Posté par L'étranger le 28 juillet 2004
Les affameurs de Anthony Mann
Que dire, encore un petit bijou à ajouter à la filmo de A.Mann, l'histoire est, somme toute, assez simple mais la réalisation magique de Mann fait toute la différence lorsque que l'on suit les aventures de James Stewart et de ses accolytes. Cet acteur qui avait pris l'habitude de représenter avec brio l'homme moderne (chez Capra notament), c'est retrouvé sous la direction de Mann (et plus tard de Daves) pour jouer le rôle d'un cowboy-aventurier qui lui sied à merveille...alors que ce n'était pas une évidence (je ne l'avais pas trouvé trés convaincant dans Destry rides again...mais faudrait peut-être que je le revois

).
Un bon 8.5/10 pour ce duo réal/acteur mythique!
Posté par Max Schreck le 7 décembre 2004
Bend of the river (Les Affameurs), Anthony Mann, 1952
Second des cinq westerns Mann/Stewart. On y croise un Arthur Kennedy éblouissant, qui forme avec Stewart un chouette duo sympathique. Les deux hommes ont un passé de bandit, ils connaissent la valeur l'un de l'autre sans le juger uniquement sur ses erreurs passées (j'aime bien ces westerns où les personnages charient avec eux le poids du passé, se faisant reconnaître partout où ils passent parce que leur nom est quasiment déjà entré dans la légende). Rôle ingrat et assez inutile de Rock Hudson, tout jeunôt, que l'acteur ne parvient jamais à transcender.
Derrière la passionnante description — presque documentaire dans son observation — de la difficile vie des pionniers, au-delà du film d'aventure trépidant, Mann trouve ici le terrain idéal pour une réflexion aussi simple que profonde sur la dualité humaine, la corruption des coeurs (causée ici par la découverte de l'or) et le droit à l'amendement. Ce que j'adore chez ce cinéaste, c'est sa façon de faire soudain surgir la cruauté et la violence la plus inattendue dans un film au rythme a priori si paisible. On pourra à la rigueur regretter que le suspense disparaisse un peu dans le dernier quart du film, s'acheminant alors vers un happy end sans surprise.
Un très beau film, riche en émotions et en chaleur humaine.
Posté par Bruce Randylan le 29 janvier 2005
Avec
le petit arpent du bon dieu, Anthony Mann rejoint le club - assez fermé - de John Woo (
The killer ), Wong Kar Wai (
Chungking Express ), Welles (
la soif du mal ), Hideaki Anno (
Evangelion ), Minnelli (
Brigadoon ) et Tarkovsky (
Andrei Roublev ) des réalisateurs dont j'ai l'impression d'avoir compris l'univers instantanément sur un film que je pourrais classer de
révélation divine
Spoiler
Dans ce film atypique et anticonformisme, Mann joue avec les codes et les genres pour mieux embarquer le spectateur sur des
terres inconnues au point qu’il est impossible de prévoir l’évolution du film : on commence en comédie absurde, on vire dans le drame suintant de sexualité à Tennessee Williams, on passe au film social avant de braquer dans la tragédie grecque.
Le lien dans tout ça ? le corps, le cœur, l’âme. L’homme donc.
Avec une gallerie de personnages comme il les présente ( quasiment les
Redneck chèrs à Randy Newman ), on pourrait croire que tout ça va pointer du doigt une mentalité, tomber dans le cliché et le stéréotype. Mais non. Mann a le l’intelligence de ne jamais juger ses personnages. Ils parvient à faire ressortir la beauté qui s’émane de chacun ( une quête vers la dignité, la reconnaissance des siens surtout de ses
pères, une recherche de la pureté ). Pour y parvenir, Mann choisit des armes imparables. Pas un armée de mot, ni une légion de scènes explicatives ( au contraire ), ni un régiment de sentimentalisme mais sa caméra.
Rarement un film aura su utiliser avec tellement de génie le décor, l’espace visuelle, le (re)cadrage, la lumière, la profondeur de champ pour structurer et modeler ses plans en différentes strates ( chaque plans possède au moins un 1er et un second plan opposant et séparant les personnages entre eux ou un personnage entre son environnement ou les 3 ) qui viennent enfermer les personnages dans une réalité qu’ils ne comprennent pas et qui les assassine littéralement ( cf Aldo Ray ). De la même manière, le jeu ( la Danse ? ) entre la caméra et le placement des personnage orchestre une véritable partie d’échec incroyable dans le sens où chaque recadrage de l’action à l’intérieur de plans ( particulièrement longs ) vient apporter une nouvelle lecture à l’ensemble ( très éloquent sur l’avant dernière scène )
C’est donc une humanité terriblement poignante qui se trouve au centre de chaque scène. Deux anciens amants se retrouvant dans l’obscurité nocturne, un père retournant chez son fils devenu son anti-thèse, un fermier suivant un Albinos avec un bâton entre les mains, une femme demandant à sa rivale de l’aider, un hypothétique shérif conscient de se faire mener par le bout du nez… et que dire de ce
I Know à la fin de la sublime séquence de la séquence où Aldo Ray rallume l’usine ) !
Anthony Mann, tu viens de rentrer sur ma liste noire de génie écœurant de talent. T’as de la chance d’être mort… J’ai aussi de la chance que tu sois mort en 1967, je peux être ta réincarnation…
Posté par Ducdame le 29 décembre 2007
The Great Flamarion La Cible Vivante (Mann 1945)
Un film de Mann , ça ne se refuse jamais. Même de série B, même un petit thriller bien sombre. Et ici, eh bien, c'est un bijou!
L'action se déroule de Mexico à Mexico en passant par San Francisco ou Chicago. Elle raconte l'histoire de Flamarion, le Grand Flamarion, artiste aux théatres des variétes urbains où façon Guillaume Tell, il présente un numéro de tir sur cibles mouvantes, ses deux comparses Connie et son mari Al. C'est pas un rigolo, Flamarion: un gars fermé à double tour, méticuleux, rigoureux, obstiné, pas aimable pour deux sous mais du genre efficace. Un vrai professionnel qui n'a que cela dans sa vie. C'est Von Stroheim qui l'incarne et c'est tout dire ! Et puis comme souvent, dans les oeuvres de Mann, il y a un secret pénible et douloureux dans son passé!
Connie lui propose le grand jeu et l'avenir radieux, il finira par accepter mais non sans opposer une résistance propre à décourager les plus décidées. Tout ça c'est bien joli, dit la belle, mais un petit accident de tir, en scène, pour arranger l'avenir des tourereaux, histoire de dissiper le mari dans les brumes du néant, ce serait-y pas une idée qu'elle est bonne? Pour le Grand Flamarion, c'est le début de la fin.
Le film commence au moment où la fameuse Connie est assassinée off stage, juste un cri et des coup de feu, et c'est à partir d'un long flash back magnifiquement introduit que l'histoire de 73 minutes va se dérouler devant nos yeux ébahis: jalousie, adultère, chantage, vengeance, et toutes les références propres au film noir vont se construire avec un scénario futé au tempo implacable. On n'oublie pas la femme fatale, au talent théatral douteux mais qui a obtenu tous ses diplomes de garce patentée, et encore je fais dans la litote.
Et puis il y a Anthony Mann qui de façon subtile et intense sature son oeuvre de sensualité, de désirs réprimés, de dégoût et de haine. Et puis il y a Anthony Mann qui filme au delà de l'habileté, des plans larges, des contre-champs à contre-temps, des mouvements de caméra vraiment signifiants
(c'est pas comme chez McLaglen NDLR), des ambiances ombrées et des lumières destructurées...tout concourt à faire frissonner le destin. Les plans sublimes, parfois flamboyants, sont légion dans ce petit bout de pellicule en noir et blanc. A vous de les découvrir et de les savourer.
Et puis le film noir de chez noir, avant d'y revenir, passe par la case mélodrame. La détresse et la douleur d'amour de Flamarion qui devient une épave sont rendues par Stroheim de manière inoubliable, le personnage se désagrège sous nos yeux, perd de sa superbe inexorablement. Emouvant au dernier degré, même dans l'excès quasi théatral. Justement venons en au théatre, c'est le lieu du crime, du plaisir , de l'entourloupe et du cynisme: c'est la vie et Mann en joue, ne serait ce que le rappeler par certains dialogues à double ou triple sens. Un diamant noir et coupant!
Un film de Mann (Anthony, bien sûr), vous en reprendrez bien un !? Même un p'tit...
Posté par Blaisdell le 3 février 2006
LA CHARGE DES TUNIQUES BLEUES d'anthony Mann.
Point de déception à la découverte de ce western d'Anthony Mann. Une réserve: dans l'ensemble, l'interprétation manque de relief le plus souvent. Robert Preston n'est pas formidable, tous comme Guy Madison, sosie de Ben Affleck avant l'heure mais leurs personnages sont des fantoches inspirés du terrible Custer. Anne Bancroft paraît bien frêle. En revanche, Victor Mature (pourtant pas un acteur que j'adore d'habitude) et James Whitmore sont jubilatoires.
Le scénario est très dense, subtil et intelligent. Anthony Mann peut développer son goût pour le drame shakespearien tant la dramturgie est rigoureuse. Sans jamais tomber dans le théâtral car la mise en scène est fabuleuse notamment dans ses travellings latéraux ou à la grue. On savait que Mann savait filmer les grands espaces mais là on savoure aussi la façon dont il filme le fort- il filmera des lieux semblables à la fin du CID ou au début de LA CHUTE DE L'EMPIRE ROMAIN.
Bref une très belle découverte qui ne déçoit en aucun cas. Et pour cause pour reprendre le titre d'un topic, "quel génie ce Anthony Mann" !