Anthony Mann (1906-1967)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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homerwell
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Re: Anthony Mann

Message par homerwell »

Sybille a écrit : Comme j'ai découvert trois westerns d'Anthony Mann cet été, mes préférences iraient en premier à The man from Laramie, suivi de The far country, et enfin Bend of the river. Pour moi c'est un très bon film, mais sans savoir pourquoi, je l'ai moins apprécié que les deux autres. Et je n'ai pas encore vu The naked spur, L'homme de l'Ouest...
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Sybille
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Re: Anthony Mann

Message par Sybille »

homerwell a écrit :
Sybille a écrit : Comme j'ai découvert trois westerns d'Anthony Mann cet été, mes préférences iraient en premier à The man from Laramie, suivi de The far country, et enfin Bend of the river. Pour moi c'est un très bon film, mais sans savoir pourquoi, je l'ai moins apprécié que les deux autres. Et je n'ai pas encore vu The naked spur, L'homme de l'Ouest...
Alors n'oublie pas Winchester 73 :wink:
En effet ! Je l'avais oublié celui-là. Et pourtant j'aimerai beaucoup le voir. :P
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Re: Anthony Mann

Message par someone1600 »

Alligator a écrit :Bend of the River (Les affameurs) (Anthony Mann, 1952) :

Néanmoins la réalisation est toujours d'aussi haute tenue, le technicolor de Warner est magnifique et certaines scènes de nuit sont particulièrement léchées. Du bon et beau spectacle.
Le technicolor est magnifique en effet, mais ce n'est pas un Warner, un Universal je crois... :?

Mais excellent film en tout cas, comme le reste de la quinté western Mann/Stewart qui sont tous de haut niveau. :wink:
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Re: Anthony Mann

Message par Alligator »

someone1600 a écrit :
Alligator a écrit :Bend of the River (Les affameurs) (Anthony Mann, 1952) :

Néanmoins la réalisation est toujours d'aussi haute tenue, le technicolor de Warner est magnifique et certaines scènes de nuit sont particulièrement léchées. Du bon et beau spectacle.
Le technicolor est magnifique en effet, mais ce n'est pas un Warner, un Universal je crois... :?
En effet, j'ai confondu avec Mister Roberts que j'ai vu juste avant.
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Re: Anthony Mann

Message par Huw Morgan »

Sybille a écrit :
homerwell a écrit :
Alors n'oublie pas Winchester 73 :wink:
En effet ! Je l'avais oublié celui-là. Et pourtant j'aimerai beaucoup le voir. :P
J'ai le même ordre de préférence que toi (une grande découverte que The Man from Laramie au cinéma il y a 2 ans et je conseille vivement pour les fans de ce film la petite brochure http://livre.fnac.com/a1576461/Bernard- ... ntony-Mann). La vision récente de The Naked Spur n'a pas changé ce petit top perso quoique ça m'est apparu comme un film plus intériorisé donc moins accessible peut être.
En revanche, j'ai découvert Devil's Doorway (antérieur) avec Robert Taylor et aussi bien la force du récit que la photographie N&B magnifique m'ont subjugué (la petite histoire veut que ce soit en voyant ce film que James Stewart entrepris sa collaboration avec Mann). Je le conseille vivement.
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Re: Anthony Mann

Message par Alex25 »

Huw Morgan a écrit :[ En revanche, j'ai découvert Devil's Doorway (antérieur) avec Robert Taylor et aussi bien la force du récit que la photographie N&B magnifique m'ont subjugué (la petite histoire veut que ce soit en voyant ce film que James Stewart entrepris sa collaboration avec Mann). Je le conseille vivement.

Je reve de redecouvrir ce film vu dans mon enfance et dont certaines scènes sont restées dans ma mémoire....J attends toujours le DVD et c est long.. :evil:
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Re: Anthony Mann

Message par Alligator »

The Furies (Anthony Mann, 1950) :

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_______________

Il me fauda y retourner sur celui-là, je n'ai pas l'impression d'avoir bien suivi. L'édition Criterion est superbe, mais la vivacité des dialogues et les particularités vocabulaires du grand ouest, associés à un accent et une diction des personnages pour le moins colorés m'ont fait perdre parfois la subtilité des échanges.
Mon état de fatigue en cette fin de soirée m'a bien malmené ensuite.
Bref, je ne suis pas certain d'avoir bien tout assimilé et entendu.

J'ai bien compris que le film est d'une richesse toute Mannienne, encore que je le suppose même plus profond encore qu'à l'habitude. L'action n'a finalement que peu de place ici devant la très ambigüe relation père-fille qui lie Walter Huston et Barbara Stanwyck.
Western très psychologique, quasi incestueux, très affectif dirons-nous pour couper court à quelque chose que je ne maîtriserai pas tant que je ne le reverrai pas.
Même si j'étais pas loin de comater (j'exagère un chouïa pour fleurir le propos), j'ai quand même bien remarquer la fin gachée, j'ai envie de dire baclée, n'ayons pas peur des mots.
Spoiler (cliquez pour afficher)
On a l'impression désagréable que le happy-end arrive de manière peu crédible. Comment Vance peut-elle "oublier" l'atroce assassinat de son ami-amour Juan, en pardonnant en deux coups de cuillère à pot à ce père qui l'a reniée sans remords, pour ne pas lui léguer les Furies. Un père qui semble avoir des sentiments qui volent du noir au blanc en un éclair sans la moindre profondeur, sans le commencement d'un regard critique sur celles et ceux qui l'entourent, ni encore moins sur lui-même.
J'ai été étonné par la photographie par moments extrêmement sombre. Les silhouettes, plutôt les légers halos de pâleur dans les ténèbres offrent un curieux spectacle de spectres et sons mystérieux, inquiétants fantômes ou monstres tapis. C'est plutôt couillu de prendre de tels risques de mise en scène pour un western.

Bref, un très intéressant western, de ceux qu'on évoque avec respect mêlé d'admiration, de ceux qui haussent le genre au plus haut. Plus qu'un très grand western, c'est un très grand film. Un film important, c'est pourquoi je le reverrais bien volontiers.
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Jeremy Fox
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Re: Anthony Mann (1906-1967)

Message par Jeremy Fox »

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Du sang dans le désert (The Tin Star) 1957

Basé sur une intrigue plus conventionnelle, ne possédant ni l’ampleur ni l’intensité des westerns de la série avec James Stewart, Du sang dans le désert n’en demeure pas moins un très beau film assez rare et méconnu. Son histoire est celle de Morgan Hickman (Henry Fonda), un chasseur de primes qui vient toucher la prime promise pour la capture d’un hors-la-loi. Devant l'hostilité générale de la population de la ville, il trouve refuge pour la nuit chez une veuve et son fils tenus à l’écart à cause du racisme ambiant (la "logeuse" est la veuve d’un Indien). Le lendemain, il sauve la vie du jeune shérif du lieu, Ben Owens (Anthony Perkins), ce dernier lui proposant de devenir son adjoint et de lui apprendre son métier. Mais Hickman refuse dans un premier temps en lui dévoilant quelques bribes de son passé ; il fut un shérif dont la femme et l'enfant sont morts de maladie parce qu'il n'avait pas d'argent, ce qui le fit devenir "Bounty Hunter"... Une belle histoire d'amitié et d’apprentissage entre un chasseur de primes vieillissant, hanté par son passé, et un jeune shérif naïf, gauche et inexpérimenté qu'il prend sous son aile. Un beau western psychologique, sensible et humain, qui n'a plus grand chose à voir avec la série qu’Anthony Mann réalisa avec James Stewart mais tout aussi impressionnant plastiquement parce que le réalisateur ne laisse rien au hasard et que sa science du cadrage touche encore une fois à la perfection (quels magnifiques plans larges dont ceux, identiques, qui débutent et clôturent le film !). Même sil s'agit cette fois ci, à l’exception de la chasse à l’homme mouvementée dans les montagnes, d'un western "en chambre", la nature faisant place ici à une petite ville de l’Ouest et sa communauté bouillonnante et brutale. Le cinéaste prend son temps, flâne avec le taciturne Henry Fonda et ses hôtes (une femme et son jeune enfant métis qu’elle a eu avec un époux indien) mais ne nous ennuie pas une seconde car, outre un scénario parfaitement rythmé, rigoureux et intelligent de Dudley Nichols (auteur entre autre de Stagecoach de John Ford), une musique très réussie d'Elmer Bernstein et un somptueux noir et blanc, il tient à sa disposition un duo d'acteur épatant accompagné d’un attachant John McIntire dans le rôle du médecin. Henry Fonda est parfait dans la peau de cet homme qui va éveiller la mauvaise conscience de la ville dans laquelle il arrive ; mais la plus grande surprise vient d’Anthony Perkins à qui le rôle de ce jeune shérif va comme un gant. La maladresse de l'acteur s'accorde parfaitement avec celui de son personnage. Anthony Mann dira d’ailleurs à son propos : « Tony a d'énormes possibilités mais il a besoin d'être guidé et conseillé comme son personnage dans le film. » Anthony Mann en profite pour décrire l’antagonisme entre deux conceptions différentes de la loi. The Tin Star aura été le seul film du grand réalisateur américain à avoir été nommé pour les Oscars, pour son scénario humaniste et antiraciste, d’une grande noblesse de sentiments. Sans atteindre des sommets, il fallait profiter de The Tin Star car les westerns suivants du cinéaste ne seront malheureusement jamais plus de cette trempe.
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Re: Anthony Mann (1906-1967)

Message par Strum »

A noter que The Tin Star aurait fait partie des 100 films préférés d'Akira Kurosawa.
Nestor Almendros
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Re: Anthony Mann (1906-1967)

Message par Nestor Almendros »

Posté par L'étranger le 28 juillet 2004

Les affameurs de Anthony Mann

Que dire, encore un petit bijou à ajouter à la filmo de A.Mann, l'histoire est, somme toute, assez simple mais la réalisation magique de Mann fait toute la différence lorsque que l'on suit les aventures de James Stewart et de ses accolytes. Cet acteur qui avait pris l'habitude de représenter avec brio l'homme moderne (chez Capra notament), c'est retrouvé sous la direction de Mann (et plus tard de Daves) pour jouer le rôle d'un cowboy-aventurier qui lui sied à merveille...alors que ce n'était pas une évidence (je ne l'avais pas trouvé trés convaincant dans Destry rides again...mais faudrait peut-être que je le revois :? ).

Un bon 8.5/10 pour ce duo réal/acteur mythique!


Posté par Max Schreck le 7 décembre 2004

Bend of the river (Les Affameurs), Anthony Mann, 1952

Second des cinq westerns Mann/Stewart. On y croise un Arthur Kennedy éblouissant, qui forme avec Stewart un chouette duo sympathique. Les deux hommes ont un passé de bandit, ils connaissent la valeur l'un de l'autre sans le juger uniquement sur ses erreurs passées (j'aime bien ces westerns où les personnages charient avec eux le poids du passé, se faisant reconnaître partout où ils passent parce que leur nom est quasiment déjà entré dans la légende). Rôle ingrat et assez inutile de Rock Hudson, tout jeunôt, que l'acteur ne parvient jamais à transcender.
Derrière la passionnante description — presque documentaire dans son observation — de la difficile vie des pionniers, au-delà du film d'aventure trépidant, Mann trouve ici le terrain idéal pour une réflexion aussi simple que profonde sur la dualité humaine, la corruption des coeurs (causée ici par la découverte de l'or) et le droit à l'amendement. Ce que j'adore chez ce cinéaste, c'est sa façon de faire soudain surgir la cruauté et la violence la plus inattendue dans un film au rythme a priori si paisible. On pourra à la rigueur regretter que le suspense disparaisse un peu dans le dernier quart du film, s'acheminant alors vers un happy end sans surprise.
Un très beau film, riche en émotions et en chaleur humaine.


Posté par Bruce Randylan le 29 janvier 2005

Avec le petit arpent du bon dieu, Anthony Mann rejoint le club - assez fermé - de John Woo (The killer ), Wong Kar Wai (Chungking Express ), Welles (la soif du mal ), Hideaki Anno ( Evangelion ), Minnelli ( Brigadoon ) et Tarkovsky (Andrei Roublev ) des réalisateurs dont j'ai l'impression d'avoir compris l'univers instantanément sur un film que je pourrais classer de révélation divine

Spoiler

Dans ce film atypique et anticonformisme, Mann joue avec les codes et les genres pour mieux embarquer le spectateur sur des terres inconnues au point qu’il est impossible de prévoir l’évolution du film : on commence en comédie absurde, on vire dans le drame suintant de sexualité à Tennessee Williams, on passe au film social avant de braquer dans la tragédie grecque.
Le lien dans tout ça ? le corps, le cœur, l’âme. L’homme donc.
Avec une gallerie de personnages comme il les présente ( quasiment les Redneck chèrs à Randy Newman ), on pourrait croire que tout ça va pointer du doigt une mentalité, tomber dans le cliché et le stéréotype. Mais non. Mann a le l’intelligence de ne jamais juger ses personnages. Ils parvient à faire ressortir la beauté qui s’émane de chacun ( une quête vers la dignité, la reconnaissance des siens surtout de ses pères, une recherche de la pureté ). Pour y parvenir, Mann choisit des armes imparables. Pas un armée de mot, ni une légion de scènes explicatives ( au contraire ), ni un régiment de sentimentalisme mais sa caméra.
Rarement un film aura su utiliser avec tellement de génie le décor, l’espace visuelle, le (re)cadrage, la lumière, la profondeur de champ pour structurer et modeler ses plans en différentes strates ( chaque plans possède au moins un 1er et un second plan opposant et séparant les personnages entre eux ou un personnage entre son environnement ou les 3 ) qui viennent enfermer les personnages dans une réalité qu’ils ne comprennent pas et qui les assassine littéralement ( cf Aldo Ray ). De la même manière, le jeu ( la Danse ? ) entre la caméra et le placement des personnage orchestre une véritable partie d’échec incroyable dans le sens où chaque recadrage de l’action à l’intérieur de plans ( particulièrement longs ) vient apporter une nouvelle lecture à l’ensemble ( très éloquent sur l’avant dernière scène )
C’est donc une humanité terriblement poignante qui se trouve au centre de chaque scène. Deux anciens amants se retrouvant dans l’obscurité nocturne, un père retournant chez son fils devenu son anti-thèse, un fermier suivant un Albinos avec un bâton entre les mains, une femme demandant à sa rivale de l’aider, un hypothétique shérif conscient de se faire mener par le bout du nez… et que dire de ce I Know à la fin de la sublime séquence de la séquence où Aldo Ray rallume l’usine ) !

Anthony Mann, tu viens de rentrer sur ma liste noire de génie écœurant de talent. T’as de la chance d’être mort… J’ai aussi de la chance que tu sois mort en 1967, je peux être ta réincarnation…


Posté par Ducdame le 29 décembre 2007

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The Great Flamarion La Cible Vivante (Mann 1945)

Un film de Mann , ça ne se refuse jamais. Même de série B, même un petit thriller bien sombre. Et ici, eh bien, c'est un bijou!

L'action se déroule de Mexico à Mexico en passant par San Francisco ou Chicago. Elle raconte l'histoire de Flamarion, le Grand Flamarion, artiste aux théatres des variétes urbains où façon Guillaume Tell, il présente un numéro de tir sur cibles mouvantes, ses deux comparses Connie et son mari Al. C'est pas un rigolo, Flamarion: un gars fermé à double tour, méticuleux, rigoureux, obstiné, pas aimable pour deux sous mais du genre efficace. Un vrai professionnel qui n'a que cela dans sa vie. C'est Von Stroheim qui l'incarne et c'est tout dire ! Et puis comme souvent, dans les oeuvres de Mann, il y a un secret pénible et douloureux dans son passé!
Connie lui propose le grand jeu et l'avenir radieux, il finira par accepter mais non sans opposer une résistance propre à décourager les plus décidées. Tout ça c'est bien joli, dit la belle, mais un petit accident de tir, en scène, pour arranger l'avenir des tourereaux, histoire de dissiper le mari dans les brumes du néant, ce serait-y pas une idée qu'elle est bonne? Pour le Grand Flamarion, c'est le début de la fin
.

Le film commence au moment où la fameuse Connie est assassinée off stage, juste un cri et des coup de feu, et c'est à partir d'un long flash back magnifiquement introduit que l'histoire de 73 minutes va se dérouler devant nos yeux ébahis: jalousie, adultère, chantage, vengeance, et toutes les références propres au film noir vont se construire avec un scénario futé au tempo implacable. On n'oublie pas la femme fatale, au talent théatral douteux mais qui a obtenu tous ses diplomes de garce patentée, et encore je fais dans la litote.
Et puis il y a Anthony Mann qui de façon subtile et intense sature son oeuvre de sensualité, de désirs réprimés, de dégoût et de haine. Et puis il y a Anthony Mann qui filme au delà de l'habileté, des plans larges, des contre-champs à contre-temps, des mouvements de caméra vraiment signifiants (c'est pas comme chez McLaglen NDLR), des ambiances ombrées et des lumières destructurées...tout concourt à faire frissonner le destin. Les plans sublimes, parfois flamboyants, sont légion dans ce petit bout de pellicule en noir et blanc. A vous de les découvrir et de les savourer.
Et puis le film noir de chez noir, avant d'y revenir, passe par la case mélodrame. La détresse et la douleur d'amour de Flamarion qui devient une épave sont rendues par Stroheim de manière inoubliable, le personnage se désagrège sous nos yeux, perd de sa superbe inexorablement. Emouvant au dernier degré, même dans l'excès quasi théatral. Justement venons en au théatre, c'est le lieu du crime, du plaisir , de l'entourloupe et du cynisme: c'est la vie et Mann en joue, ne serait ce que le rappeler par certains dialogues à double ou triple sens. Un diamant noir et coupant!

Un film de Mann (Anthony, bien sûr), vous en reprendrez bien un !? Même un p'tit... :idea:


Posté par Blaisdell le 3 février 2006

LA CHARGE DES TUNIQUES BLEUES d'anthony Mann.

Point de déception à la découverte de ce western d'Anthony Mann. Une réserve: dans l'ensemble, l'interprétation manque de relief le plus souvent. Robert Preston n'est pas formidable, tous comme Guy Madison, sosie de Ben Affleck avant l'heure mais leurs personnages sont des fantoches inspirés du terrible Custer. Anne Bancroft paraît bien frêle. En revanche, Victor Mature (pourtant pas un acteur que j'adore d'habitude) et James Whitmore sont jubilatoires.
Le scénario est très dense, subtil et intelligent. Anthony Mann peut développer son goût pour le drame shakespearien tant la dramturgie est rigoureuse. Sans jamais tomber dans le théâtral car la mise en scène est fabuleuse notamment dans ses travellings latéraux ou à la grue. On savait que Mann savait filmer les grands espaces mais là on savoure aussi la façon dont il filme le fort- il filmera des lieux semblables à la fin du CID ou au début de LA CHUTE DE L'EMPIRE ROMAIN.
Bref une très belle découverte qui ne déçoit en aucun cas. Et pour cause pour reprendre le titre d'un topic, "quel génie ce Anthony Mann" !
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Re: Anthony Mann (1906-1967)

Message par blaisdell »

Maldonne pour un espion (1968)

Voici une belle curiosité: le dernier film d'Anthony Mann terminé par l'acteur principal Laurence Harvey. Rendu enfin visible par sa récente sortie en dvd, il me tardait de voir ce film peu commenté ici.

Hélàs ce film hybride ne reste qu'une curiosité.
Pourquoi "hybride" ? Parce que c'est à la fois une oeuvre dans laquelle le réalisateur pouvait retrouver le genre qui l'avait vu émerger -le film noir- mais c'est aussi un film d'espionnage daté où l'on ne retrouve quasiment pas la patte du metteur en scène...

Il y avait de quoi faire un chef-d'oeuvre de l'espionnage avec un tel argument: Eberlin est un agent des services secrets anglais qui a pour mission de se supprimer lui-même. En effet, Eberlin est en fait un agent double soviétique infiltré dans le MI-5..
Avec Laurence Harvey, lituanien né Laruschka Mischa Skikne ayant fait carrière à Hollywood, on avait l'interprète idéal.
Hélàs le film est bavard, mal construit. Il est surtout gâché par des effets de mise en scène grossiers qui laissent dubitatifs: zooms, lumières rouges soudaines sur le visage de tel personnage envahi par le trouble, déformation de l'image ou encore l'étrange ralenti final.
Ces effets sont-ils dûs au passage de Laurence Harvey derrière la caméra où à un Anthony Mann à bout de souffle ?

En regardant ce film alambiqué, verbeux et trop long, je n'ai pas pu m'arrêter de penser au merveilleux "Marché de brutes" réalisés 20 ans auparavant par le grand Anthony.

Et puis une réflexion m'est venue. Les James Bond ont certes créé dans les années 60 une myriade de poncifs: décors de rêves, gadgets, aventures extravagantes, femmes sublimes qui ne résistent pas au héros, méchants hors du commun dotés de particularités physiques, etc...
De nombreux films qui ont voulu dans les années 1960-1970 prendre le contre-pied de 007: 'L'espion qui venait du froid", "IPCRESS file", "La lettre du Kremlin", "Le piège", "The deadly affair", "le serpent", "Le dossier 51", etc.. "Maldonne pour un espion" fait partie de cette tendance.
Tous ces long-métrages n'ont-ils pas créé aussi d'autres clichés tout aussi tenaces : ambiance triste et pluvieuse, cynisme du milieu de l'espionnage, intrigues extrêmement complexes, absurdité des missions confiées aux agents, dénouements nihilistes, intrigues se déroulant dans les pays de l'est et non aux Bahamas, vies sentimentales des protagonistes ratées ou inexistantes ???

On a parlé d'un déclin d'Anthony Mann en citant les admirables "El Cid" et "La chute de l'empire romain". Ce serait plutôt avec "Les héros de Télémark" ou avec ce "Maldonne pour un espion" que s'est manifesté un relatif déclin...
Jihl
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Re: Anthony Mann (1906-1967)

Message par Jihl »

The Great Flamarion La Cible Vivante (Mann 1945)

Découvert dans un très bon DVD zone 2 à prix cadeau. Globalement film noir intéressant mais qui souffre d'un scénario un peu léger et de personnages trop caricaturaux ; c'est du côte de l'écriture des personnages et de certains dialogues que c'est parfois un peu baclé, car en terme de mise en scène c'est dèjà beaucoup plus intéressant (utilisation de l'espace, du hors champ, sens du rythme, scéne de théatre spéctaculaire, beau travelling sur une locomotive...). La fin du film à partir de l'arrivée à l'hôtel est la meilleur partie du film.
Interprétation convaincante de Erich Von Stroheim et surtout de Mary Beth Hughes.
Au final pas un grand film, mais un joli petit noir quand même.
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Jeremy Fox
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Re: Anthony Mann (1906-1967)

Message par Jeremy Fox »

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Les Affameurs (Bend of the River, 1952)

Les Affameurs est le deuxième des cinq films du cycle de westerns unanimement louangé qu’Anthony Mann tourna avec James Stewart au début des années 50 ; ce n’est pas moi qui vais déroger à la règle et aller à l’encontre de ce consensus tout à fait mérité. De ces cinq admirables films, Les Affameurs est certainement le plus serein, le plus limpide, le plus optimiste du lot, ce qui ne veut absolument pas dire que le manichéisme soit de mise, que la violence en soit absente (bien que souvent hors-champ) ni que les parts d’ombres soient occultées, bien au contraire.

En effet, dans cet histoire de rachat moral, Glyn McLyntock (interprété à la perfection par un James Stewart oh combien habité par son personnage) est un homme qui cherche à fuir son passé. Recherché dans l’état du Missouri pour pillage, il souhaite désormais tirer un trait sur cette période peu glorieuse de sa vie. Ayant rencontré un convoi de colons se dirigeant vers l’Oregon, il décide de les conduire et, une fois arrivés à bon port, de s’installer comme fermier au sein de cette communauté. Mais le périple sera évidemment semé d’embûches ; outre les affameurs du titre français (d’honorables négociants de Portland devenant rapaces et impitoyables suite à la découverte de l’or dans leur ville, préférant laisser les colons mourir de faim plutôt que de leur vendre les vivres au prix négocié au départ), certaines tribus indiennes belliqueuses et divers accidents de terrain, Glyn va aussi se trouver confronté à Emerson Cole, sorte de double de lui-même, autre pillard qui semblait avoir eu les mêmes inspirations d’honnêteté avant d’être repris de la folie de l’or. Les relations entre les deux hommes sont parmi les plus riches et passionnantes jamais vues dans un western d’autant plus qu’Arthur Kennedy est à l’origine du ‘Bad Guy’ peut-être le plus attachant du genre (avec Vic Hansbro, toujours interprété par le même acteur dans l’ultime western du cycle Mann, L’Homme de la plaine - The Man from Laramie). Les deux acteurs sont exceptionnels (ainsi que le reste du casting d’ailleurs, Jay C. Flippen et la charmante Julia Adams en tête) mais Borden Chase y est aussi pour beaucoup qui signe un scénario à la fois limpide et fort complexe dans les relations entre les différents personnages qui auront tous plus ou moins évolués au final.

Sans trop charger le côté pittoresque (hormis le capitaine du ‘River Queen’ et son second) malgré la description d’une ville enfiévrée par la découverte de filons d’or, le film suit un rythme plutôt tranquille malgré le nombre impressionnant de péripéties qui le compose ; mais c’est aussi cette attention portée aux paysages, à la vie quotidienne de ces colons, à toute une foule de petits détails, etc., qui donne aussi tout son prix à ce chef-d’œuvre qui semble couler de source. Car, alors que la mise en scène n’est jamais formaliste, encore moins maniériste, je me suis surpris à plusieurs reprises à me faire la réflexion comme quoi personne n’aurait pu filmer ça mieux tellement j'ai ressenti à la plupart des plans, placements et mouvements de caméra, une sensation de plénitude et d’évidence. Premier film en couleur du cinéaste, Bend of the River est également un pur régal pour les yeux, Irving Glassberg nous délivrant peut-être son plus beau travail ayant de plus à sa disposition une abondante diversité de décors naturels, tour à tour montagneux, forestiers, fluviaux, campagnards, citadins tous aussi bien utilisés et par le fait fort dépaysants. Un western quasi parfait dont j'aurais aimer aborder plus longuement de multiples séquences (l’attaque nocturne des indiens, la sortie du Saloon à reculons armes aux poings par notre trio de ‘héros’, le gros plan du visage grimaçant de James Stewart quand ses pulsions violentes refont surface, l’allégorie de la pomme pourrie, les ‘apparitions’ quasi-fantomatiques de Glyn sur le chemin de sa vengeance…) et qui se termine par des gros plans sur des visages baignés d’un bonheur communicatif qui ont fini de me faire éprouver une rare jubilation et un exceptionnel contentement. Un des westerns les plus purs qu’il m'ait été donné de voir et qui n’a pas fini de nous dévoiler ses multiples richesses !
Julien Léonard
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Re: Anthony Mann (1906-1967)

Message par Julien Léonard »

Excellent hommage rendu à ce film Jeremy ! Je suis tout à fait d'accord, ce Les affameurs est un de mes westerns préférés (top 10, on va dire), un magnifique western qui ne dépareille pas aux côté des quatre autres chefs-d'œuvre de la collaboration Mann-Stewart (en westerns). On ne s'en lasse jamais, tant Mann a parfaitement maîtrisé les 90 minutes de son récit. Ce réalisateur mérite amplement sa place aux côté de Ford et Hawks. :)
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Jeremy Fox
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Re: Anthony Mann (1906-1967)

Message par Jeremy Fox »

Julien Léonard a écrit :Ce réalisateur mérite amplement sa place aux côté de Ford et Hawks. :)
... sans oublier d'inclure aussi aux plus hautes marches Wellman, Boetticher et Daves :wink:

Sinon, j'ai beaucoup de mal à classer les 5 films Mann/Stewart ; ça peut varier d'une année sur l'autre en fonction des revisions tellement ils sont différents et tous aussi riches.
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