Je remonte le topic pour donner un avis en contrepoint sur
The Tall Men (les Implacables), visiblement assez peu apprécié dans les avis qui précèdent.
J'ai pour ma part énormément aimé ce film, qui, par un judicieux usage du scope, magnifie les paysages de façon extrêmement grandiose, aussi bien en hiver (le début, superbe, dans la neige) qu'en été (le filmage des troupeaux, qui, si l'on omet quelques transparences malheureuses, privilégie toujours le grand spectacle). Des plans composés de façon vraiment remarquable (je les insèrerai si j'en trouve le temps, mais citons un prêtre mexicain qui bénit une horde de vaqueros en prière, un enterrement au sein du parc de Yellowstone, quelques superbes plans surcadrés de la jolie Miss Russel dans son wagon, et jusqu'à la résolution dans un saloon, qui joue du scope pour un résultat des plus convaincants. Non, franchement,
les implacables est un film visuellement très réussi.
Sur le plan de la comédie, le triangle Robert Ryan-Clark Gable-Jane Russell offre de très nombreux moments de comédie délicieuse, l'érotisme affleure (toute le jeu de la séduction tourne autour de bottes que l'on déchausse ou rechausse, parfois de la plus suggestive des façons). Une chanson en leitmotiv vient ponctuer le film et maintenir la tension amoureuse, tandis que les nombreux personnages secondaires viennent étoffer le vaste récit. Et si Jane Russell trouve là un de ses meilleurs rôles, parait-il, Gable et Ryan ne sont pas en reste, la truculence du premier, soutenue par un age apparent qui vient peut-être en écho de celui du réalisateur, s'opposant à la virilitée plus sophistiquée de Ryan, pour le plus grand bonheur du spectateur, avec des répliques d'anthologie.
S'il faut parler du scénario, en revanche, c'est sans doute cet aspect du film qui déçoit un peu : The Tall Men est, passée une ouverture de 30 minutes dans la neige, un classique récit de transhumance, avec bétail, indiens, et rivières profondes... A mon sens, on est très proche sur le plan formel d'un remake de The Big Trail (le coup du wagon qui franchit la falaise est d'ailleurs repris), mais de la façon dont Walsh a souvent repris et enrichi ses propres films, en y apportant, par l'expérience, plus de matière, un récit plus souple et plus sensible.
D'ailleurs, les séquences de comédie qui émaillent le film (une grenouille dans un bain, un incessant jeu de provocation de J.Russell à l'intention de Gable, sans parler de la façon dont l'opposition est balayée), en font un film qui dépasse sa structure narrative, et dont l'intérêt est ailleurs. Plutôt dans la façon dont il exploite ce parcours pour nous conter son récit de séduction. Du coup, le savoir-faire acquis par Walsh permet d'offrir de belles scènes d'action, mais sans trop que l'on s'y intéresse, parce que ce sont des péripéties connues. Walsh préfèrera s'attarder sur ses protagonistes.
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- (par exemple une rencontre avec des bandits traitée en 10 minutes vaut surtout par les 10 minutes autour de la rencontre qui opposent deux façons de faire, l'un souhaitant acheter son passage, l'autre passer en force, le tout sous le regard évaluateur d'une femme qui n'a pas encore fait son choix)
A tout cela s'ajoute un score élégant et lyrique, qui accompagne l'action et ménage les séquences intimes avec délicatesse. Non, franchement, pour moi,
les Implacables est une très grande réussite, pas un petit Walsh : sa maîtrise transparait dans chacun de ses plans.