Voilà un film que je ne cesse de retourner dans ma tête sans savoir par quel bout le prendre. Curieux combat entre l'historienne, la spectatrice et la fan de la biographie de Stefan Zweig. En sortant de la salle, mes attentes (forcément énormes) étaient déçues, mais le film fait petit à petit son chemin dans ma tête, me rappellant toutes ses qualités. J'essaie d'oublier ce que j'aurai voulu voir pour accueillir ce que Sofia Coppola propose, "sa" Marie-Antoinette.
Un film de jeune fille qui s'ennuie de plus? Pas sûr. Cette fois, la cage est dorée mais ressemble plutôt à une vierge de fer. La jeune Marie est arrachée à sa famille sans espoir de retour, scrutée par la famille royale et toute la cour qui pose en sa présence des pronostics sur ses qualités de "pondeuse royale". L'étiquette, censée assurer aux princes un service de qualité, ne fait que les enchaîner (merveilleuse scène de la chemise).
Le mariage (entre deux adolescents de 14 et 15 ans) peinant à être consommé, Marie-Antoinette doit affronter les remarques non dissimulées des membres de sa famille et le harcèlement épistolaire de sa mère. Ces violences constantes, montrées en alternance avec le rituel immuable de Versailles (le lever, la messe, le repas en public) installent une atmosphère à la fois étouffante et plate. On comprend que dans ce monde, le moindre ragot occupe des centaines de personnes durant des jours entiers.
Marie-Antoinette plonge dans les plaisirs que lui autorise l'étiquette: les sucreries, l'alcool, la mode. Ces scènes, sur fond de musique très contemporaine, dégagent une infinie tristesse et semblent rehausser le malaise de la jeune reine. Griserie, jeu, danse ne sont que des façons pour elle d'oublier qu'elle est seule dans ce pays. Et que le lendemain, le réveil (et la gueule de bois) la replongera dans la réalité.
Sofia Coppola lance sans cesse des ponts entre cette époque et la notre: la recherche du plaisir immédiat dans lequel on se noie, la consommation, les ragots. Mais je n'ai pas vu les Converses controversées
Lorsque la reine quitte Versailles pour le petit Trianon, elle construit cette "bulle" dans laquelle elle peut se permettre d'être elle-même. Véritable souffle dans le film, c'est aussi le moment ou Sofia Coppola semble "lâcher"l'évolution de son héroïne et place un épisode qui fait flop: la love story avec le bellâtre suédois Fersen. C'est là que le scénario révèle ses faiblesses. Le personnage était apparu dix ans plus tôt, revient comme un cheveu sur la soupe, emballe la reine et hop ,disparaît. La fin du film ensuite, est plus lâche, présentant les dernières années avant 1789 par petites touches, jusqu'aux journées d'octobre où la famille royale est contrainte de quitter Paris. Ce choix est logique, Sofia C. suit son héroïne jusqu'à ce qu'elle choisisse d'abandonner son adolescence en se comportant en adulte et en reine. Mais le traitement est un peu maladroit.
J'ai relevé dans le film quelques incohérences historiques dont je suis sûre qu'elles sont volontaires
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- pourquoi avoir représenté le cortège funèbre du petit Dauphin sous les feuilles d'automne alors qu'il est mort en juin, sinon pour le supplément de mélancolie que cela donne à la scène?
et qui finalement ne changent rien au fond du sujet.
Dès l'annonce du casting, grosse frayeur: honnêtement, Kirsten, j'en suis pas fan. Ouf, les premières minutes du film ont levé mes craintes. Elle incarne à merveille Marie-Antoinette, fraiche, coquette et mélancolique à la fois, révélant même un joli talent pour danser le menuet.
Autre point positif dans le casting, Jason Schwartzman en Louis XVI(dommage qu'il soit si petit, mais ça n'est qu'un détail) Jeune homme maladroit et timide, marié à 15 ans, roi à de France à 19, aimant la tranquillité et les travaux manuels, il ne sera pas le prince charmant dont rêvait la jeune archiduchesse. Cependant, le film montre comment se tisse une relation très touchante entre ces deux individus, mariés pour le bien de leur pays et obligés de produire un héritier pour garantir la pays et l'avenir du royaume.
Les second rôles sont plus anecdotiques, le film étant centré sur Marie-Antoinette. Les développer sans plomber considérablement un film déjà dense me semble très difficile.
Versailles et ses jardins sont magnifiquement filmés, toute la photographie est superbe. Aah, voir le soleil se lever dans l'herbe, sur le bord d'un bassin...
C'est un film dense, faussement léger, qui va continuer à tourner dans ma tête un bon moment, je pense (rétro-analyse dans quelques mois?)