Contagion (Steven Soderbergh - 2011)

[Max Schreck]

Le film se regarde sans ennui, mais je le trouve un peu desservi par les choix pourtant courageux du réal de rester sur un point de vue distant, tenant plutôt du constat froid et implacable. La volonté de crédibilité scientifique fonctionne bien, parce qu'on n'a pratiquement jamais l'impression d'assister à des comportements improbables comme on en trouve systématiquement dans le cinéma catastrophe. Pourtant, on n'est pas non plus dans du cinéma-vérité glaçant à la Peter Watkins, mais dans du spectacle hollywoodien rondement mené.

Avec son casting trois étoiles, Contagion aurait facilement se la jouer film choral mélodramatique, mais là encore, il y a un vrai refus de sombrer là-dedans. Du coup, j'ai eu l'impression d'assister de loin à un spectacle pourtant édifiant, où le réal a volontairement cherché à tenir l'émotion à distance, se contentant de la suggérer. Cette délicatesse est tout à son honneur, et elle fonctionne bien mais les personnages semblent en contrepartie manquer de développements, alors qu'ils vivent pratiquement tous des dilemmes intéressants (Cotillard est par exemple trop vite escamotée, de même que Damon, et je n'ai toujours pas compris les motivations de Jude Law). Peut-être que le film aurait mérité d'être plus long, et d'être en cela l'équivalent de Traffic appliqué au phénomène de la pandémie. Tous les thèmes sont présents (paranoïa, sens du sacrifice, pressions politiques et économiques), et je pense qu'il ne manquait pas grand chose pour y injecter un peu plus d'âme. Après c'est tout à l'honneur de Soderbergh de ne pas avoir voulu appuyer sur le pathos.

Bref, le film est plutôt ambitieux, et témoigne surtout d'un impressionnant savoir-faire de conteur, mais j'en suis sorti sans trop de fièvre (surtout après son épilogue redondant et ironique).

[Major Tom]

On en parle beaucoup, sauf ici. Mais je comprends, ça n'évoque pas Polanski, Allen, ni un cinéaste dénoncé par Haenel ou en procès médiatique, et on risque même de déraper en parlant de cinéma, c'est normal d'hésiter.

Blague à part, pour les raisons prophétiques qui lui sont accordées en ce moment, la page principale de ma boîte mail (Yahoo), et plus généralement les sites de niouz, aiment relayer l'information selon laquelle ce fameux Contagion connaît aujourd'hui un sacré regain d'intérêt à cause de, vous-savez-quoi. J'avoue qu'au moment où on nous informait, en début d'année, que les scientifiques ont retracé la généalogie du virus et qu'il proviendrait de la chauve-souris, j'ai pensé automatiquement à ce film et j'ai sauté sur l'occasion pour le revoir le mois dernier.

Hissé à présent dans le top 10 des films les plus téléchargés sur iTunes et des longs-métrages les plus populaires sur Netflix (et nouvelle star des films les plus piratés ; avec une estimation à plus de 25.000 téléchargements par jour fin janvier), Contagion, film anxiogène qui, par sa forme d'avertissement à travers son traitement réaliste d'une menace invisible et incontrôlable, connaît donc actuellement une belle seconde vie. Notamment chez les spectateurs qui aiment se faire peur. En revoyant ce film, on se dit que la réussite de Soderbergh est de parvenir, en moins de deux heures, à analyser les rouages et de filmer, de façon clinique, les interactions entre différents points de vue, qu'il s'agisse des médias, des blogueurs merdeux désinformateurs et complotistes (excellent Juan Bran... Jude Law), des médecins et chercheurs de l'OMS qui parfois sacrifient leurs vies, ou encore de la population et notamment les réactions de foule en cas de catastrophe.

Loué pour son exactitude scientifique en son temps, le film était flippant de réalisme déjà bien avant le Coronavirus, et ce topic le rappelle...

J'entendais à la tv qu'on pouvait ressortir de la salle traumatisé au point de regarder autour de soi au moindre toussotement, j'avais un peu de mal à y croire. Pourtant, c'est ce qui m'est un peu arrivé ce matin après la projection. Je suis peut-être bon public, naïf, mais j'adhère complètement à ces histoires d'apocalypse bactériologique.

Je trouve cependant la deuxième moitié nettement moins captivante après une première très réussie (et je n'ai jamais trop cru à la partie "enlèvement de Cotillard" qui n'apporte rien). Le film devient alors un peu mou du genou, mais Soderbergh le sauve avant la fin, par un épilogue montrant l'origine du Coro... du virus.

Le film évoque aussi l'effondrement économique qui en découle, avec scènes montrant panique et magasins dévalisés de rigueur. Et à l'heure actuelle où le Coronavirus affole l'économie mondiale et que le papier-cul connaît son "moment Nutella" (coïncidence?) mais qu'on se rassure en se rappelant qu'en cas de pénurie de PQ, il y aura toujours les livres de BHL, Contagion résonne de façon encore plus sinistre...

Enfin comme je l'ai rappelé précédemment, à l'époque de sa sortie le film de Soderbergh fut considéré comme une réussite sur le plan scientifique, et des spécialistes avaient salué son réalisme et ses qualités pédagogiques, comme l'évoquait ici-même Eusebio Cafarelli :

Le film plait au monde médical
http://www.lemonde.fr/planete/article/2 ... SS-3208001

il y a des raisons
http://www.lemonde.fr/planete/article/2 ... SS-3208001

[O'Malley]

Je ne l'ai pas encore vu alors qu'il m'intéresse beaucoup depuis sa sortie salles... mais je vais quand même attendre que l'épidémie se calme et que nous passons à autre chose: les médias me suffisent très largement en ce moment pour ne pas en remettre une couche...

[tenia]

Je n'ai jamais compris en quoi le film plairait à "ceux qui aiment se faire peur".
Il est tellement clinique et méthodique, avec aussi des rappels clairs et factuels sur les méthodes de propagation puis de combat médical du virus qu'il rend au contraire tout beaucoup plus clair, avec en plus un corps médical bravant tous les risques pour aller au plus vite et un méchant complotiste capitaliste traité comme tel.

Accessoirement, le virus qui y est montré est éminemment plus mortel que le Covid19, ce qui aurait tendance à rappeler le délire absolu dans lequel on est actuellement. Dans 5 ans, on regardera dans le retro en se disant "et dire que c'était juste une sorte de forme différente de grippe."

Sinon, je n'ai jamais compris non plus l'utilité de l'intrigue avec Cotillard. Ou du moins si : elle permet de traiter de l'internationalisation des épidémies et du cynisme de l'industrie et des gouvernements vis-à-vis des moins fortunés, mais elle est tellement peu traitée (contrairement à l'intrigue de Jude Law par ex) que ça devient très vite superficiel et donne l'impression d'avoir été intégré au chausse pied.

[Alexandre Angel]

J'avoue qu'au moment où on nous informait, en début d'année, que les scientifiques ont retracé la généalogie du virus et qu'il proviendrait de la chauve-souris, j'ai pensé automatiquement à ce film

Je suis même étonné que le topic ne soit pas remonté plus tôt.
Pas mon Soderbergh préféré toutefois...

[Rick Blaine]

Pas mon Soderbergh préféré toutefois...

Il y a tant de films que j'aime chez Soderbergh que moi non plus, ce n'est pas mon "préféré", mais c'est tout de même un film sacrément solide, avec un récit d'une densité impressionnante et une froideur saisissante. J'avais beaucoup aimé.

[odelay]

Le film arrive en top des plus téléchargés en ce moment. J'ai le blu ray, mais pas trop envie de le revoir, pour moi aussi toute l'ambiance autour de nous en ce moment est bien assez pesante comme ça. D'ailleurs les prix du BR commencent à monter vu l'engouement. J'en garde un bon souvenir cependant même si ce n'est pas non plus mon Soderberg préféré. Tiens je vais me refaire Trafic plutôt.

[tenia]

C'est en tout cas intéressant de revenir sur certains avis d'époque sur le film qui le trouvait peu crédible sur certains points... et finalement, il s'est avéré à peu près totalement prophétique, notamment sur le perso de Jude Law (qui s'avère finalement bien gentillet par rapport à la liste interminable de conneries qu'on trouve sur le SARS-CoV-2).

Sur ce point :

En l'état cette découverte ne prend pas quelques jours, mais plusieurs mois. La chronologie du film est très claire là-dessus en indiquant fréquemment le nombre de jours passés depuis le début de la contagion.

Spoiler (cliquez pour afficher)

Peut-être que je me trompe mais la découverte du virus (et pas la distribution qui a lieu effectivement au bout de quelques mois) est faite vraiment rapidement (moins de 3 semaines je crois bien).

Spoiler (cliquez pour afficher)

La découverte d'un vaccin potentiel dans le film arrive au 29e jour, ce qui n'est pas très éloigné de ce qui se passe pour le SARS-CoV-2, dont les premiers essais cliniques vont débuter ce mois-ci. C'est surtout qu'ensuite, une chercheuse se l'administre à elle-même en dépit de toute règle médicale de base, ce qui rend à partir de là la chronologie très cinématographique, d'autant qu'elle semble éluder complètement les essais cliniques grandeur nature et passer directement à la distribution. Celle-ci commence un peu après le 131e jour et un extrait de JT indique qu'il faudra 1 an pour que les doses soient disponibles à plus large échelle (nationale ou mondiale, ce n'est pas précisé). A ce moment du film, il y a aussi eu 2.5m de morts aux USA et 26m à l'échelle mondiale : logique, puisque si le film est en partie basée sur le SARS-2003, il est surtout basé sur le Nipah Virus et son taux de mortalité de 45 à 90%.

Le point limitant dans la mise à dispo d'un vaccin, cependant, n'est pas forcément sa découverte (qui peut donc être relativement rapide) mais les étapes de validation ensuite en vue d'une mise sur le marché : il faut plusieurs mois pour pouvoir déclencher les essais cliniques humains, puis plusieurs mois de nouveau pour une mise sur le marché - si tant est que les essais ont clairement fonctionné (ce qui peut être le vrai frein dans certains cas - voyez Ebola). Donc pour un vaccin qui commence à être testé sur les humains au bout de 3 mois, il faudra généralement 18-24 mois avant de le voir sur le marché.

[Addis-Abeba]

Pas mon Soderbergh préféré toutefois...

Il y a tant de films que j'aime chez Soderbergh que moi non plus, ce n'est pas mon "préféré", mais c'est tout de même un film sacrément solide, avec un récit d'une densité impressionnante et une froideur saisissante. J'avais beaucoup aimé.

Et une bande sonore géniale de Cliff Martinez.

[mannhunter]

Devant le succès du film presque dix ans après sa sortie, Hollywood vient d'annoncer une suite et un reboot!

[Spike]

J'avoue qu'au moment où on nous informait, en début d'année, que les scientifiques ont retracé la généalogie du virus et qu'il proviendrait de la chauve-souris, j'ai pensé automatiquement à ce film et j'ai sauté sur l'occasion pour le revoir le mois dernier.

Le film est inspiré de l'épidémie de SRAS de 2002-2004. Le SRAS était lié à un coronavirus provenant à l'origine de chauve-souris (tout comme le COVID-19 actuel).

[Addis-Abeba]

J'avoue qu'au moment où on nous informait, en début d'année, que les scientifiques ont retracé la généalogie du virus et qu'il proviendrait de la chauve-souris, j'ai pensé automatiquement à ce film et j'ai sauté sur l'occasion pour le revoir le mois dernier.

Le film est inspiré de l'épidémie de SRAS de 2002-2004. Le SRAS était lié à un coronavirus provenant à l'origine de chauve-souris (tout comme le COVID-19 actuel).

Plutôt la Civette pour le SRAS, déjà la Chine, il va falloir qu'ils trouvent une solution, avec leurs conneries.

[tenia]

Plutôt la Civette pour le SRAS, déjà la Chine, il va falloir qu'ils trouvent une solution, avec leurs conneries.

Pas tant eux que les Occidentaux qui sont les principaux responsables de la déforestation (principalement à cause de leur consommation d'huile de palme, mais pas que) et qui amène de plus en plus les humains à cohabiter avec les chauve-souris, véritables dormoirs à virus grâce à un système immunitaire bien plus efficace que le nôtre (relativement naze sur le sujet). Mais c'est une autre histoire.

[Mama Grande!]

J'avais loupé son passage en salles mais dès le début de la situation actuelle je me suis rappelé de son existence. J'ai été dans un premier temps surpris de le voir en liste Netflix des films les plus vus, le pensant complètement tombé dans l'oubli. Puis je me suis rappelé qu'on regardait tous les mêmes algorithmes à longueur de journée...

J'ai donc fini par regarder le film et si, comme Trafic, c'est une sorte de film dossier assez sec et explicatif sans vraiment d'émotion ou de personnage fort, chaque jour qui passe me renvoie à des scènes ou images. Pas un chef-d'oeuvre, mais diablement efficace et bien documenté.
Ah sinon oui, l'intrigue avec Marion Cotillard est ridicule.

[Addis-Abeba]

Plutôt la Civette pour le SRAS, déjà la Chine, il va falloir qu'ils trouvent une solution, avec leurs conneries.

Pas tant eux que les Occidentaux qui sont les principaux responsables de la déforestation (principalement à cause de leur consommation d'huile de palme, mais pas que) et qui amène de plus en plus les humains à cohabiter avec les chauve-souris, véritables dormoirs à virus grâce à un système immunitaire bien plus efficace que le nôtre (relativement naze sur le sujet). Mais c'est une autre histoire.

Cohabiter et bouffer c'est pas la même chose, la Civette a était interdit à la consommation par le gouvernement Chinois après l'épidémie de SRAS.
Sinon je suis d'accord avec toi bien sûr, ce malade mental de Jair Bolsonaro qui est train de tuer l'Amazonie en est un parfait ex.