
Lundi, on était Lundi , et j’allais comme un lundi
Peut-être que je vais écrire un post, j’ai pensé.
Et c’est ce que j’ai fait.
Le Posteur, Murphy - Edition Les carnets bleus à spirale
Au programme ce soir : La quatrième dimension
Vous ouvrez cette porte avec la clé de l'imagination. Au-delà, c'est une autre dimension. Une dimension sonore. Une dimension visuelle. Une dimension de l'esprit. Vous pénétrez dans le domaine de l'ombre et de la matière, des objets et des idées. Rod Serling, La quatrième dimension
J’avais un plan.
La semaine précédente, j’avais regardé le film « Manon » et les scènes finales m’avaient particulièrement troublé. J’en fis part sur DVD Classik dans un de mes récents posts (*1), quelque chose ne collait pas. Ces derniers jours, malgré de nouveaux films vus, je ne cessais de penser aux dernières scènes de ce film et l’évidence m’apparut une nuit d’insomnie : les épisodes de "la quatrième dimension" avaient été tournés par Clouzot et les films de Clouzot avaient été réalisés par Sterling. Henri-Georges Clouzot et Rod Sterling n'étaient qu'une même et unique personne. Je venais de découvrir là la plus grande imposture cinéphilique du XXème siècle. Romain Gary et Emile Ajar n’étaient que des amateurs.
Mon plan était simple. Je dévoilerai cette supercherie cinéphilique au travers d’une chronique bien sentie que je vendrai à DVD Classik pour la somme de 300 €. Ainsi, je pourrai m’offrir pour les fêtes ce somptueux coffret encyclopédique du film noir américain 1912-1960 chez l’éditeur Sydonis Calysta. Je les ai avais déjà vu ces chroniqueurs de DVD Classik en centre-ville. Tous ces Ed, tous ces Cinephage, tous ces Jeremy Fox… Ils avaient tous commencé comme étudiant boursier en BTS Métiers de l'Audiovisuel et aujourd’hui, ils roulaient en berline allemande fumant de gros cigares avec des filles de l’Est à leur bras. Le fric coulait à flot dans cette start-up. Mon scoop ne pouvait que booster leur site et j’obtiendrai d’eux mes 300 € avant Noël. Je pouvais définitivement dire adieu aux heures sup’.
Mon enquête commençait. Je m’étais abonné à Amazon Prime et j’avais commandé le coffret « La Quatrième Dimension » avec l’option « livraison rapide à domicile ». Tant pis pour Marc et Sophie du Tabac Relais Colis. Le paquet arriva le lendemain matin. Tout excité par cette nouvelle aventure qui s’annonçait, je sortis rapidement de mon appartement pour descendre dans le hall lorsque le nouveau facteur François sonna à l’interphone. L’ascenseur était encore en panne mais peu importe, je dévalais les escaliers à toute vitesse. François Le Facteur était tout aussi chelou que Charles Le Postier. Je lui demandai si il avait déjà repéré ma boîte aux lettres, j’insistais bien qu’il ne devait pas la confondre avec celle de mon voisin Claude Moine mais il ne me répondit pas. Il se lança dans une sorte de chorégraphie burlesque qui me laissa pantois. Mais je ne m'attardais pas, j'étais pressé. Je récupérai mon colis Amazon Prime et je remontais les escaliers avec cette fois ci il est vrai un peu moins de vitalité.
Dans la cage d’escaliers, je croisais Monsieur Brusnel, le directeur du Prisunic accompagné de Pascal Le Grand Vigile. Ils descendaient tous les deux un grand tapis enroulé rouge vif qui dégageait une forte odeur nauséabonde dont Monsieur Brusnel voulait se débarrasser, sans doute à cause de cette odeur désagréable. Ce tapis ne s’accordait pas avec la déco de son loft m’expliqua t’il. Il jurait notamment avec son tableau, celui qui ressemblait tant à celui des sœurs de la Brasserie « L’œil du chat ». J’étais vexé qu’il ait demandé de l’aide à Pascal Le Grand Vigile. Je le trouvais tellement sympathique ce Monsieur Brusnel que j’avais très envie de devenir son ami. Mais je voyais bien que ces derniers jours, il passait beaucoup de temps avec Pascal Le Grand Vigile. Je cachais ma jalousie mais au fond de moi, j’avais très envie de pleurer.
- Mais Monsieur Murphy, vous aviez si mal au dos lorsque vous m’avez aidé à monter mes cartons de livres lors de mon emménagement que j’ai préféré cette fois-ci demander de l’aide à Pascal Le Grand Vigile, m’expliqua t’il gêné.
- Je comprends… Je comprends… répondis-je, en bougonnant.
Remarquant mon carton Amazon Prime dans mes mains, il me dit :
- Vous permettez Monsieur Murphy que je vous donne un conseil ? J’ai appris que vous avez un gros crush pour Tam, la serveuse.
Depuis quelques jours, Monsieur Brusnel s’était fortement rapproché de Sylia, l’ainée des sœurs Chamade. Après avoir récupéré son 06, il lui avait téléphoné pour lui offrir des bons de réduction. Les deux désormais amoureux s’étaient trouvés une passion commune pour le Président Emmanuel Macron. (*2)
- Vos DVD là, me dit-il, me montrant du doigt mon colis. Franchement Monsieur Murphy, c’est pas jouable. Ce qu’elles aiment les femmes, c’est les livres. Vos DVD, elles aiment pas ça. C’est moche et ça prend de la place.
- Mais je les mets dans des pochettes plastiques T3L, protestai-je. Déjà dans des pochettes, ça rend beaucoup plus classe je trouve et puis surtout, sans le boitier et le fourreau, je gagne 11 mm à fois. Madame Kondo, la concierge, était très impressionnée lorsqu’elle est passée chez moi l’année dernière pour ses étrennes. Le mois dernier, je me suis embrouillé avec un vendeur Vinted qui m'a envoyé "Just a kiss" de Ken Loach en digipack alors que je lui avais expressément demander si son exemplaire était bien un amaray. Je hais les digipacks, ils rentrent pas dans les pochettes T3L. Vous comprenez, les pochettes T3L, ensuite, je les range dans des caisses en bois de bouteilles de vin, ça fait vraiment pas pareil.
- Ca fait surtout alcoolique me répondit-il pas convaincu.Vous en faites quoi de tous ces trucs ? Vous allez continuer longtemps comme ça ? A voir des films tous les soirs ? Vous comptez devenir quoi ? Cinéphile ? Grand champion du « mitraillette quizz » ? Ah bah super… C’est pas comme ça que vous allez pécho des meufs. Une belle bibliothèque avec des livres, ça les fait toutes craquer je vous dis.
- J’ai trop la flemme de les lire tous ces bouquins, y’en a trop, soufflais-je.
- Mais je ne vous dis pas de les lire. Vous croyez vraiment que je m’emmerde à lire tout ça ? J’achète des fiches de lecture à Poet77 sur DVD Classik. C’est plus complet qu’une quatrième de couverture et beaucoup plus efficace. Vous avez lu son dernier post ? Le nom du bonhomme qu’il nous a sorti ? Albert t’Serstevens ? J’ai cru qu’il s’était endormi sur son clavier. Mais efficace ceci dit. La semaine dernière encore, j’ai eu mon petit succès avec. Hé hé hé…
C’est à ce moment de la conversation que Claude Moine, en chaussettes et un verre de sirop à la menthe, apparut. Il descendait dans le hall pour récupérer son courrier. Voyant mon colis Amazon Prime à la main, il me demandait ce que j’avais reçu. Je refusais de lui répondre, j’avais trop besoin de ce coffret de la Quatrième Dimension pour vendre ma chronique à DVD Classik. J’avais déjà le titre en tête : « Clouzot = Sterling ». Basique. Simple. J'étais pas peu fier.
- Oh hé, ça va hein ! Y’en a marre ! protestai -je. Déjà, vous devez me ramener mon coffret Breaking Bad, vous !
- Formidable Breaking Bad ! s’enthousiasma t’il. Mais j’en suis qu’à la première saison. Le début est formidable ! Cet épisode où ils se débarrassent des corps avec de l’acide, la scène où ils les plongent dans la baignoire, c'est formidable!
Monsieur Brusnel parut intéressé.
- Ça existe en livre cette série ? C’est quel épisode de la saison exactement cette scène ? vous pourriez me le prêter ce coffret ?
- Oh Monsieur Brusnel ! s’impatientait Pascal Le Grand Vigile qui se rappelait à lui. J’ai garé la fourgonnette du Prisunic en double file devant l’immeuble et faudrait qu’on y aille là, avant que les flics viennent me casser les couilles ! En plus la déchèterie ferme à midi, faut y aller là ! On a encore le ... (silence) , le tapis là à se débarrasser.
J’exigeais de Claude Moine qu'il passe illico-presto mon coffret de Breaking Bad à Monsieur Brusnel. Il était tellement sympathique ce Monsieur Brusnel, il allait bien finir par devenir mon ami. On ne peut devenir qu’ami avec quelqu’un qui vous prête le coffret de Breaking Bad.
Et Tam de la brasserie « l’œil du chat » allait bien finir par quitter Quentin pour être avec moi. J’allais suivre les conseils de Monsieur Brusnel et acheter des Folio et des 10/18. J’aurai même pas besoin de les lire, j’aurais qu’à copier-coller les posts de Poet77.
Quand à ce somptueux coffret encyclopédique du film noir américain 1912-1960 chez l’éditeur Sydonis Calysta que je voulais m'offrir pour les fêtes, DVD Classik me verserait mes 300 € avant Noël pour s'assurer de l'exclusivité de ma chronique "Clouzot = Sterling".
Les choses commençaient à bien tourner. Enfin.
Dans l'après-midi, je reçus un SMS de Marc :








PS : z avé pas vu Sophie





Demain, je regarde "Monsieur Verdoux".
- Vous pourrez me le préter celui là aussi ? me demanda Monsieur Brusnel.
(*1) voir post du 31 février
(*2) voir scènes coupées dans les bonus