:

Puisque le scénario est presque identique, pour distinguer les 2 films, il faut parler du reste.

L'interprétation :

Grand fan de Fonda, j'attendais de le voir en prolo, maniant la sableuse et le pistolet à peinture...Et bien, même ,s'il n'est pas véritablement décevant, ce
n'est pas Gabin non plus. Si Fonda en cul-terreux était sublime, en prolo, çà le fait moins. A moins que çà ne soit Gabin, exceptionnel dans ce registre là
qui fausse un peu le jugement. Je penche plutôt pour cette seconde hypothèse.

Toute l'interprétation est du reste inférieure à celle de l'original.
Ann Dvorak est très loin d'Arletty
Vincent Price n'est pas mal du tout mais ce n'est pas le génial Jules Berry
Barbara Bel Geddes est assez séduisante dans son premier rôle au cinéma mais elle est (c'est écrit comme çà) moins ambiguë que la petite amie de Prévert
dans le film de Carné (J'ai oublié son nom)

Le dialogue :
Il ne reste rien ou presque de la poésie de chat de gouttière de prévert

La musique :

Celle de Jaubert était absolument sublime. Celle du remake anodine et illustrative.

Bilan :
Si le film de Carné vaut 10/10, celui de Litvak vaudrait 6 ou 7/10... et encore je suis bienveillant

Un seul mot me vient Copier-Coller! sur ciné-classic il passe les deux films

Re: Anatole Litvak (1902-1974)

Publié : 28 mars 16, 17:44
par Kevin95
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CŒUR DE LILAS (Anatole Litvak, 1932) découverte

Le film est aujourd'hui vendu sur le nom de Jean Gabin, alors quasi débutant, quand bien même n'a qu'un rôle secondaire. Le film vaut plus, notamment pour la mise en scène audacieuse d'Anatole Litvak qui n’hésite pas à tourner en extérieur (la découverte du cadavre en introduction), à faire de très longs plans séquences (une dispute dans une chambre d’hôtel qui finit devant un bar le tout avec un simple travelling) ou de amples plans à la grue.

Cœur de lilas narre l'attachement d'un flic infiltré dans le monde malfaisant du vingtième arrondissement pour une fille des rues, sur la surveillance d'un marlou jaloux (Gabin donc) avec mensonges et roucoulements dans les Halles. La charmante Marcelle Romée a le béguin pour le palot André Luguet alors qu'à coté, le Gabin est d'un sex-appeal ravageur. Gros bras qui roule des mécaniques, l'acteur est d'une décontraction affolante, d'un charisme dingue et d'une élégance pré Pépé le Moko (foulard, chapeaux sur le coté, clope au bec). Quoi de plus cool dans son attitude que sa façon de lancer une "merde" lorsqu'il est cerné par les condés en équilibre sur les toits ?

Bon film, un poil naïf mais formidablement mis en scène par un réalisateur complétement à l'aise avec le parlant et en même temps très influencé par le cinéma expressionniste de ses ainés (voir la course folle de Romée ou la bagarre filmée hors-champs et illustrée par des ombres aux murs).

Re: Anatole Litvak (1902-1974)

Publié : 1 avr. 16, 23:47
par Commissaire Juve
Je me le suis repassé la nuit dernière. J'aime beaucoup.

A propos de Marcelle Romée.
NEURASTHENIQUE Mlle MARCELLE ROMEE
de la Comédie-Française
s'est jetée dans la Seine
dans la nuit.


En traitement dans une maison de santé, elle s'en était évadée dans la nuit.

Marcelle Romée, la Jeune et belle actrIce de la Comédie-Française, n'est plus. Samedi matin, au petit jour, elle s'est jetée dans la Seine.

Dans la nuit de vendredi à samedi, Marcelle Romés s'était enfuie de la maison de santé du Vésinet, où elle était en traitement depuis sa démission du Théâtre Français.

Inquiets, les médecins qui la soignaient avaient averti dans la journée la police de cette étrange fugue, hélas expliquée par une déclaration de Mme Jeanne Larcher, 55 ans, ménagère, au commissaire de police de Chatou. Voici ce qu'affirma celle-ci : "Vers 6h45 du matin, samedi, me trouvant sur le quai de la Seine, aux abords de mon domicile, mon attention fut attirée par une femme qui semblait faire sa toilette au bord de la berge. Il ne faisait pas encore bien jour. Je me suis approchée, et, alors que je me trouvais à une dizaine de mètres, celle-ci se jetait sous mes yeux dans le fleuve. Je l'ai vue nager en suivant le courant et disparaître à cinquante mètres environ en aval du pont...

Elle avait laissé sur la berge un manteau à martingale en tissu de laine de couleur vert-d'eau, avec col et parements de fourrure gris-beige, une robe couleur vert foncé, un pull-over de laine jonquille, une écharpe de même couleur, des chaussures noires en peau de reptile que j'ai ramassées."

On soumit ces vêtements au docteur Leulier, directeur de la maison de santé, qui les reconnut comme ayant appartenu à sa cliente : Mlle Marcelle Arbaud, 29 ans, connue sous le nom de Marcelle Romée. La preuve était faite, la jeune actrice s'était suicidée.

Immédiatement, des recherches furent entreprises pour retrouver le cadavre de la malheureuse désespérée qui, déportée par le courant, a dû être entraînée fort loin.

Ainsi, le théâtre perd une de celles qui l'avaient le mieux servi. Elève du conservatoire, elle avait été engagée à 23 ans au Théâtre Français où elle avait débuté dans le rôle de Camille de "On ne badine pas avec l'amour". Elle passa six années rue de Richelieu, puis, comme les autres, elle fut attirée par le studio et devint une des stars les plus aimées du public. Nommée sociétaire il y a un an, elle déclina cet honneur -- on se souvient dans quelles circonstances -- puis démissionna.

Elle n'avait pas reparu depuis sur la scène. Découragée, atteinte d'une grave maladie nerveuse, elle avait dû être admise dans la maison de santé d'où elle s'est enfuie pour se noyer.

Source : Le Midi Socialiste (édition de Toulouse), n°1.239, mardi 6 décembre 1932
Le désespoir de Marcelle Romée

Marcelle Romée, sociétaire de la Comédie-Française, s'est jetée dans la Seine, près du pont de Chatou. Jusqu'à maintenant, son corps n'a pas été retrouvé.

Marcelle Romée avait tourné pour l'écran La Lettre, Le Cap perdu, Coeur de Lilas et Une nuit à l'hôtel.

On attribue sa fin à une dépression nerveuse.

Source : L'Express du Midi (édition de Toulouse), n°14.516, mercredi 7 décembre 1932
On a retrouvé le corps de Mlle Romée

Versailles, 12 décembre.

Hier après-midi, on a retiré de la Seine à Chatou le cadavre de Mlle Marcelle Romée, de la Comédie-Française, dont nous avions annoncé le suicide.

Source : L'Express du Midi (édition de Toulouse), n°14.522, mardi 13 décembre 1932)

Re: Anatole Litvak (1902-1974)

Publié : 27 mars 21, 17:25
par jhudson
Cathy a écrit : 25 juil. 11, 18:34 Raccrochez votre erreur, Sorry Wrong number (1948)

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Une femme malade entend une conversation téléphonique qui parle du meurtre d'une femme à 11h15 le soir. Son mari est absent et son seul contact avec l'extérieur est le téléphone

Anatole Litvak réalise un thriller brillant porté par l'interprétation sublime de Barbara Stanwyck en femme malade plus psychologiquement que physiquement. D'un livre ou d'une pièce qui ajoute au fur et à mesure des morceaux au puzzle, Litvak dresse un film aux nombreux flashbacks, y compris flashback dans flashback pour dépeindre les personnalités de ce mari faible qui devient petit à petit fort détestable et de cette femme qui suit le chemin inverse, femme prête à chiper le petit ami d'une de ses amies, à l'épouser et à le contraindre à supporter tout ce qu'elle veut. Le film raconte donc cette histoire d'amour entre ces deux être que finalement tout oppose, sans doute l'explication concernant la carrière du mari subit une petite perte de rythme, mais le film est haletant même si on se doute de la fin quoiqu'encore ! Burt Lancaster est tout aussi impressionnant dans ce rôle de type pas forcément sympathique et assez loin de ses rôles habituels ! Un bon thriller mené de main de maître !
Le film a été diffusé en HD sur Arte, je ne me souviens pas avoir vu ce film avant.

https://www.imdb.com/title/tt0040823/?ref_=nv_sr_srsg_0

Ce film est complétement hors norme , et je me demande comment il a pu passer la censure car la morale n'est pas celle que les films US ont habitude de montrer.

On croit au début que ça va être un film avec une intrigue simple avec un personnage dans une chambre et un téléphone, mais les Flash back vont élargir l'histoire qui se découvre petit a petit avec de multiples personnages et sous intrigues.

Rien que la construction a base de Flash back est inhabituelle.

C'est un thriller autant qu'un drame psychologique et un film policier, reprenant justement la psychanalyste comme un ressort scénaristique.

L'intrigue est d'une complexité sans nom et sur plusieurs niveaux, autant de pièces de puzzle qu'on doit mettre en place.

Le scénario ne fait rien pour qu'on comprenne certains détails a la premiére vision sur l’intrigue policière, il faut dire que les personnes qui témoignent ne savent pas non plus ce qui se passe vraiment.

Ce qui est rarissime avec les films US qui soulignent souvent tout, on laisse le spectateur seul dans son coin dans une posture de malaise qui ne fait que grandir, mais le but est qu'on ressorte ce que ressent le personnage principal interprété par Barbara Stanwyck , dont le spectateur va connaitre petit a petit sa personnalité.
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(au début on la prend pour une manipulatrice avec son mari, mais c'est plus compliqué que cela)
Il n'y a pas vraiment de méchant dans ce film sauf celui joué par William Conrad , le futur Cannon de la série TV

Tout cela est admirablement mis en scéne, Litvak est vraiment un réalisateur sous estimé, il double d'ingéniosité pour filmer la chambre ou est cantonné Barbara Stanwyck, dans l'immense manoir.
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Et pas de Happy ending et le coupable n'est pas puni, la fin finit d'achever le spectateur

Re: Anatole Litvak (1902-1974)

Publié : 28 janv. 24, 12:50
par innaperfekt_
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Out of the Fog (1941)

Un noir oublié et mésestimé chez Litvak, il me semble. Même pas de réelle diffusion française, pas même dans le titre. L'histoire s'articule autour de la baie brumeuse de New-York, où une jeune femme qui s'ennuie dans un quotidien morne et quelconque va trouver un chemin de fuite en s'acoquinant à un gangster pathétique qui va s'en prendre à son père et l'un de ses amis. Les deux vieux pêcheurs indolents vont vite être sous l'eau face à l'agressivité et la violence du racketteur. Garfield est au poil dans l'interprétation de ce joli psychopathe séduisant une Ida Lupino belle et malléable à souhait. Malgré un rythme parfois trop bavard, des personnages secondaires plutôt sans intérêt, le film a réussi à me saisir et à vraiment me divertir. J'aime Litvak et la simplicité récréative de ses films. Ici, tout marche facilement et le final, qui ne tombe pas dans une moralité de bas étage, est une jolie victoire pour les victimes. Vraiment très chouette, mais vu dans une sale copie, malheureusement.

Re: Anatole Litvak (1902-1974)

Publié : 10 mai 24, 02:49
par Profondo Rosso
La Nuit des généraux (1967)

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Varsovie, 12 décembre 1942 : Maria Kupiecka, une prostituée qui travaillait secrètement pour le renseignement allemand, vient d'être sauvagement assassinée, alors que dans Varsovie se profilent les prémices de la destruction du ghetto de Varsovie. Selon un témoin, le meurtrier serait un général de la Wehrmacht (reconnu à la bande rouge distinctive sur le pantalon de sa tenue d'officier). L'enquête est confiée au major Grau. Ce dernier ne tarde pas à soupçonner trois hommes sans alibis : le général Kahlenberge, le général Seydlitz-Gabler et le général Tanz

La Nuit des généraux est un assez captivant mélange de thriller et de film de guerre, dans le cadre d'une prestigieuse coproduction internationale orchestrée par Sam Spiegel. Le film adapte le roman éponyme de Hans Hellmut Kirst publié en 1962, et auquel il incorpore des éléments de La Culbute de James Hadley Chase datant de 1952. On reste dans cette tonalité haut de gamme avec un scénario écrit par Joseph Kessel et Paul Dehn (ainsi que Gore Vidal pas crédité) et l'impressionnant casting dominé par Peter O'Toole et Omar Sharif (acceptant leurs rôles par redevabilité à Sam Spiegel qui fit d'eux des stars avec Lawrence D'Arabie (1962)), et comprenant aussi Donald Pleasence, Charles Gray (l'occasion d'avoir des interactions entre deux Blofeld), Tom Courtenay et Tom Courtenay.

Le récit se divise entre trois époques, deux longuement exposées et rapprochées temporellement avec la Pologne de 1942 et la France de 1944, et une plus lointaine entrecoupant les deux premières et se déroulant vingt ans plus tard. Le lien entre ces périodes concerne des assassinats sadiques dont furent victimes des prostituées et dont les suspects se dégagent assez vite avec trois généraux sans alibis le soir des faits. Cette narration sert la mécanique de l'enquête criminelle à travers l'abnégation et la droiture du Major Grau (Omar Sharif) en charge de l'enquête, mais aussi un certain portrait des hautes sphères de l'armée allemande au fil de la Seconde Guerre Mondiale. La première partie brosse le portrait d'un roublard intriguant avec le général Kahlenberge (Charles Gray), du mystérieux et secret Seydlitz-Gabler (Donald Pleasence) et de l'inquiétant héros de guerre Tanz (Peter O'Toole). La facilité des deux premiers à se dérober aux questions de Grau, puis les pulsions sadiques étalées à une échelle spectaculaire et sanglante pour Tanz (avec une traque sanglante et destructrice des résistants dans le ghetto de Varsovie) dressent une impunité des officiers allemands qui rend le coupable potentiel insaisissable et inaccessible.

La seconde partie parisienne, sur fond de défaite imminente alors que les Alliés se rapprochent dangereusement de la capitale, change la dynamique. Grau retrouvant ses trois anciens suspects décide de reprendre son enquête, aidé de l'inspecteur Morand (Philippe Noiret). La toile de fond dresse des officiers allemands aux abois pour des raisons différentes. D'un côté e fameux complot Walkyrie visant à assassiner Hitler (dépeint dans le détail par le film Walkyrie de Bryan Singer (2006)) ramènent l'individualisme et les ambitions personnelles pour sortir du conflit en évitant le chaos promis par le jusqu'au boutisme du Führer. De l'autre notamment les ressources ne sont plus les mêmes pour assouvir les élans meurtriers de Tanz forcé de prendre une permission durant laquelle il va se défouler d'une autre manière, peut-être déjà expérimentée. Anatole Litvak navigue très bien entre les périodes, personnages et enjeux à l'échelle intime et géopolitique - les conséquences de l'attentat raté sur l'enquête débouchent sur un rebondissement mémorable. La tension se fait froide mais prenante dans la partie concernant le complot, réellement angoissante lorsque la vérité s'éclaircit quant à la partie criminelle, et plutôt touchante grâce aux points d'ancrage bien introduit que sont Philippe Noiret, Omar Sharif, Tom Courtenay et Joanna Pettet. C'est du travail bien fait et une logistique parfaitement menée auxquels il manque néanmoins un petit éclair formel, une bizarrerie et inventivité plus imprévisible notamment sur la partie thriller trop sage.

Cela est rattrapée par les prestations du casting. Peter O'Toole ravive toute l'ambiguïté, l'étrangeté et la tension déjà présents dans son incarnation de Lawrence d'Arabie mais, au lieu de servir un héros aux pieds d'argiles il s'agit là de personnifier un véritable monstre. L'acteur est vraiment impressionnant, entre le froid calcul et les pulsions meurtrières (en sourdine ou sous couvert du pouvoir militaire) où se maintient une attitude raide et un regard dément. Omar Sharif est particulièrement habité dans sa soif de justice au-dessus des enjeux militaires qui l'entourent, tandis que Philippe Noiret (à l'anglais toujours aussi impeccable dans ses rôles internationaux) impose un flegme humaniste. La partie contemporaine est là pour traduire visuellement (et jouant sur l'évolution des environnements entre passé sous Occupation et présent) et surtout thématique la rupture, la vérité et surtout la justice se dessinant enfin. Le film ose tout de même montrer une frange d'ancien nazis célébrant leurs hauts faits passés dans l'Allemagne contemporaine, la trame policière les confrontant après les crimes de guerres à leurs abjections privées restées impunies durant cette période. Comme toujours il manque ce soupçon de génie à Litvak pour rendre la confrontation finale plus mémorable visuellement, mais la construction efficace du film rend tout de même la conclusion très puissante. Une superproduction originale et ambitieuse. 4,5/6