gnome a écrit :En gros, je fonctionne assez au feeling. Là où certains ont vu un amoncellement de citations, j'ai vu un film qui m'a vraiment pris aux tripes, et ce même si certains effets m'ont semblé un chouïa de trop ou limites.
Alors, si du strict point de vue technique cinématographique et narrative, il n'a rien inventé, Aronovski a réussi à créer des émotions très fortes de même qu'une empathie pour son héroïne. En cela, il a atteint son but. Tant pis pour les puristes. Je l'ai déjà dit plusieurs fois, je suis médecin, pas étudiant en cinéma ou technicien de cinéma. Je cherche l'émotion en allant au cinéma, pas spécialement la virtuosité ou l'originalité à tout prix. En général, je ne cherche pas dans chaque plan la signification de tel ou tel mouvement de caméra...
Black Swan m'a profondément touché. En cela, il est parfait pour moi...

Je comprends parfaitement ce que tu veux dire, mais je me permets d'apporter une petite précision me concernant.
Je recherche, tout comme toi et sans doute comme la plupart des gens ici, l'émotion quand j'entre dans une salle de cinéma. Je ne me considère pas comme un puriste ou un analyste froid et cérébral des qualités et défauts d'un film. Et si je dis que je ne retiens pas grand chose de
Black Swan, c'est précisément parce qu'il ne m'a pas ému.
Je ne sais pour toi, mais chez moi l'émotion au cinéma naît d'un mécanisme complexe qui ne tient pas seulement à la nature de l'histoire et des personnages. C'est plus compliqué que ça, et pour prendre un exemple il ne suffit pas qu'un cinéaste me montre quelqu'un en train de pleurer pour que je sois ému. C'est dans la sensibilité et la façon dont le cinéaste va exprimer la "texture" émotionnelle qu'il veut transmettre qu'il va réussir à m'émouvoir - ou non. Et cette attente de spectateur ne naît pas, je le répète, d'une approche froide, distanciée et clinique du film que je regarde. Je ressens tout cela de façon naturelle, sans réfléchir, et c'est ensuite, en essayant de coucher par des mots la nature de mon ressenti, que ma réception personnelle du film s'habille d'arguments dans un sens ou un autre.
Toute cette introduction pour dire que je si considère
Black Swan comme un film un peu raté, et s'il ne m'a pas ému, c'est parce que la façon dont Aronofsky raconte son histoire, la façon dont il essaie de créer l'émotion, l'empathie, m'ont paru constamment ampoulées, grossières, surlignées, que ce soit dans ses effets, le systématisme de ses motifs (les miroirs, doublés, triplés, décuplés, miroirs jusqu'à plus soif), les signes lourds dont il charges ses scènes (la chambre de petite fille et ses peluches), ses personnages, etc. Aronofsky n'envisage à aucun moment de faire confiance au spectateur, il ne peut s'empêcher de mettre des clignotants surgnifiants, il charge la barque à fond, jusqu'à tuer le mystère, la grâce, l'ambigüité. Et tout cela mis à bout finit par tuer l'émotion, chez moi - rarement je trouve l'héroïne émouvante parce que, justement, la batterie d'effets employés par le cinéaste l'enferme dans ses intentions, ne la laisse jamais le temps de s'épanouir et de s'émanciper de tout ce fatras stylistique et formel ultra-balisé qui pèse des tonnes.
Bref, pas trop envie de m'entendre au dire, au final, que si je n'aime pas vraiment ce film, c'est parce que je suis un "puriste étudiant en cinéma" qui serait débranché de toute affectivité.
