David Lynch (1946-2025)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Truffaut Chocolat
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Re: David Lynch (1946-2025)

Message par Truffaut Chocolat »

nunu a écrit : 16 janv. 25, 21:31 Anecdote : ce matin au boulot je fais du vide dans les DVD (je suis bibliothecaire et je m'occupe de la section cinéma a la bibliotehque) qui sont dans notre réserve et je vois Le DVD d'Inland Empire qui n'a plus été emprunté depuis au moins 4 ou 5 ans j'hésite a m'en séparer, je le sors du rayon, le met de coté. 5 minutes après je change d'avis et me dit quand même c'est Lynch, il fait partie des intouchables. Et j'ajoute dans ma tête, je le ressortirais a l'occasion de sa mort. Finalement ca sera demain matin.
Dimanche, on est allé se poser dans un bar au milieu d'un parc, les murs étaient pleins d'affiches rétro avec des pièces de manège (chevaux, voitures) suspendues au plafond. Super lynchien comme lieu. Un couple de vieux beaux vient se poser face à nous, à gauche, je distingue la femme mais le mari seulement de dos et de trois quart, avec pour indices l'épi et la découpe de la mâchoire. Impossible de voir son visage mais comme ça, j'étais persuadé que c'était lui. La corpulence, le look, tout. Du coup, je me suis demandé comment il allait. C'est con mais je me suis vraiment inquiété pour lui. J'espérais que ça aille mieux. Pour moi il est immortel (vraie phrase à la con ça aussi). :cry:
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Mosin-Nagant
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Re: David Lynch (1946-2025)

Message par Mosin-Nagant »

-magik- a écrit : 16 janv. 25, 22:21c’est la première fois que je pleure en apprenant la mort d’une célébrité.
Ça ne sera malheureusement pas la dernière fois, j'en ai bien peur, avec toutes ces légendes encore vivantes ! Juste avant d'apprendre la mort de David Lynch, je regardais Snake Eyes avec son magistral plan-séquence du début. À un moment donné, j'arrête le film et je consulte la page Wikipédia de Brian De Palma pour me rappeler son âge : j'ai pensé "mince, il est à peine plus âgé que mon père" et j'ai alors espéré de tout cœur qu'il reste dans les parages le plus longtemps possible. Je ne sais pas si j'ai eu les yeux embués pour lui ou pour mon paternel, à ce moment-là...
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Mama Grande!
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Re: David Lynch (1946-2025)

Message par Mama Grande! »

J'accueille la nouvelle avec une tristesse toute particulière.

C'était pour moi plus qu'un de mes deux ou trois cinéastes préférés, c'était en quelque sorte le père de ma cinéphilie. Je me souviendrai toujours de cet été 2001, quelques mois avant la sortie de Mulholland Drive dont les extraits diffusés sur Canal + pendant le festival de Cannes me fascinaient tant, où j'avais découvert émerveillé à la suite Twin Peaks Fire Walk With Me, Lost Highway, et Blue Velvet projetés le dimanche matin à 11h au Mk2 Beaubourg. Ces films m'avaient fait peur, m'avaient ému, m'avaient ébloui. Avec Mulholland Drive, je les ai revus un nombre incalculable de fois jusqu'au milieu des années 2000. C'était la rock star de mes années lycée, et inconsciemment je comparais tous les films que je découvrais aux siens: arriverais-je à retrouver la même émotion pure? Le même état de rêve?

J'ai ensuite arrêté de les revoir, jusqu'en 2017 et Twin Peaks The Return: j'ai pris de la bouteille, et je crains que son univers ne m'intéresse plus. Faux, je suis captivé de bout en bout par cette oeuvre testamentaire, qui comme auparavant ses chefs-d'oeuvre me bouleverse et me terrifie à la fois. Je revois quelques années plus tard ses films que j'ai tant revus: je suis surpris de voir à quel point j'en suis imprégné. Presque chaque image, chaque son, est gravé dans mon cerveau. Et pourtant, leur pouvoir de fascination ne faiblit pas. Son univers me parle toujours, et encore aujourd'hui, je cherche au cinéma une émotion qui se rapproche de son cinéma, y compris dans des films qui n'ont a priori rien à voir avec son univers.

Son oeuvre était derrière lui, et vu son âge et ses problèmes de santé, je n'attendais pas de nouvelle oeuvre de sa part. Je dois même dire que je n'espérais pas de nouvelle oeuvre, tant Twin Peaks the Return me semblait être un adieu parfait à son univers. Mais pourtant, devant les incendies de Los Angeles ces derniers jours, je me suis inquiété pour lui comme si je m'inquiétais pour un ami lointain. Devant l'ampleur du désastre, j'avais même honte de penser à une célébrité que j'admire mais ne connais pas personnellement. Et cette mort a beau ne pas être inattendue, en tant que cinéphile, je me sens comme orphelin, plus que si ça avait été un autre grand cinéaste de sa génération. Je pense que désormais en revoyant ses oeuvres, je ressentirai une certaine tristesse en voyant son nom s'afficher au générique, en repensant à l'influence qu'il a eue sur ma cinéphilie et donc sur ma vie.

Adieu Monsieur Lynch. Merci pour tout.
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ziterk2
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Re: David Lynch (1946-2025)

Message par ziterk2 »

Quelle tristesse inconsolable.


Un pan de vie cinéphile très spécial et merveilleux, chargé de souvenirs agrégés au cours de toutes ces années, est en deuil ce soir. Et le restera peut-être en partie pour toujours.

J’associais David Lynch à une des plus belles périodes de ma vie…

Cela doit bien faire 15 ans que je consulte ce forum, et c'est la première fois que je poste.
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John Holden
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Re: David Lynch (1946-2025)

Message par John Holden »

Quasiment 9 posts sur 10 consacrés à David Lynch sur les réseaux sociaux gravitant autour du cinéma.
Sur Instagram, on peut rafraîchir la page pendant des heures, c'est un déferlement. De mémoire de cinéphile, je n'avais jamais vu ça ! Parmi tous ces témoignages touchants, celui de Kyle MacLachlan :


Image
"Il y a des gens qui parlent, qui parlent - jusqu'à ce qu'ils aient enfin trouvé quelque chose à dire." Sacha Guitry (Mon père avait raison, 1936)
"Il y a des gens qui cherchent, qui cherchent - jusqu'à ce qu'ils aient enfin trouvé la capture." Rick Blaine
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-Kaonashi-
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Re: David Lynch (1946-2025)

Message par -Kaonashi- »

Envie de revoir Lost Highway, encore, et Une histoire vraie. Et Elephant Man. Dans le fond ce sont les seuls films de Lynch que j'aime vraiment, pleinement. Et pas qu'un peu.
Découvrir Elephant Man quand j'avais 12-13 ans, en être horrifié et bouleversé, peut-être la première fois de ma vie devant un film...
Découvrir Lost Highway, lors de sa première diff sur Canal+, précédé d'un billet de présentation de Nicolas Boukhrief, puis le revoir au moins 5 ou 6 fois dans les 2 années qui suivent, et réaliser que ça peut aussi être ce type d'expérience, le cinéma.
Découvrir Une histoire vraie au ciné, à sa sortie, un peu craintif vu le sujet, et en ressortir bouleversé et fasciné par tant de beauté dans tant de simplicité.

Pour les autres films, c'est très variable. Toujours pas osé voir Inland Empire, ni la série Twin Peaks..
John Holden a écrit : 17 janv. 25, 08:12 Sur Instagram, on peut rafraîchir la page pendant des heures, c'est un déferlement. De mémoire de cinéphile, je n'avais jamais vu ça !
Ce que tu appelles un déferlement, c'est surtout la force de l'algorithme d'insta, qui ne fait que te suggérer des trucs en lien avec ce que tu viens de regarder...
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tenia
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Re: David Lynch (1946-2025)

Message par tenia »

Ce n'est pas qu'une question d'algo. Il y a en ce moment en Tendances Twitter 806k publications sur David Lynch (+53.4k sur Mulholland Drive, 60.6k sur Blue Velvet), contre 625k sur la Switch 2 (+89.4k sur Mario Kart).

Ce que je retiens personnellement de ce moment, c'est que je n'avais pas vu l'annonce de son décès, j'étais à l'étage à vaquer à mes occupations et c'est ma copine, qui regardait France 5, qui m'a hurlé comme s'il y avait un coup d'Etat en France : "Oh mon dieu vite viens voir, t'es au courant ?... David Lynch est mort". Même elle a senti de qui on parlait en terme de stature, d'influence. Et vu comment je ressens cette nouvelle, le jour où Scorsese décède, je pense que je pose 3 jours de congés.

(et j'essaie de retrouver une interview de lui que j'aime beaucoup, soit par Isabelle Giordano, soit Elisabeth Quin, où la journaliste lui explique à un moment qu'elle possède un tableau peint par lui, et ils commencent à discuter de cela, et lui semble ne pas tout de suite comprendre qu'elle est sérieuse, et que oui, quelqu'un pourrait avoir envie de posséder un tableau qu'il a peint)
Dernière modification par tenia le 17 janv. 25, 09:01, modifié 1 fois.
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Re: David Lynch (1946-2025)

Message par Coxwell »

-Kaonashi- a écrit : 17 janv. 25, 08:50 Envie de revoir Lost Highway, encore, et Une histoire vraie. Et Elephant Man. Dans le fond ce sont les seuls films de Lynch que j'aime vraiment, pleinement. Et pas qu'un peu.
Découvrir Elephant Man quand j'avais 12-13 ans, en être horrifié et bouleversé, peut-être la première fois de ma vie devant un film...
Découvrir Lost Highway, lors de sa première diff sur Canal+, précédé d'un billet de présentation de Nicolas Boukhrief, puis le revoir au moins 5 ou 6 fois dans les 2 années qui suivent, et réaliser que ça peut aussi être ce type d'expérience, le cinéma.
Découvrir Une histoire vraie au ciné, à sa sortie, un peu craintif vu le sujet, et en ressortir bouleversé et fasciné par tant de beauté dans tant de simplicité.

Pour les autres films, c'est très variable. Toujours pas osé voir Inland Empire, ni la série Twin Peaks..
John Holden a écrit : 17 janv. 25, 08:12 Sur Instagram, on peut rafraîchir la page pendant des heures, c'est un déferlement. De mémoire de cinéphile, je n'avais jamais vu ça !
Ce que tu appelles un déferlement, c'est surtout la force de l'algorithme d'insta, qui ne fait que te suggérer des trucs en lien avec ce que tu viens de regarder...
Mon Dieu, ayez pitié de son âme.
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Re: David Lynch (1946-2025)

Message par nunu »

tenia a écrit : 17 janv. 25, 08:58 le jour où Scorsese décède, je pense que je pose 3 jours de congés.
Perso mes colleguès sont deja prévenu que le jour ou Clint y passe je viens pas bosser
« Quand des hommes, même s’ils s’ignorent, doivent se retrouver un jour, tout peut arriver à chacun d’entre eux, et ils peuvent suivre des chemins divergents, au jour dit, inexorablement, ils seront réunis dans le cercle rouge. »
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John Holden
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Re: David Lynch (1946-2025)

Message par John Holden »

-Kaonashi- a écrit : 17 janv. 25, 08:50
John Holden a écrit : 17 janv. 25, 08:12 Sur Instagram, on peut rafraîchir la page pendant des heures, c'est un déferlement. De mémoire de cinéphile, je n'avais jamais vu ça !
Ce que tu appelles un déferlement, c'est surtout la force de l'algorithme d'insta, qui ne fait que te suggérer des trucs en lien avec ce que tu viens de regarder...
Il ne s'agit pas de "trucs en lien", mais d'hommages spontanés, de la part de quasiment tous les contacts et comptes qui me suivent ou auxquels je suis abonné. D'autres disparitions ont eu lieu ces dernières années, avec déjà, comme tu le rapportes, l'effet forcé des algorithmes meta, mais jamais cette impression de cascade d'hommages.
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Re: David Lynch (1946-2025)

Message par Thaddeus »

tenia a écrit : 17 janv. 25, 08:58et j'essaie de retrouver une interview de lui que j'aime beaucoup, soit par Isabelle Giordano, soit Elisabeth Quin, où la journaliste lui explique à un moment qu'elle possède un tableau peint par lui, et ils commencent à discuter de cela, et lui semble ne pas tout de suite comprendre qu'elle est sérieuse, et que oui, quelqu'un pourrait avoir envie de posséder un tableau qu'il a peint
C'était une interview d'Elisabeth Quin datant de 2001, extraite d'une émission de Paris Première. J'avais posté la vidéo Youtube sur le forum mais elle a été supprimée depuis. Elle restera donc désormais à peu près introuvable, sauf à avoir un accès privilégié aux archives de l'INA.
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Mama Grande!
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Re: David Lynch (1946-2025)

Message par Mama Grande! »

John Holden a écrit : 17 janv. 25, 09:28
-Kaonashi- a écrit : 17 janv. 25, 08:50


Ce que tu appelles un déferlement, c'est surtout la force de l'algorithme d'insta, qui ne fait que te suggérer des trucs en lien avec ce que tu viens de regarder...
Il ne s'agit pas de "trucs en lien", mais d'hommages spontanés, de la part de quasiment tous les contacts et comptes qui me suivent ou auxquels je suis abonné. D'autres disparitions ont eu lieu ces dernières années, avec déjà, comme tu le rapportes, l'effet forcé des algorithmes meta, mais jamais cette impression de cascade d'hommages.
En effet, énormément de contacts postent des stories en hommage, y compris certains pas spécialement passionnés de cinéma.
Au-delà des nains qui parlent à l'envers, des pervers fétichistes et des héroïnes tragiques à double visage, David Lynch a surtout été un artiste intègre, qui a réussi à exprimer sa voix singulière sans compromis. Avec ses films, il s'est adressé à nous directement, et ceux qui y ont été réceptifs ont ressenti une proximité immédiate avec l'auteur. Je m'autorise à être triste car, même si je ne l'ai jamais rencontré, par son travail il m'a accompagné et a contribué à ma construction personnelle. Il n'avait pas de projet cinématographique ou télévisuel en préparation, et je peux toujours me replonger à loisir dans son oeuvre. Mais le savoir parti pour un autre monde me laisse quand même un vide, c'est comme ça.
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Vanning
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Re: David Lynch (1946-2025)

Message par Vanning »

manuma a écrit : 16 janv. 25, 21:36 Film magnifique, Une histoire vraie. Je pense d'ailleurs régulièrement à cette bouleversante dernière scène.

Le seul que je n'ai pas vu, c'est son dernier Inland Empire...
Une histoire vraie (1999) est un film inattendu et précieux. Lynch y met son humanité, son être. C'est un film modeste et humble, mais aussi "inspiré" (dans tous les sens du terme) qui va à sept kilomètres à l'heure mais c'est d'une sérénité élégiaque incroyable. Un papy sur une tondeuse à gazon qui traverse le pays par ce moyen pour aller voir son frère, il fallait le faire (le film est basé sur une histoire vraie, comme le suggère le titre). Il y a un côté Lonely are the Brave (Seuls sont les indomptés, le titre français bien connu...). Sur la vieillesse, sur la sagesse (sans que ça soit dogmatique), sur la lenteur et le silence, voilà un film qui fait un bien fou. Richard Farnsworth et Sissy Spacek (cette dernière interprète la fille du premier) sont beaux et leur jeu est tout en sobriété. Les autres acteurs aussi (la rencontre avec la jeune fille qui a fugué). Richard Farnsworth, souvenez-vous, c'était le shériff du conté dans Misery (de Rob Reiner, le film était sorti en 1991). Certains l'auront vu aussi dans un film canadien, un western atypique projeté en salle en 1982 et récemment édité par Carlotta, The Grey Fox (de Philip Borsos), film assez surprenant mais peut-être pas aussi inoubliable que ça... A voir toutefois. Mais Une histoire vraie tout récemment réédité (en 2022) par studiocanal (en Blu-ray et déjà en rupture de stock, tu m'étonnes !) est une pépite absolue. Et comme tu dis, le final est bouleversant. C'est un film qui amène à réfléchir et à aimer la vie, à reconsidérer ce qu'elle est, en tout cas, pour aller à l'essentiel. Car ce film de Lynch, c'est ça pour moi : une attention à l'essentiel, aux antipodes de la bêtise et de la bestialité. Mais aussi un poème philosophique à nulle autre pareille. On pourrait même dire un conte philosophique. Photographie superbe. Plans séquences de toute beauté. Une mise en scène juste et sacrément intelligente.

Par contre, j'ai nettement moins d'affection pour Inland Empire (2006). Lynch avait semble-t-il voulu renouer avec le succès de Mulholland Drive (2001) mais n'y est arrivé que partiellement à mon avis. La métaphore d'Héraclite explique sans doute cet échec commercial et artistique. Il a voulu trop en dire, trop en mettre. Tout donner aussi. En tout cas, le film existe et c'est très bien. Lynch a voulu repousser les limites du cinéma, quitte à caricaturer son propos. D'où le fait que Inland Empire, malgré quelques scènes très réussies, peut paraître insurmontable à l'entendement, à nos sens, à la raison, voire carrément rédhibitoire étant donné que le visionnage fut pour moi le plus éprouvant de tous les films de Lynch (durée : 3 heures, quand même). Une première fois vu au cinéma (voyage pour les yeux avant toute chose), une deuxième fois vu en DVD puis une troisième en Blu-ray. J'avoue que pour cette deuxième et troisième fois, je n'ai pu aller au-delà de la première heure, et parfois je me suis autorisé à sauter quelques chapitres. Ce n'est donc pas un film que je recommanderai, comme ça. Juste à réserver aux fans (mais même ceux là risquent d'être déçus et plus que désorientés...). Dépressifs : s'abstenir.
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Re: David Lynch (1946-2025)

Message par Watkinssien »

Vanning a écrit : 17 janv. 25, 10:00
manuma a écrit : 16 janv. 25, 21:36 Film magnifique, Une histoire vraie. Je pense d'ailleurs régulièrement à cette bouleversante dernière scène.

Le seul que je n'ai pas vu, c'est son dernier Inland Empire...
Une histoire vraie (1999) est un film inattendu et précieux. Lynch y met son humanité, son être. C'est un film "inspiré" (dans tous les sens du terme) qui va à sept kilomètres à l'heure mais c'est d'une sérénité élégiaque incroyable. Un papy sur une tondeuse à gazon qui traverse le pays par ce moyen pour aller voir son frère, il fallait le faire (le film est basé sur une histoire vraie, comme le suggère le titre). Il y a un côté Lonely are the Brave (Seuls sont les indomptés, le titre français bien connu...). Sur la vieillesse, sur la sagesse (sans que ça soit dogmatique), sur la lenteur et le silence, voilà un film qui fait un bien fou. Richard Farnsworth et Sissy Spacek (cette dernière interprète la fille du premier) sont beaux et leur jeu est tout en sobriété. Les autres acteurs aussi (la rencontre avec la jeune fille qui a fugué). Richard Farnsworth, souvenez-vous, c'était le shériff du conté dans Misery (de Rob Reiner, le film était sorti en 1991). Certains l'auront vu aussi dans un film canadien, un western atypique projeté en salle en 1982 et récemment édité par Carlotta, The Grey Fox (de Philip Borsos), film assez surprenant mais peut-être pas aussi inoubliable que ça... A voir toutefois. Mais Une histoire vraie tout récemment réédité (en 2022) par studiocanal (en Blu-ray et déjà en rupture de stock, tu m'étonnes !) est une pépite absolue. Et comme tu dis, le final est bouleversant. C'est un film qui amène à réfléchir et à aimer la vie, à reconsidérer ce qu'elle est, en tout cas, pour aller à l'essentiel. Car ce film de Lynch, c'est ça pour moi : une attention à l'essentiel, aux antipodes de la bêtise et de la bestialité. Mais aussi un poème philosophique à nulle autre pareille. On pourrait même dire un conte philosophique. Photographie superbe. Plans séquences de toute beauté. Une mise en scène juste et sacrément intelligente.
Et une musique sublime de Badalamenti, qui décuple les émotions.
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Spongebob
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Re: David Lynch (1946-2025)

Message par Spongebob »

Difficile d'exprimer la douleur qui habite quasiment tous les cinéphiles de la planète. Je trouve ce texte d'Yves Jaeglé paru dans Le Parisien plutôt juste :
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Mort de David Lynch : ne cherchez pas à le comprendre, apprenez à l’aimer
Le réalisateur américain David Lynch est mort ce jeudi à l’âge de 78 ans. Il laisse une filmographique unique et audacieuse avec plusieurs chefs-d’œuvre comme « Elephant Man » ou « Sailor et Lula » qui ont fait de lui une légende du 7e art.

Par Yves Jaeglé
Le 16 janvier 2025 à 21h41

Est-ce une petite musique, ces quelques notes hypnotiques que créait pour chacun de ses films son compositeur attitré Angelo Badalamenti, parti plus de deux ans avant lui ? Est-ce une image inoubliable pour la vie entière, cette forêt d’une horreur invisible à « Twin Peaks » ? Est-ce cette sensation du Mal absolu et ce frisson de l’extrême beauté qui parcourt l’échine et chacun de ses films ? Ou sa compassion absolue pour l’humanité du monstre dans « Elephant Man » ? Ou sont-ce ces pièces secrètes et inquiétantes de ses films, boîtes de nuit, boîtes noires, crimes emboîtés ?

David Lynch était unique. Le seul poète d’Hollywood, au sens où cet esthète pur et sans concessions, plus proche de l’avant-garde que des blockbusters, a littéralement pris le volant de chacun de ses films et braqué le bolide pour les conduire en grosses productions hollywoodiennes à tombeau ouvert sur l’autoroute poétique et macabre de « Lost Highway ».

David Lynch est mort et nous avons tous perdu quelqu’un. Mais pas la même personne. Pour certains, ce génie protéiforme – il était également peintre et musicien, ayant même tourné en Europe au sein d’un groupe de métal industriel ultra bruitiste – était le visionnaire de « Dune », cette première version, en 1984. Pour d’autres, l’homme qui nous a introduit dans la magie noire du monde, sa beauté folle et sombre de « Blue Velvet ». Et pour nous tous, un grand enchanteur des mythes américains et de leurs faces B. tellement plus sale et effrayante.

« Mulholland Drive », son film le plus énigmatique
Lançons les dés des souvenirs. À la rentrée 2001, le monde et l’Amérique sont si tristes. Il y a eu le 11 Septembre, mais en novembre sort « Mulholland Drive », le film le plus spectaculairement énigmatique produit à et sur Hollywood. Ce n’était pas encore l’âge d’or des réseaux sociaux, mais qui ne se souvient pas des multiples théories fumantes comme la moquette des cerveaux des cinéphiles, pour démêler une histoire sans queue mais pas sans tête ?

Le rébus ou le rêve de deux starlettes hollywoodiennes, dont l’une va triompher grâce à la mafia et l’autre dépérir jusqu’à la mort, la brune et la blonde. Ne cherchez pas à comprendre, apprenez à aimer. Lynch, cet illusionniste ultime, faisait tourner dans son chapeau quelques éléments d’intrigue pour s’attaquer au mythe : qu’est-ce que la beauté des stars, qu’est-ce qui sépare la réussite de l’échec, et qu’est-ce qui fait courir David ?

Comme un poète, il cherchait le surgissement insensé d’une image. Lors des incendies de Los Angeles, nous est revenue cette vision d’un vagabond noirci, comme rescapé d’un brasier, qui surgit sur un parking de L.A. dans « Mulholland Drive ». Une image de fiction de 2001 qui semble témoigner d’un atroce fait divers de 2025. Il suffira d’un signe. Alors que Mulholland Drive, l’avenue réelle et interminable des stars et des mystères, a été léchée et dévorée par les flammes ces jours derniers, seul le mystique David Lynch a-t-il peut-être su pourquoi la vie l’a quitté à ce moment-là, lui qui souffrait d’une maladie pulmonaire.

Le réalisateur avait interprété au soir de sa vie John Ford dans une apparition hallucinée de « The Fabelmans ». Intuition de génie de Steven Spielberg de demander au plus grand avant-gardiste du cinéma populaire américain de jouer le rôle du plus grand metteur en scène de westerns dans son film le plus autobiographique.

Un réalisateur éclectique
Car Lynch a été un grand cinéaste de genres. Avant la balade rurale et contemporaine d’ « Une histoire vraie », lent western où un tracteur-tondeuse fait office de cheval pour le paysan cow-boy qui traverse l’Amérique avant de mourir pour se réconcilier avec son frère, il a tout fait. Fantastique, science-fiction, polar et road-movie dans « Sailor et Lula », Palme d’or 1990 à Cannes, thriller dans « Blue Velvet ». Qui oubliera cette initiation d’un tout jeune homme joué par Kyle McLachlan – le futur détective de « Twin Peaks » – au côté obscur de la force et de la violence incarné par Dennis Hopper avec Isabella Rosselini en beauté souillée, sacrifiée ?

Il a – volontairement ? – commencé et fini sa carrière par ses deux films les plus difficiles, comme on efface ses traces et suivra celui qui pourra, sauvé qui peut. « Eraserhead » (1977), ou le trauma de la naissance, et « Inland Empire » (2006) qui succède au chef chef-d’œuvre « Mulholland Drive » mais décide de faire s’écrouler le château de cartes. Comme quand Lynch a décidé de donner une suite à « Twin Peaks », une troisième saison plus de quinze ans après les deux premières en 2017. Plus d’intrigue policière mais des trouées comme des séquences de rêves.

On se demandera longuement ce qui se trame dans le cœur, le cerveau et les désirs de l’adolescente Laura Palmer, si sage et sulfureuse du village montagnard de Twin Peaks, personnage avec lequel Lynch a inventé les séries modernes. Mais on ne voudrait pas se demander ce qui passe dans les cerveaux des hommes adultes de la série et du film qui en a été tiré, ces comètes noires, le plus grand des crimes.

Lynch était dérangeant parce qu’avec son beau visage d’Américain parfait né dans le Montana, il explorait les pulsions les plus ténébreuses de l’humain. La grâce était si proche du crime, la beauté si voisine de la hideur la plus indicible. Lynch est mort, Laura Palmer aussi comme une innocence massacrée dans le paysage bucolique des cimes américano-canadiennes. « Silencio ». Tout finit par une chanson d’Angelo Badalamenti. Silence. Jamais de happy end mais toujours reprendre au début un film de David Lynch, car sa connaissance des gouffres et de la beauté n’a pas de fin.
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