Assez déçue également, par ce petit picnic.
« Picnic » s'inscrit dans le genre, très apprécié des années 50, des mélodrames flamboyants. Il en possède en tout cas beaucoup d'attributs. L'intrigue se déroule ainsi dans une petite bourgade du sud des états-unis, accrochée aux conventions et aux apparences, peuplée de jeunes filles soignées et de gens biens sous tout rapport. Puis, le temps d'une nuit caniculaire, un étranger vient bousculer leur petit quotidien et arracher le voile des apparences... Classique!
Point de personnages « bigger than life » ici néanmoins: rien que des êtres banals et pathétiques. Le film débute d'ailleurs assez laborieusement, par une présentation de cette galerie de personnages très communs: la petite grand mère qui fait des gâteaux, la jolie fille fade avec qui tout le monde veut se montrer, sa soeur jalouse qui se réfugie dans les études, la vieille-fille qui exerce bien évidemment le métier d'institutrice, le vieux célibataire bourru un peu trop penché sur la boisson, etc.

Si la longue séquence de pique-nique, agréable compilation de micro-scènes, constitue le point culminant du film, la suite s'embourbe très vite, notamment dans une intrigue amoureuse peu passionnante. Il faut dire qu'outre son rythme un peu inégal, le problème majeur de « Picnic » repose sur son couple vedette (Kim Novak et William Holden). Il y a peu d'alchimie entre les deux acteurs, malgré le charisme animal de l'un et la beauté juvénile de l'autre, et les personnages qu'ils interprètent sont lisses et sans surprise. On en vient finalement a être plus touché par les histoires parallèles, tout aussi convenues pourtant, comme celle de cette vieille-fille (interprétée par une Rosalind Russel toujours aussi exubérante), et de son ami. Reste l'idée intéressante de mettre en avant le mal-être illégitime des belles personnes, sujet assez peu exploité au cinéma. Holden et Novak, écrasés sous le poids de leur beauté physique, sont incapables de s'en détacher dans leur relations avec les autres ou de mettre en avant leur charme intérieur (qui est, ceci dit, assez inexistant). Ces deux là étaient naturellement fait pour se trouver, comme le footballeur et la pom-pom girl. Autre idée surprenante: le film s'achève par un « happy end » un peu glauque, où l'amour triomphe sur les convenances certes, mais pour un avenir incertain et probablement peu reluisant.

« Picnic » est le premier film de Joshua Logan, qui signera plus tard quelques oeuvres mésestimées parmi lesquelles l'un des films les plus piteux de Marilyn Monroe (« Arrêt d'autobus ») et de Clint Eastwood (« La Kermesse de l'Ouest »), et des comédies musicales peu reconnues (tel « Camelot » et « South Pacific »). Autant dire que je fus relativement surprise par la subtilité et la qualité de sa mise en scène, qui n'a rien de celle d'un débutant. Si on exclut de petits problèmes d'éclairage dans les scènes nocturnes, et un net souci d'intensité dramatique, celle-ci est dans l'ensemble très honorable et nous donne à voir de jolies images dans un technicolor soigné. Dans l'ensemble, malgré les défauts sus-cités, le film se laisse gentiment regarder et reste un peu meilleur que les fresques mélodramatiques à la « Peyton Place » (« Les plaisirs de l'enfer »).