Billy Wilder (1906-2002)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Cathy
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Re: Billy Wilder (1906-2002)

Message par Cathy »

Je dois dire que quand je regarde des films, même si je les vois dans un ordre chronologique, j'oublie que tel film a été fait avant tel autre, donc du coup que Holden change totalement de registre entre Stalag 17, Sunset Bd et Sabrina ne me dérange pas ! Je crois qu'il faut aussi voir chaque oeuvre en tant qu'unité et pas dans une chronologie, même si c'est le but de ton étude actuelle ;) !
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Sybille
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Re: Billy Wilder (1906-2002)

Message par Sybille »

Je ne crois pas m'être jamais exprimée sur le sujet, donc maintenant ce sera fait... mais moi non plus, je n'ai jamais trouvé Humphrey Bogart déplacé dans Sabrina. Je ne le trouve pas trop vieux pour le rôle, c'est plus son physique qui peut gêner, mais on s'en accommode facilement. Alors sur son âge ou son apparence par rapport à Sabrina/Audrey Hepburn, comme le dit Allen John, le film est un conte de fée, donc pas la peine d'être trop rationnel.

J'aime aussi William Holden, il joue très bien le séducteur écervelé, et sa blondeur participe justement au personnage. :mrgreen:

S'il y a une chose qui doit me déranger (mais ce n'est pas le cas puisque j'aime beaucoup ce film :D ) c'est la disparité physique entre Bogart et Holden. Je sais que le contraste entre eux deux est nécessaire, mais c'est peut-être un peu trop appuyé.
Federico
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Re: Billy Wilder (1906-2002)

Message par Federico »

Sabrina est un Wilder moins méchant ou cynique qu'à son habitude. Peut-être l'effet magique d'Audrey Hepburn dont la présence sur le plateau suffit paraît-il à calmer momentanément Bogart et Holden qui ne pouvaient pas se sentir. Holden n'avait pas la réputation d'être un homme particulièrement sympathique et on connaît le caractère difficile de Bogey qui devait être assez proche de son personnage du Violent de Nicholas Ray (peut-être son plus grand rôle, soit dit en passant). Sans parler d'autres détails hors plateau qui n'ont pas du arranger les choses mais faisant partie du lot habituel de tout tournage et que Truffaut rendra magnifiquement avec La nuit américaine. C'est exact que Bogart ne semble pas toujours à l'aise dans son costume d'homme d'affaires mais il a au moins une très belle scène nocturne avec Hepburn sur le terrain de tennis couvert.
Je suis obligé de reconnaître aussi que Holden (acteur dont je n'ai jamais été un grand admirateur, excepté dans Breezy d'Eastwood) s'en tire mieux, sans doute parce que le rôle de séducteur viril lui était facile à endosser. En plus, il devait avoir à peine l'impression de changer de veste en jouant ses scènes avec Hepburn :wink: .
Quant à l'accusation de Wilder sur l'antisémitisme de Bogart, ça fait un peu sourire vis-à-vis de l'époux de Lauren Bacall et dont l'un des meilleurs amis hollywoodiens fut Peter Lorre... Quelques années plus tard, Bogart aurait fait ses excuses à Wilder pour son comportement sur le plateau en le mettant sur le compte de ses problèmes personnels ce qui, sauf erreur, est la formule politiquement correcte utilisée outre-Atlantique pour l'alcoolisme.
Pour revenir à Sabrina, si il n'est certainement pas ce que Wilder fit de mieux, je le place au-dessus de Un, deux, trois, d'Embrasse-moi idiot, d'Avanti et même (je sens que je ne vais pas me faire des potes) de 7 ans de réflexion. Encore l'effet de celle qui fut surnommée La fée d'Hollywood...
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Re: Billy Wilder (1906-2002)

Message par allen john »

Federico a écrit : Quant à l'accusation de Wilder sur l'antisémitisme de Bogart, ça fait un peu sourire vis-à-vis de l'époux de Lauren Bacall et dont l'un des meilleurs amis hollywoodiens fut Peter Lorre...
Oui, ça en dit long sur la volonté de Wilder de torpiller l'acteur après coup. Ces allégations en effet douteuses sont tirées pour l'essentiel du livre d'entretiens avec Cameron Crowe (je dis ça de mémoire).
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Re: Billy Wilder (1906-2002)

Message par allen john »

The seven year itch (1955)

En 1955, The seven year itch est une pièce à succès (d’ailleurs citée dans Sabrina, on l’a vu) : les ingrédients principaux sont le fait de parler uniquement de sexe et de tromperie durant toute la pièce, et de faire joujou avec les convenances d’une fort belle manière sans jamais se faire prendre. Paradoxalement, c’est plus difficile à cette époque au cinéma, la censure étant plus prude, plus tatillonne et pour tout dire nettement plus puritaine. Sans en faire un étendard, on peut dire que Wilder va utiliser la pièce d’une manière très militante. Il va « pousser l’enveloppe très loin, jouant malgré tout avec les à-cotés salaces, et se faire un plaisir de mettre les pieds dans le plat tout en jouant avec le spectateur. Si la pièce reste une œuvre extérieure, le film obtenu inaugure les comédies sexuelles de Wilder, qui vont se succéder et croiser avec les autres genres ; mais certains de ces films ne sont pas à proprement parler bien vus, Buddy buddy (1981) et Kiss me stupid (1964) en tête… The seven year itch, lui, est un classique, d’une part à cause de sa star, et aussi sans doute à cause d’une scène mythique durant laquelle Marilyn Monroe s’aère le slip sans remords ni regret, en pleine rue.
Richard Sherman, cadre chez un éditeur spécialisé dans la réimpression et l’édition à vil prix de livres à consommer dans le train, est seul chez lui pour un certain temps : c’est l’été, et l’épouse comme le gentil marmot partent en vacances, pendant que le père reste à gagner des sous. C’est à ce moment que Sherman fait la connaissance d’une jeune femme qui est momentanément installée dans l’appartement du dessus. Elle lui plait, il ne lui déplait pas, et elle est totalement désinhibée… Commence alors pour Sherman un jeu de chat et de souris avec sa conscience. Il va nous tenir au-courant de ses pensées, minute après minute, afin le plus souvent de justifier ses actes et ses intentions. Toutes ne sont évidemment pas honorables.

La forme de ce film est aujourd’hui classique, mais il était finalement assez novateur : Wilder utilise non seulement la couleur pour la première fois, il use aussi du Scope, Fox oblige, et s’y prend plutôt adroitement pour un novice, se faufilant un chemin dans l’appartement de Sherman, mais aussi utilisant l’écran large pour la rue, ainsi que pour visualiser les fantasmes et fantaisies de Sherman embellissant ses souvenirs, ou imaginant le pire (Sa femme qui le trompe). D’autre part, la narration-pensée, sorte de « stream of consciousness », fait office de fil rouge, théâtral certes, mais qui maintient l’intérêt, permettant en plus de pouvoir corser le tout, puisqu’un grand nombre de choses ne peuvent être montrées, la logorrhée de Sherman nous permet de les évoquer ou de tourner autour…

L’un des atouts ‘culottés’ de ce film est sa franche vulgarité, affichée dès le prologue : l’habitude prise par les Indiens Manhattan d’envoyer leurs femmes en été séjourner ailleurs, avec tous les Indiens qui voient passer une jolie fille, donne le ton. Ce ton va rester le même du début à la fin, établissant une fois pour toutes les conversations entre hommes comme étant systématiquement sur les possibilités adultérines de la solitude, alors qu’avec les femmes, Sherman ne parle pas de ces choses là… Et des « complices » potentiels, Sherman n’en manque pas, mais on retiendra surtout Kruhulic (Robert Strauss, le « Animal » de Stalag 17), homme à tout faire qui surprend Marilyn chez Sherman, et son éditeur, profondément vulgaire, avec une espèce de rire triomphal du plus odieux : voilà des hommes qui par principe soutiendraient Sherman becs et ongles s’il sautait le pas… mais il ne le saute pas. Du moins, apparemment pas : bien sur, il essaie de l’embrasser, elle ne se laisse pas faire, mais elle n’a pas l’air si choquée ; d’autre part, elle fait sauter une barrière importante, en « unissant » les deux appartements, autrefois deux moitiés d’un duplex. Enfin, elle s’affiche ouvertement et sans vergogne avec lui. Non, si Sherman se comporte aussi vertueusement que possible, c’est bien sur pour satisfaire la censure ; objectivement, ces deux-là sont tellement complices qu’ils sont virtuellement coupables !

Wilder a trouvé son compte dans ce film : entre ses « Kruhulic » (toujours ce goût pour les noms à coucher dehors) et ses petits cailloux (ici , la photo de Marilyn publiée dans un livre que possède Sherman, nous fait imaginer le pire pendant une bonne heure), et bien sur sa tendance à tester les limites du bon goût (Sherman retouchant les poitrines des filles du docteur March sur une couverture, av=fin qu’elles soient plus avantageuses ; de plus, il continue d’insérer la culture populaire courante et les effets de mode, ici, le cinéma en relief, les revues photographiques, la publicité, et là l’intérêt pour la psychanalyse. Bref, il se conduit comme chez lui, à son aise, bien plus en tout cas que dans le film suivant. D’une certaine manière, il a trouvé son créneau, il lui reste à trouver d’autres choses : son collaborateur Izzy Diamond, son décorateur Alexandre Trauner, son acteur d’élection Jack Lemmon. Cela dit, j’aime bien Tom Ewell, qui a le physique du rôle, mais qui manque parfois un peu de flamboyance.

Pour un premier film hors de la Paramount, Wilder a fait fort ; il a honoré la commande, réalisé un succès et même un classique. On peut considérer le film comme daté, il l’est, mais il a aussi très bien vieilli, certains passages étant toujours irrésistibles. Je suis pour ma part très attaché à son pilonnage de la scène du baiser de From here to eternity, ou encore des toutes les fantaisies de Ewell et Monroe, telle la fameuse ‘répétition générale’ de la scène de séduction avec Rachmaninoff, surjouée à la Leslie Banks, mais qui se passe très mal lors du passage à l’acte… Pour une entrée en matière de la comédie délurée façon Wilder, le film se pose de toute façon un peu là…
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Message par someone1600 »

Il faudrait que je le revois celui-la... :roll:
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Re: Billy Wilder (1906-2002)

Message par Federico »

allen john a écrit :The seven year itch (1955)

En 1955, The seven year itch est une pièce à succès (d’ailleurs citée dans Sabrina, on l’a vu) : les ingrédients principaux sont le fait de parler uniquement de sexe et de tromperie durant toute la pièce, et de faire joujou avec les convenances d’une fort belle manière sans jamais se faire prendre. Paradoxalement, c’est plus difficile à cette époque au cinéma, la censure étant plus prude, plus tatillonne et pour tout dire nettement plus puritaine. Sans en faire un étendard, on peut dire que Wilder va utiliser la pièce d’une manière très militante. Il va « pousser l’enveloppe très loin, jouant malgré tout avec les à-cotés salaces, et se faire un plaisir de mettre les pieds dans le plat tout en jouant avec le spectateur. Si la pièce reste une œuvre extérieure, le film obtenu inaugure les comédies sexuelles de Wilder, qui vont se succéder et croiser avec les autres genres ; mais certains de ces films ne sont pas à proprement parler bien vus, Buddy buddy (1981) et Kiss me stupid (1964) en tête… The seven year itch, lui, est un classique, d’une part à cause de sa star, et aussi sans doute à cause d’une scène mythique durant laquelle Marilyn Monroe s’aère le slip sans remords ni regret, en pleine rue.
Richard Sherman, cadre chez un éditeur spécialisé dans la réimpression et l’édition à vil prix de livres à consommer dans le train, est seul chez lui pour un certain temps : c’est l’été, et l’épouse comme le gentil marmot partent en vacances, pendant que le père reste à gagner des sous. C’est à ce moment que Sherman fait la connaissance d’une jeune femme qui est momentanément installée dans l’appartement du dessus. Elle lui plait, il ne lui déplait pas, et elle est totalement désinhibée… Commence alors pour Sherman un jeu de chat et de souris avec sa conscience. Il va nous tenir au-courant de ses pensées, minute après minute, afin le plus souvent de justifier ses actes et ses intentions. Toutes ne sont évidemment pas honorables.

La forme de ce film est aujourd’hui classique, mais il était finalement assez novateur : Wilder utilise non seulement la couleur pour la première fois, il use aussi du Scope, Fox oblige, et s’y prend plutôt adroitement pour un novice, se faufilant un chemin dans l’appartement de Sherman, mais aussi utilisant l’écran large pour la rue, ainsi que pour visualiser les fantasmes et fantaisies de Sherman embellissant ses souvenirs, ou imaginant le pire (Sa femme qui le trompe). D’autre part, la narration-pensée, sorte de « stream of consciousness », fait office de fil rouge, théâtral certes, mais qui maintient l’intérêt, permettant en plus de pouvoir corser le tout, puisqu’un grand nombre de choses ne peuvent être montrées, la logorrhée de Sherman nous permet de les évoquer ou de tourner autour…

L’un des atouts ‘culottés’ de ce film est sa franche vulgarité, affichée dès le prologue : l’habitude prise par les Indiens Manhattan d’envoyer leurs femmes en été séjourner ailleurs, avec tous les Indiens qui voient passer une jolie fille, donne le ton. Ce ton va rester le même du début à la fin, établissant une fois pour toutes les conversations entre hommes comme étant systématiquement sur les possibilités adultérines de la solitude, alors qu’avec les femmes, Sherman ne parle pas de ces choses là… Et des « complices » potentiels, Sherman n’en manque pas, mais on retiendra surtout Kruhulic (Robert Strauss, le « Animal » de Stalag 17), homme à tout faire qui surprend Marilyn chez Sherman, et son éditeur, profondément vulgaire, avec une espèce de rire triomphal du plus odieux : voilà des hommes qui par principe soutiendraient Sherman becs et ongles s’il sautait le pas… mais il ne le saute pas. Du moins, apparemment pas : bien sur, il essaie de l’embrasser, elle ne se laisse pas faire, mais elle n’a pas l’air si choquée ; d’autre part, elle fait sauter une barrière importante, en « unissant » les deux appartements, autrefois deux moitiés d’un duplex. Enfin, elle s’affiche ouvertement et sans vergogne avec lui. Non, si Sherman se comporte aussi vertueusement que possible, c’est bien sur pour satisfaire la censure ; objectivement, ces deux-là sont tellement complices qu’ils sont virtuellement coupables !

Wilder a trouvé son compte dans ce film : entre ses « Kruhulic » (toujours ce goût pour les noms à coucher dehors) et ses petits cailloux (ici , la photo de Marilyn publiée dans un livre que possède Sherman, nous fait imaginer le pire pendant une bonne heure), et bien sur sa tendance à tester les limites du bon goût (Sherman retouchant les poitrines des filles du docteur March sur une couverture, av=fin qu’elles soient plus avantageuses ; de plus, il continue d’insérer la culture populaire courante et les effets de mode, ici, le cinéma en relief, les revues photographiques, la publicité, et là l’intérêt pour la psychanalyse. Bref, il se conduit comme chez lui, à son aise, bien plus en tout cas que dans le film suivant. D’une certaine manière, il a trouvé son créneau, il lui reste à trouver d’autres choses : son collaborateur Izzy Diamond, son décorateur Alexandre Trauner, son acteur d’élection Jack Lemmon. Cela dit, j’aime bien Tom Ewell, qui a le physique du rôle, mais qui manque parfois un peu de flamboyance.

Pour un premier film hors de la Paramount, Wilder a fait fort ; il a honoré la commande, réalisé un succès et même un classique. On peut considérer le film comme daté, il l’est, mais il a aussi très bien vieilli, certains passages étant toujours irrésistibles. Je suis pour ma part très attaché à son pilonnage de la scène du baiser de From here to eternity, ou encore des toutes les fantaisies de Ewell et Monroe, telle la fameuse ‘répétition générale’ de la scène de séduction avec Rachmaninoff, surjouée à la Leslie Banks, mais qui se passe très mal lors du passage à l’acte… Pour une entrée en matière de la comédie délurée façon Wilder, le film se pose de toute façon un peu là…
Si je peux me lancer dans un comparatif cavalier, Wilder comme son maître Lubitsch utilisèrent les ficelles (efficaces) du théâtre boulevardier européen classique. Mais quand Lubitsch se référait à Guitry, Wilder lorgnait plus du côté de Feydeau et Labiche (il doit y avoir les équivalents chez les dramaturges allemands et autrichiens mais mes connaissances s'arrêtent là).
Wilder pouvait être très fin mais aimait quand même bien se lâcher avec une vulgarité assumée, ce que Lubitsch ne s'autorisera que très rarement (voire jamais) ce qui est d'autant plus remarquable qu'au départ, il joua en tant que comédien dans des rôles très caricaturaux Mittel-Europa pas loin de ce que fera Mel Brooks bien plus tard.
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Re: Billy Wilder (1906-2002)

Message par allen john »

Federico a écrit : Si je peux me lancer dans un comparatif cavalier, Wilder comme son maître Lubitsch utilisèrent les ficelles (efficaces) du théâtre boulevardier européen classique. Mais quand Lubitsch se référait à Guitry, Wilder lorgnait plus du côté de Feydeau et Labiche (il doit y avoir les équivalents chez les dramaturges allemands et autrichiens mais mes connaissances s'arrêtent là).
Wilder pouvait être très fin mais aimait quand même bien se lâcher avec une vulgarité assumée, ce que Lubitsch ne s'autorisera que très rarement (voire jamais) ce qui est d'autant plus remarquable qu'au départ, il joua en tant que comédien dans des rôles très caricaturaux Mittel-Europa pas loin de ce que fera Mel Brooks bien plus tard.
le comparatif ne m'apparait pas cavalier. Je pense que Lubitsch était bien le maitre formel de wilder, mais que celui-ci a effectivement à dessein souhaité se situer sur un terrain plus glissant qui lui convenait car il lui permettait de pousser l'enveloppe, comme on dit, de faire reculer les limites de l'admissible au cinéma. Je pense qu'il a contribué plus que bien d'autres, dans les années 50, à faire du cinéma américain un medium plus adulte.
Du coté de Lubitsch, tu fais bien de soulever le paradoxe, et son, oeuvre Allemande montre bien un combat intérieur asse sensible pour se débarrasser des oripeaux vulgaires dont il s'était paré au début. Meyer aus Berlin, par exemple, est un film bien lourdaud, dans lequel on peine à voir le futur auteur de The marriage circle. Mais entre les deux, bien sur, il y a sans doute la découverte de A woman of Paris.... c'est la théorie la plus fréquente.
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Re: Billy Wilder (1906-2002)

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Bon. Faut que je m'occupe de Lindbergh, moi.
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Re: Billy Wilder (1906-2002)

Message par allen john »

The spirit of St-Louis (1957)
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Essayons un peu de nous mettre à la place de Billy Wilder au moment de commencer ce film commémoratif, commande effectuée pour le producteur Leland Hayward, et film entièrement soumis à la gloire d’un héros américain, Lindbergh, lui-même interprété par un autre genre de héros Américain, James Stewart, dont la bonhomie légendaire très premier degré sied a priori mal à l’univers de notre cinéaste. Il est probable que comme souvent notre metteur en scène désormais libre a eu envie de s’essayer à un projet fédérateur, à titre d’exercice, en attendant des projets plus propres à éveiller son esprit légendaire. Ou peut-être a-t-il vraiment été amené à honorer cette commande par amitié, comme il le prétendait. Ou bien a-t-il été pris au piège d’un contrat… On l’imagine assez mal. Quoi qu’il en soit, avec ce film, Wilder signe le film le moins personnel de sa carrière. Pas le pire, j’en ai peur, au contraire d’ailleurs, c’est un bon film, ce n’est juste pas un film de Billy Wilder. Néanmoins, il faut raison garder : Wilder a mis la main au scénario, et ça se voit un peu. La tentation de confronter ce Charles Lindbergh qui lui aurait échappé aux autres héros de Wilder, rien que pour voir, et là encore, on n’est pas devant un personnage si éloigné de ses préoccupations. Et ion pourrait même aller jusqu’à dire que ce film est un précédent dans l’œuvre de Wilder tellement j’y vois de points communs avec un autre film, l’un de mes préférés celui-ci… Mais chaque chose en son temps.

Le film, après un texte pompeux et commémoratif, commence par un matin de 1927, dans un hôtel New Yorkais. Lindbergh, appelé « Lindy » ou « Slim » suivant les interlocuteurs, tente de trouver le sommeil à la veille de son exploit, et des journalistes par dizaine s’activent dans le hall. Une atmosphère d’effervescence qui s’intègre tout à fait dans la remarquable reconstitution de l’époque, une constante de Billy Wilder. Il se remémore les circonstances qui l’ont amené là, depuis sa conviction, dont nous ne verrons pas la mise en forme ni la naissance : dès la première scène, il répète à qui veut l’entendre qu’il fera cette traversée. La deuxième partie du film le voit rompre avec la chronologie, dans la mesure ou le fil narratif est entièrement consacré à la traversée, il fallait des digressions sous forme de flashbacks, et c’est le « Stream of consciousness » de Lindbergh qui pense pour s’occuper, qui va permettre ces constants recours au passé. L’histoire, l’Histoire et le personnage se rejoignent ainsi dans un même mouvement.
Outre ces intéressants recours au passé, qui structurent le récit et lui donnent du corps, sans parler de gags parfois salutaires (le passage à l’armée, qui vire au comique troupier, sans pour autant que ça soit lourd), Wilder a aussi agi sur le scénario (par ailleurs du à Charles Lederer et Wendell Mayes, d’après Lindbergh lui-même) : on remarque ses petites balises, ses petits « cailloux » : la mouche qui sert de compagnon à Lindbergh, et qui lui permet en particulier d’entamer un dialogue, puis soliloque qui permettra au spectateur d’accepter ce personnage qui parle tout seul ; sinon, la médaille de St-Christophe, probablement dans le scénario sans qu’elle ait été apportée par Wilder, est traitée avec le soin qui lui est du par un réalisateur qui aime ces astuces fédératrices. D’autre part, la mise en scène est très soignée, intégrant décidément sans problème le Scope, dont Wilder tire un grand parti : après tout, rien de tel pour dépeindre les grands espaces, et l’histoire d’un avion qui doit aller d’Ouest en Est (on remarquera d’ailleurs à ce sujet un respect systématique de la géographie dans le sens de la marche !!) est tout à fait le type de film qu’il faut voir sur écran large… Enfin, j’ai déjà mentionné la splendide reconstitution d’une Amérique des années 20 qui est plus rurale qu’autre chose, le parcours de Lindbergh, du Minnesota à la Californie, étant on le rappelle, incarné par un James Stewart, qui accentue le coté ordinaire et tranquille du héros Lindbergh, ici un cousin de ce brave Sergeant York.

Lindbergh ne commet qu’un seul péché, dans ce film, celui de croire qu’il pouvait se substituer à Dieu. C’est le rôle de la médaille de St-Christophe de nous le rappeler : c’est un des nombreux accessoires dont le pragmatique Lindbergh choisit de ne pas s’encombrer afin de ne pas alourdir l’avion. Mais l’objet, envoyé par un prêtre qui a appris à voler auprès de lui, est glissé à l’insu de Lindbergh dans le sac qui contient ses sandwiches. Lorsqu’il souhaite manger, il la découvre, et accepte de bonne grâce sa présence. Et lors d’un ultime coup de mou, juste avant l’arrivée, il s’adresse à Dieu, lui demandant de l’aider dans la dernière ligne droite. Cette abdication de l’humain, il ne me semble pas l’avoir vue ailleurs, chez Wilder, un metteur en scène peu enclin à laisser le religieux prendre le pas sur le mortel… Mais le paradoxe, c’est bien sur que la mise en forme de cette anecdote est très dans sa manière justement…

Lindbergh est un homme bien sous tous rapports, d’autant que c’est quand même James Stewart, ici aussi charismatique que d’habitude. Sa volonté aussi tranquille que ferme lui permet de déplacer des montagnes, et il fait un Lindbergh qu’on a envie de suivre. Mais c’est aussi un obsédé, un monomaniaque, dont il existe finalement une large proportion dans l’oeuvre, depuis le vieux cochon Osgood Fielding III incarné par Joe Brown dans Some like it hot, jusqu’à Victor Clooney dans Buddy Buddy. Sabrina, déterminée à conquérir David Larrabee, les sergents prisonniers de Stalag 17 décidés à trouver le traître et à s’évader (ainsi qu’Animal, obsédé par Betty Grable), et bien sur l’alcoolique de Lost week-end… Tous ces obsédés sont l’univers de Billy Wilder, et Lindbergh, déterminé à tout faire pour atteindre son but, les rejoint, mais il na aucune incidence néfaste sur son entourage. Les seuls drames du film, sont ceux qui rejaillissent sur lui : les morts successives des autres aviateurs tentant le même exploit, qui risquent soit d’être un mauvais présage, soit de le faire abandonner, sont les seuls autres écueils que la fatigue ou les risques immédiats (Givre, perte de contr^pole de l’avion, panne de carburant…) que le film se permet ; on est bien en plein individualisme, l’homme doit s’assumer seul, et risquer sa seule peau, s’il veut réussir quelque chose. Ainsi Lindbergh et Stewart avancent-ils le pion d’un héros Américain, individualiste avant tout, mais dont le parcours assumé de bout en bout, et la volonté poussée jusqu’au bout permet de déplacer les montagnes… Pas sur que ce coté droitier ait totalement plu à Wilder, un réalisateur plutôt apolitique et volontiers narquois… Néanmoins le réalisateur reviendra à une légende presque vivante, avec l’un de ses films les plus personnels. Oui, bien sur, Sherlock Holmes est un personnage de fiction, mais la façon dont il a été traité dans The private life… me fait penser à ce Lindbergh, un personnage presque dénué de substance, qui laisse ses obsessions le conduire, et conduire son univers, dans la direction qu’il a choisi. Le fait que l’un (Holmes chez Wilder) se soit trompé, et que l’autre (Lindbergh) ait eu raison, impose une limite sérieuse à cette comparaison. Mais au moins, tout cela prouve que Wilder avait parfois envie de tâter du personnage célèbre. Ajoutons la présence dans son oeuvre de Rommel, Norma Desmond (Gloria Swanson), Cecil B. DeMille, ou encore Fedora-Greta Garbo… Tous autant d’étranges reflets d’une vérité qu’on croirait extérieure au petit monde de Billy Wilder.

Donc le film est désormais une sorte de vilain petiot canard dans le corpus des films de Wilder. On sait qu’il avait envie de réaliser The Emperor Waltz, qu’il a assumé la plupart des films qui suivront celui-ci, y compris le film de commande The front page, ou le très controversé Buddy buddy . Mais ce Lindbergh, Wilder le déboulonnera très vite, parlant tout simplement d’un film qu’il n’aurait pas du faire. Difficile en effet d’y retrouver sa patte, ses thèmes, son univers, mais bon, le fait est que c’est un film qui se laisse voir avec plaisir, et qui offre à James Stewart un rôle en or… Même teint en blond ! La façon dont se clôt le film, une fois l’exploit accompli, sur des images d’archives hâtivement mises bout à bout, nous renseigne par ailleurs sur deux points ; la volonté de parer au plus pressé, de se débarrasser du film et de ne pas aller jusqu’à tourner une séquence qui aurait été coûteuse d’une part ; d’autre part, la volonté de rappeler que c’est de l’histoire d’un héros du siècle qu’il s’agissait ; et pour ce faire, les images de Lindbergh fêté à New York ont fait le tour du monde…
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Message par Federico »

allen john a écrit :The spirit of St-Louis (1957)

Lindbergh est un homme bien sous tous rapports, d’autant que c’est quand même James Stewart, ici aussi charismatique que d’habitude. Sa volonté aussi tranquille que ferme lui permet de déplacer des montagnes, et il fait un Lindbergh qu’on a envie de suivre. Mais c’est aussi un obsédé, un monomaniaque, dont il existe finalement une large proportion dans l’oeuvre, depuis le vieux cochon Osgood Fielding III incarné par Joe Brown dans Some like it hot, jusqu’à Victor Clooney dans Buddy Buddy. Sabrina, déterminée à conquérir David Larrabee, les sergents prisonniers de Stalag 17 décidés à trouver le traître et à s’évader (ainsi qu’Animal, obsédé par Betty Grable), et bien sur l’alcoolique de Lost week-end… Tous ces obsédés sont l’univers de Billy Wilder, et Lindbergh, déterminé à tout faire pour atteindre son but, les rejoint, mais il na aucune incidence néfaste sur son entourage. Les seuls drames du film, sont ceux qui rejaillissent sur lui : les morts successives des autres aviateurs tentant le même exploit, qui risquent soit d’être un mauvais présage, soit de le faire abandonner, sont les seuls autres écueils que la fatigue ou les risques immédiats (Givre, perte de contr^pole de l’avion, panne de carburant…) que le film se permet ; on est bien en plein individualisme, l’homme doit s’assumer seul, et risquer sa seule peau, s’il veut réussir quelque chose. Ainsi Lindbergh et Stewart avancent-ils le pion d’un héros Américain, individualiste avant tout, mais dont le parcours assumé de bout en bout, et la volonté poussée jusqu’au bout permet de déplacer les montagnes… Pas sur que ce coté droitier ait totalement plu à Wilder, un réalisateur plutôt apolitique et volontiers narquois… Néanmoins le réalisateur reviendra à une légende presque vivante, avec l’un de ses films les plus personnels. Oui, bien sur, Sherlock Holmes est un personnage de fiction, mais la façon dont il a été traité dans The private life… me fait penser à ce Lindbergh, un personnage presque dénué de substance, qui laisse ses obsessions le conduire, et conduire son univers, dans la direction qu’il a choisi. Le fait que l’un (Holmes chez Wilder) se soit trompé, et que l’autre (Lindbergh) ait eu raison, impose une limite sérieuse à cette comparaison. Mais au moins, tout cela prouve que Wilder avait parfois envie de tâter du personnage célèbre. Ajoutons la présence dans son oeuvre de Rommel, Norma Desmond (Gloria Swanson), Cecil B. DeMille, ou encore Fedora-Greta Garbo… Tous autant d’étranges reflets d’une vérité qu’on croirait extérieure au petit monde de Billy Wilder.

Donc le film est désormais une sorte de vilain petiot canard dans le corpus des films de Wilder. On sait qu’il avait envie de réaliser The Emperor Waltz, qu’il a assumé la plupart des films qui suivront celui-ci, y compris le film de commande The front page, ou le très controversé Buddy buddy . Mais ce Lindbergh, Wilder le déboulonnera très vite, parlant tout simplement d’un film qu’il n’aurait pas du faire. Difficile en effet d’y retrouver sa patte, ses thèmes, son univers, mais bon, le fait est que c’est un film qui se laisse voir avec plaisir, et qui offre à James Stewart un rôle en or… Même teint en blond ! La façon dont se clôt le film, une fois l’exploit accompli, sur des images d’archives hâtivement mises bout à bout, nous renseigne par ailleurs sur deux points ; la volonté de parer au plus pressé, de se débarrasser du film et de ne pas aller jusqu’à tourner une séquence qui aurait été coûteuse d’une part ; d’autre part, la volonté de rappeler que c’est de l’histoire d’un héros du siècle qu’il s’agissait ; et pour ce faire, les images de Lindbergh fêté à New York ont fait le tour du monde…
Je ne me souviens plus avoir ou non vu ce film mais il est facile de comprendre que Wilder n'était pas fier d'avoir tourné l'hagiographie d'un personnage dont les graves errements étaient bien connus.
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Re: Billy Wilder (1906-2002)

Message par someone1600 »

Je ne saurais dire si c'est bel et bien du Wilder (j'ai du mal a identifier clairement un style a un réalisateur personnelement), mais je dois dire que j'ai adoré ce film pour ma part. :wink:
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Re: Billy Wilder (1906-2002)

Message par allen john »

Love in the afternoon (1957)

Enfin, Billy Wilder tâte de l’indépendance avec ce film en forme à peine voilée d’hommage à son maître Ernst Lubitsch. Souvent citée, il convient de rappeler la phrase, prononcée parait-il par Wilder à l’enterrement de Lubitsch : a quelqu’un qui lui disait « Vous vous rendez compte, plus de Ernst Lubitsch ? » Wilder aurait répondu : « Pire que ça : plus de films de Ernst Lubistch ». Flanqué ici de Maurice Chevallier, vedette de quatre films du grand metteur en scène Viennois entre 1929 et 1934, et Gary Cooper, qui n’apparait que dans deux films de Lubitsch, mais l’un et l’autre sont des classiques, Wilder choisit de tourner à Paris (renouant avec la France fantasmée de Lubitsch, dans Bluebeard’s eighth Wife et Design for living) une histoire qui fait du léger avec du lourd, jonglant avec l’adultère, les rendez-vous de cinq à sept… On est en plein vaudeville, et pourtant ça se boit tout seul.
En même temps que cet hommage à son maître, pourtant , Wilder réussit à continuer son parcours de façon cohérente, tout en se renouvelant,, et en construisant désormais son cinéma entièrement à sa façon. Et en plus, il collabore désormais avec deux hommes qui lui seront fidèles, l’un d’entre eux co-signant absolument tous les films à venir : l’incomparable Izzy Diamond. L’autre collaborateur régulier, ce sera le décorateur Alexandre Trauner…

Claude Chavasse (Maurice Chevalier) vit seul avec sa fille Ariane (Audrey Hepburn). En tant que détective privé Parisien, il est forcément amené à intervenir sur des histoires d’adultère en série, et connait particulièrement bien Frank Flannagan, bourreau des cœurs américain (Gary Cooper), souvent de passage à Paris, et généralement très sollicité. C’est justement en entendant son père discuter avec un client, très remonté contre Flannagan qu’Ariane surprend ce dernier qui veut en finir et éliminer tout simplement le Don Juan. Ariane, par ailleurs trouvant une bonne tête à la future victime, intervient et empêche le drame, mettant alors le pied dans un engrenage inattendu, puisqu’à la suite de cette intervention, Flannagan autant qu’Ariane vont, chacun à leur façon, tomber amoureux l’un de l’autre …

Le vrai et le faux : Wilder s’amuse à déconstruire Paris autour de l’image d’Epinal de la cité de l’amour. Profitant de la présence d’une sorte de narrateur en la personne de Maurice Chevalier, il nous propose un préambule dans lequel il est question du fait qu’à Paris, tout le monde flirte : les images nous montrent des tas de gens, jeunes et vieux, riches et pauvres, beaux et moches, qui s’embrassent joyeusement. L’une de ces anecdotes servira d’ailleurs deux fois, je veux parler des amoureux tellement affairés qu’ils ne s’aperçoivent pas qu’on les arrose… Donc on est bien à Paris, mais un Paris fantasmé, sublimé. Comme on y parle Anglais, avec l’accent de Maurice Chevalier, celui d’Audrey Hepburn ou celui de Gary Cooper, ce n’est pas grave, et on peut s’amuser de cet effet de décalage. Décalage par ailleurs renforcé par le recours à divers leitmotive, dont l’impayable groupe de musiciens qui rappliquent dès que Flannagan les appelle, et qui le suivent y compris au sauna… C’est un univers qui n’a rien de réel, et dans lequel on se sent finalement assez bien.

Mais s’il renvoie à Lubitsch, on y sent la patte désormais assurée d’un Wilder : s’il choisit de faire comme son maître, d’utiliser les signes ancillaires (Ces domestiques qui ramènent pour la consommation de Flannagan et de ces maîtresses des denrées, plats, et bouteilles, sont clairement un signe à la Lubitsch de grande vie amoureuse, comme le grand Ernst savait faire), mais il y ajoute sa sauce, et surtout on va suivre les domestiques, une fois que le ‘Do not disturb’ aura été apposé à la porte. C’est qu’Ariane, l’héroïne de cette histoire, a beau rêver sa vie sentimentale à partir des fiches professionnelles de son détective de père, elle va passer de l’autre coté du miroir, et pénétrer dans le vif du sujet. Intervenant auprès de Flannagan, menacé de mourir sous les coups de révolver d’un mari, elle va inévitablement prendre la place de l’épouse, et passer définitivement de l’autre coté. Elle se fait d’ailleurs passer pour une grande séductrice auprès de Flannagan, lui servant finalement sa propre potion. Donc si la référence à Lubitsch tient la route, on sent quand même que Wilder a aussi su combiner le monde de Sabrina et celui de The seven year itch : le conte de fées, décalé et charmant, dans lequel la jeune femme romantique détourne ls intentions du vil séducteur en incarnant l’énigme, et un film dans lequel, pour jouer sur les mots, « Everybody’s doing it » in Paris : flirter, oui, mais plus si affinités, aussi.
D’ailleurs, il ne faut pas s’y tromper ; Wilder a déjà tourné avec Audrey Hepburn, et l’actrice est parfaite sous sa direction. Une autre chose qu’il refait ici, c’est d’investir un lieu, en complicité ici avec Alexandre Trauner, qui connait bien Paris, et qui connait aussi son affaire, et d’en tirer ce qu’il veut : qu’on songe au Berlin de Foreign affair et au Hollywood de Sunset Boulevard… On est donc quand même bien dans une certaine continuité de l’œuvre, même si le désir d’expérimenter règne en maître. C’est un film dans lequel le plaisir du metteur en scène est communicatif, ainsi que sa science des ruptures de ton. A ce titre, le travail d’Audrey Hepburn laisse pantois, et son alchimie avec Gary Cooper reste un atout supplémentaire. Ils sont formidables tous les deux.

Inaugurant, sous la houlette d’Allied Artists (et non d’United Artists, comme on le lit parfois dans certaines filmographies) la deuxième partie de sa carrière, Wilder invente un ton nouveau, une style de comédie romantique pour adulte, ou de conte de fée pour grands. Il le fait en toute élégance, en rendant hommage à son maître, mais le film lui appartient en tous points. Comme d’autres films, il a laissé le temps s’écouler, et on peut y remarquer des petits à-cotés (la non-idylle entre l’inutile Michel et Ariane, par exemple) qui ne sont pas du plus important. Qu’importe, Wilder a envie de prendre son temps, ce sera une de ses marques de fabrique désormais, et d’aucuns critiqueront les longueurs d’Avanti par exemple. Moi, je pense que ça fait partie du tout, et que ce tout est un univers cohérent et diablement sympathique, dont Love in the afternoon est l’un des plus beaux fleurons…
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Re: Billy Wilder (1906-2002)

Message par Pollux »

J'ai découvert Love in the afternoon la semaine dernière au Mac Mahon et j'en suis sorti ravi. :D

Peut-on m'expliquer pourquoi la plupart des partenaires masculins d'Audrey Hepburn sont des hommes bcp plus âgés qu'elle ?
Je pense à Ariane, Sabrina, Vacances Romaines, Voyages à deux..
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Cathy
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Re: Billy Wilder (1906-2002)

Message par Cathy »

Euh Albert Finney est plus jeune qu'Audrey Hepburn !

Je trouve en plus que le choix de ses partenaires semble judicieux. Enfin personnellement j'ai toujours trouvé plein de charme à tous ses partenaires. Je me demande si ce n'est pas cela aussi qui fait la force des films d'Audrey Hepburn. C'est aussi Hollywood. J'ai l'impression que rarement les acteurs à cette époque-là ont le même âge. Il y a le même style de différence d'âge entre Clark Gable et Vivien Leigh dans Autant en emporte le vent. Personnellement cela ne m'a jamais gêné. A chaque fois, on joue sur la différence d'âge enfin dans Ariane, Sabrina, Vacances romaines pour montrer une jeunesse attirée par des hommes expérimentés !
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