Black Swan (Darren Aronofsky - 2010)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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7swans
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Re: Black Swan (Darren Aronofsky - 2010)

Message par 7swans »

Personnellement, je ne vois pas ou est le problème. Dans un cadre purement cinématographique, on y croit, sans voir/reconnaitre/questionner les artifices. Portman reste convaincante dans les moments/les actions de transitions (avec son évidente doublure danse) et « brille » dans les moments purement dramatiques.
Point.
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AtCloseRange
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Re: Black Swan (Darren Aronofsky - 2010)

Message par AtCloseRange »

Stark a écrit :Pour ma part, je ne suis absolument pas surpris d'apprendre que Natalie Portman n'a pas accompli les scènes de danse que l'on voit dans le film. Je n'y connais rien en ballet, mais ça me semble évident qu'il faut des années et des années d'entraînement pour parvenir aux performances que l'on voit à l'écran.

Il existe une vidéo édifiante réalisée pour la promotion du film aux Oscars, dans la catégorie effets spéciaux : http://www.joblo.com/index.php?id=35731.
On voit clairement que les scènes de danse n'ont pas été tournées par Portman, mais qu'il s'agit d'un travail de post-production.

Pour autant, je trouve cette polémique un tantinet injuste. On ne demande pas à une actrice de devenir une danseuse, mais bel et bien de savoir retranscrire les affects et émotions d'un personnage. Je n'ai jamais considéré la performance de Portman comme un exploit athlétique, mais bien davantage comme une belle prestation d'actrice (c-a-d : tout ce qu'elle fait passer en dehors des scènes de danse). Il est évident que si on pense le contraire, on doit tomber de haut.
Suaf que d'habitude lorsqu'il y a une performance technologique, on a les sirènes du marketing qui viennent nous perforer les oreilles alrors que là, motus et bouche cousue.
Il y a quelque chose d'un peu malhonnête d'autant qu'on imagine très très bien que la raison de ce silence, c'est que Portman avec ce rôle était taillée pour l'Oscar.
ça ne remet pas vraiment en cause sa performance globale de toute façon mais sur le principe, sur l'évolution du cinéma, je confirme que c'est flippant.
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Demi-Lune
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Re: Black Swan (Darren Aronofsky - 2010)

Message par Demi-Lune »

Stark a écrit :Pour autant, je trouve cette polémique un tantinet injuste. On ne demande pas à une actrice de devenir une danseuse, mais bel et bien de savoir retranscrire les affects et émotions d'un personnage. Je n'ai jamais considéré la performance de Portman comme un exploit athlétique, mais bien davantage comme une belle prestation d'actrice (c-a-d : tout ce qu'elle fait passer en dehors des scènes de danse). Il est évident que si on pense le contraire, on doit tomber de haut.
C'est exact, mais il faut dire tout de même que la performance physique a été largement mise en avant dans les médias. D'où effectivement incompréhension si l'investissement de l'actrice dans les scènes de danse résulte d'une tromperie qui, d'ailleurs, a peut-être été décidée à la dernière minute, qui sait. Portman pourrait avoir tourné la très grande partie de ses scènes de danse, scènes elles mêmes tournées en parallèle avec sa doublure, et au vu du résultat à l'image, il y a pu avoir un choix en post-production consistant à privilégier l'expérience naturelle de la vraie ballerine et donc de garder son "corps" à l'écran.
L'artifice en soi ne me gêne pas, d'autant que la prestation de Natalie Portman ne se limite heureusement pas à ce qu'elle démontre dans ses ballets ; ce qui me gêne en l'occurrence, c'est que l'artifice ait été créé en lésant considérablement une personne au profit d'une autre et que la campagne médiatique du film ait mis en avant un aspect qui, apparemment, pourrait être erroné.
Heureux de te lire, au fait, Stark.
Dernière modification par Demi-Lune le 28 mars 11, 15:47, modifié 1 fois.
Thaddeus
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Re: Black Swan (Darren Aronofsky - 2010)

Message par Thaddeus »

J'ajoute que cette "polémique" et ce qu'elle sous-tend est une porte ouverte pour un débat autrement plus vaste, que vous (AtCloseRange et Demi-Lune) laissez percevoir dans vos derniers messages : les possibilités flippantes (y compris dans ses excès) de la technologie au cinéma en matière de représentation de l'humain. En d'autres termes : on peut aujourd'hui créer de toutes pièces du virtuel et le mettre sur un pied d'égalité avec l'humain, le réel, le charnel. C'est quelque chose qu'Avatar (forme et fond) préfiguait déjà : le virtuel remplace l'humain, il se substitue à lui. Personnellement, cette substitution m'effraie au plus haut point. Ce n'est pas que je sois réac' (du moins je l'espère), juste que cette idée d'une potentielle disparition progressive, presque insidieuse, de la matière humaine (au sens de "réel", charnel, directement imprimée à la pellicule) dans le régime des images cinématographiques me désole, tant j'y suis attaché. Désormais, on n'a quasiment plus besoin d'acteur ; le métier d'acteur est réduit à celui de modèle capté par des infographistes, qui le modèlent ensuite à sa volonté... jusqu'à la prochaine étape (la disparition pure et simple de l'acteur ?). Le cinéma ne serait alors plus qu'un art d'animation. J'avoue que je suis très, très (très) méfiant vis-à-vis de cette évolution, principalement à cause de l'amour que je voue aux acteurs, à ce qu'ils donnent à l'écran, à l'incarnation charnelle, corporelle, sensitive de ceux-ci.

M'enfin, c'est un vaste débat, et ce n'est sans doute pas l'endoit adéquat pour en discuter.
Thaddeus
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Re: Black Swan (Darren Aronofsky - 2010)

Message par Thaddeus »

AtCloseRange a écrit : Suaf que d'habitude lorsqu'il y a une performance technologique, on a les sirènes du marketing qui viennent nous perforer les oreilles alrors que là, motus et bouche cousue.
En effet, et c'est comme tu le dis ici que le vrai débat, et ses vrais enjeux, commencent. Bientôt (et je pense qu'on y est déjà), il sera impossible de différencier le réel du virtuel. Du coup, on pourra nous faire avaler toutes les couleuvres et on n'y verra que du feu. C'est vertigineux dans ce que ça implique, et franchement flippant quand on commence à réfléchir à quoi ça peut mener. Je dirais que la technhologie en est à un point où elle n'a plus besoin de faire son autopromotion ; désormais son but de se faire oublier pour, quelque part, remplacer l'humain (son modèle...). The Thing... :mrgreen:

(ou alors je délire complètement ?)
Il y a quelque chose d'un peu malhonnête d'autant qu'on imagine très très bien que la raison de ce silence, c'est que Portman avec ce rôle était taillée pour l'Oscar.
Je crois d'ailleurs que la vidéo avait été retirée avant les Oscars... peut-être pour ne pas faire de l'ombre à l'actrice.
Je n'ai rien contre Portman (bien au contraire, à mon avis elle n'y est pour rien la pauvre) ; si cela est avérée, c'est plutôt la stratégie marketing qui est discutable.
Thaddeus
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Re: Black Swan (Darren Aronofsky - 2010)

Message par Thaddeus »

Demi-Lune a écrit : L'artifice en soi ne me gêne pas, d'autant que la prestation de Natalie Portman ne se limite heureusement pas à ce qu'elle démontre dans ses ballets ; ce qui me gêne en l'occurrence, c'est que l'artifice ait été créé en lésant considérablement une personne au profit d'une autre et que la campagne médiatique du film ait mis en avant un aspect qui, apparemment, pourrait être erroné.
Heureux de te lire, au fait, Stark.
Oui, je comprends ce que tu veux dire. Personnellement, il y a bien longtemps que je ne prête plus la moindre attention aux battages médiatiques, à tout ce qui a trait à la promotion (des studios, de la presse), etc. Par ailleurs et comme je le disais, il m'a semblé évident à la vue du film que les scènes de danse n'étaient pas tournées par Portman. Du coup, je ne suis ni surpris ni choqué face à cette "révélation", à vrai dire je m'en fous complètement. J'ai aimé Portman pour ce qu'elle fait passer, et pas pour ses (fausses) scènes de danse, donc je ne me sens pas lésé.
Spoiler (cliquez pour afficher)
J'aimerais venir plus souvent, mais je ne trouve pas le temps, hélas. :wink:
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Re: Black Swan (Darren Aronofsky - 2010)

Message par someone1600 »

Je ne croyais pas moi non plus que Portman avait fait toutes les scenes de danses... au vu du temps de préparation que cela demande, je crois que c'est assez évident. :? Ceci dit, c'est quand meme bizarre que le travail de la doublure n'ait pas été remercié a sa juste valeur. :?
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Demi-Lune
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Re: Black Swan (Darren Aronofsky - 2010)

Message par Demi-Lune »

Stark a écrit :J'ajoute que cette "polémique" et ce qu'elle sous-tend est une porte ouverte pour un débat autrement plus vaste, que vous (AtCloseRange et Demi-Lune) laissez percevoir dans vos derniers messages : les possibilités flippantes (y compris dans ses excès) de la technologie au cinéma en matière de représentation de l'humain. En d'autres termes : on peut aujourd'hui créer de toutes pièces du virtuel et le mettre sur un pied d'égalité avec l'humain, le réel, le charnel. C'est quelque chose qu'Avatar (forme et fond) préfiguait déjà : le virtuel remplace l'humain, il se substitue à lui. Personnellement, cette substitution m'effraie au plus haut point. Ce n'est pas que je sois réac' (du moins je l'espère), juste que cette idée d'une potentielle disparition progressive, presque insidieuse, de la matière humaine (au sens de "réel", charnel, directement imprimée à la pellicule) dans le régime des images cinématographiques me désole, tant j'y suis attaché. Désormais, on n'a quasiment plus besoin d'acteur ; le métier d'acteur est réduit à celui de modèle capté par des infographistes, qui le modèlent ensuite à sa volonté... jusqu'à la prochaine étape (la disparition pure et simple de l'acteur ?). Le cinéma ne serait alors plus qu'un art d'animation. J'avoue que je suis très, très (très) méfiant vis-à-vis de cette évolution, principalement à cause de l'amour que je voue aux acteurs, à ce qu'ils donnent à l'écran, à l'incarnation charnelle, corporelle, sensitive de ceux-ci.
Entièrement d'accord avec cela, y compris sur l'inquiétude que ça m'inspire sur le devenir d'un art que j'aime croire humain et charnel ; et s'il y a eu quelques exemples épars de ce phénomène dans les années 2000, j'ai ce sentiment que l'acuité de la problématique redouble effectivement depuis deux-trois ans, comme si un verrou était progressivement en train de sauter à force de prouesses infographiques. Cela dit, certains contre-exemples pourraient sans doute être aisément apportés... le cas d'Arnie Hammer dans The Social Network reste notamment intéressant en la matière car à titre personnel je n'y ai vu que du feu, ce qui impliquerait donc que l'acteur, dans ses deux manifestations, a fait du très bon travail (et sa doublure aussi). Mais on peut à l'inverse rétorquer que Fincher pouvait tout aussi bien embaucher de vrais jumeaux plutôt qu'expérimenter ses trucages numériques. Fincher devient même assez fascinant et ambigu en la matière car s'il est un excellent directeur d'acteurs, ses derniers films témoignent également d'une sorte de course à l'embellissement numérique, à l'épate technique visant à repousser les limites du possible, qui pourrait presque affecter le regard que l'on porte sur les performances d'acteurs... à qui revient le plus le mérite de la performance dans le cas d'un Arnie Hammer ? A l'acteur lui-même, à sa doublure, à l'équipe des SFX, ou aux trois en même temps, chapeautés par David Fincher ?
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Re: Black Swan (Darren Aronofsky - 2010)

Message par Strum »

Le cinéma a toujours été par excellence l'art de l'illusion et de l'apparence. Depuis ses débuts, des doublures ont toujours été utilisées pour effectuer les cascades ou tels prodiges artistiques, qu'un acteur ne saurait évidemment effectuer lui-même. Le talent d'un cinéaste a toujours été notamment de cacher ce recours à l'illusion et à l'artifice pour que tout fasse vrai à l'écran, et les studios ont toujours eu intérêt à cacher ce recours aux doublures, pour créer le mythes des acteurs/actrices. Et effet digital ou non, il a toujours été pratiquement impossible au plus exercé des yeux cinéphiles de déceler quand dans une scène d'un film bien fait, recours était fait à la doublure. Quand Ford est-il remplacé par sa doublure pour les scènes d'action des trois premiers Indiana Jones (par pudeur, négligeons le dernier) ? Je ne saurais le dire. Qu'en l'occurence, la campagne des oscars ait fortement insisté sur l'implication de Portman dans son rôle, voilà qui est normal et logique. Bref, je m'étonne que quiconque ait pu penser ici que Portman avait vraiment dansé toutes ses scènes. En ce qui me concerne, rien de nouveau sous le soleil donc, et plutôt que d'une polémique, je parlerais d'un différend entre un studio et une salarié qui estime ne pas avoir été récompensée à la valeur de sa contribution, et peut-etre n'avait qu'une idée très vague de la manière dont un film se faisait et se vendait.
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Re: Black Swan (Darren Aronofsky - 2010)

Message par AtCloseRange »

Strum a écrit :Le cinéma a toujours été par excellence l'art de l'illusion et de l'apparence. Depuis ses débuts, des doublures ont toujours été utilisées pour effectuer les cascades ou tels prodiges artistiques, qu'un acteur ne saurait évidemment effectuer lui-même. Le talent d'un cinéaste a toujours été notamment de cacher ce recours à l'illusion et à l'artifice pour que tout fasse vrai à l'écran, et les studios ont toujours eu intérêt à cacher ce recours aux doublures, pour créer le mythes des acteurs/actrices. Et effet digital ou non, il a toujours été pratiquement impossible au plus exercé des yeux cinéphiles de déceler quand dans une scène d'un film bien fait, recours était fait à la doublure. Quand Ford est-il remplacé par sa doublure pour les scènes d'action des trois premiers Indiana Jones (par pudeur, négligeons le dernier) ? Je ne saurais le dire. Qu'en l'occurence, la campagne des oscars ait fortement insisté sur l'implication de Portman dans son rôle, voilà qui est normal et logique. Bref, je m'étonne que quiconque ait pu penser ici que Portman avait vraiment dansé toutes ses scènes. En ce qui me concerne, rien de nouveau sous le soleil donc, et plutôt que d'une polémique, je parlerais d'un différend entre un studio et une salarié qui estime ne pas avoir été récompensée à la valeur de sa contribution, et peut-etre n'avait qu'une idée très vague de la manière dont un film se faisait et se vendait.
Bah non, ce n'est pas pareil.
Mais ça rejoint finalement le débat sur le MP3 que beaucoup ne comprennent pas. La différence entre la copie cassette d'antan et le double numérique d'aujourd'hui est la même qu'entre le cascadeur d'autrefois et la doublure numérique quasi parfaite d'aujourd'hui.
Ne pas voir le débat qui se prépare, c'est se mettre le doigt dans l'oeil.
Le problème n'est pas que le cinéma soit un art de l'illusion, ça on le sait depuis longtemps sauf qu'il n'a jamais été autant en pouvoir de nous faire passer le mensonge pour la vérité.
Et tu parles du cas du cascadeur alors que nous parlons de la possibilité à portée de main de remplacer l'acteur par son double numérique, c'est une toute autre mayonnaise.
Que ce soit dans le cas présent des histoires de gros sous entre un employé et un studio ne change rien à l'affaire. Il y a bien une problématique réelle derrière tout ça et qui n'a rien à voir avec ce qui pouvait exister dans le passé.
A-t-on vu un cascadeur remettre en cause la performance d'un acteur dans un film en se l'attribuant?
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Re: Black Swan (Darren Aronofsky - 2010)

Message par Thaddeus »

Demi-Lune a écrit :Entièrement d'accord avec cela (...) chapeautés par David Fincher ?
Pour moi, le cas de Armie Hammer dans The Social Network est moins problématique car, bien que dédoublé, l'acteur est "réel" : sa (double) prestation est la sienne. C'est lui qui imprime à l'écran ce qu'il veut faire passer, sans passer par un filtrage ou une remodélisation numérique. Et puis entre nous, Cronenberg et Jeremy Irons le faisaient déjà, avec le même brio éblouissant, il y a plus de vingt ans. :mrgreen:
Encore une fois, le plus grand problème à mes yeux demeure la transformation de l'humain en être virtuel, a forceriori lorsque cette transformation vise justement à ne pas être perçue, à un remplacement du modèle réel. Je le répète, mais c'est ce qu'annonce ni plus ni moins un film comme Avatar, où le sujet-même (le héros "réel" choisit d'abandonner son enveloppe charnelle au profit de son double, son doppleganger virtuel) agit comme sous-texte quasi explicite à ce qu'opère le film : l'humain est en train de disparaître, les acteurs vont être remplacés par des doublures virtuelles. Il y a un discours que je trouve très ambigu dans ce film, dans cette apologie de l'abandon du réel au profit d'une fuite dans un virtuel qui serait porteur des promesses les plus séduisantes, les plus folles. Cameron n'en est pas encore à brouiller complètement les repères (il prend le soin de faire de ses créatures des êtres bleus de trois mètres de haut, et coupe ainsi court à la substitution complète), mais bientôt, on verra des êtres virtuels que l'on prendra pour des acteurs réels.
Or, et tu me rejoindras peut-être là-dessus, l'émotion que je prend face à la texture tactile de la peau, à la force d'un sourire, à l'expressivité des traits, des regards, des larmes, au charisme d'un personnage, au rayonnement d'un acteur... tout cela tient en grande partie au rapport de confiance qui me lie au film et à l'acteur. En d'autres termes, je suis ému parce que je sais que derrière, il y a un acteur qui met ses tripes, qui s'implique, qui s'abandonne à la caméra. Si on me fout ça par terre, je :twisted: ( :mrgreen: )

EDIT par rapport au message de Strum

Tout mon propos ne s'applique pas du tout à la notion de doublure (cascadeurs, etc), qui est complètement autre chose. Je n'ai aucun problème avec le fait de faire croire au spectateur (et encore, seulement dans la logique du suspension of disbielief qu'implique tout visionnage de film) qu'un acteur exécute des choses impossibles. Et c'est bien pour ça qu'ici, le dossier Portman ne me fait ni chaud ni froid. L'objet de mon inquiétude est tout autre.
C'est lorsque l'on vise à remplacer l'acteur/l'humain/le réel, dans son usage le plus intime, le plus domestique, le plus intime, par un virtuel qui se fait passer pour lui, que ça commence à me poser probème.
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Re: Black Swan (Darren Aronofsky - 2010)

Message par AtCloseRange »

Stark a écrit :
Demi-Lune a écrit :Entièrement d'accord avec cela (...) chapeautés par David Fincher ?
Pour moi, le cas de Armie Hammer dans The Social Network est moins problématique car, bien que dédoublé, l'acteur est "réel" : sa (double) prestation est la sienne. C'est lui qui imprime à l'écran ce qu'il veut faire passer, sans passer par un filtrage ou une remodélisation numérique. Et puis entre nous, Cronenberg et Jeremy Irons le faisaient déjà, avec le même brio éblouissant, il y a plus de vingt ans. :mrgreen:
Encore une fois, le plus grand problème à mes yeux demeure la transformation de l'humain en être virtuel, a forceriori lorsque cette transformation vise justement à ne pas être perçue, à un remplacement du modèle réel. Je le répète, mais c'est ce qu'annonce ni plus ni moins un film comme Avatar, où le sujet-même (le héros "réel" choisit d'abandonner son enveloppe charnelle au profit de son double, son doppleganger virtuel) agit comme sous-texte quasi explicite à ce qu'opère le film : l'humain est en train de disparaître, les acteurs vont être remplacés par des doublures virtuelles. Il y a un discours que je trouve très ambigu dans ce film, dans cette apologie de l'abandon du réel au profit d'une fuite dans un virtuel qui serait porteur des promesses les plus séduisantes, les plus folles. Cameron n'en est pas encore à brouiller complètement les repères (il prend le soin de faire de ses créatures des êtres bleus de trois mètres de haut, et coupe ainsi court à la substitution complète), mais bientôt, on verra des êtres virtuels que l'on prendra pour des acteurs réels.
Or, et tu me rejoindras peut-être là-dessus, l'émotion que je prend face à la texture tactile d'un visage, à la force d'un sourire, à l'expressivité des traits, des regards, des larmes, au charisme d'un personnage, au rayonnement d'un acteur... tout cela tient en grande partie au rapport de confiance qui me lie au film et à l'acteur. En d'autres termes, je suis ému parce que je sais que derrière, il y a un acteur qui met ses tripes, qui s'implique, qui s'abandonne à la caméra. Si on me fout ça par terre, je :twisted: ( :mrgreen: )
Je vais encore plus dériver mais tant pis :)
Dans le dernier numéro du Cercle sur Canal, ils ont parlé de l'exposition Kubrick et il y a eu à la fin quelques contradicteurs devant l'idolatrie kubrickienne, notamment Frédéric Bégaudeau avce queques arguments qui me semblent assez justes. Ce qui le gêne chez Kubrick (et en partie chez moi), c'est son côté control freak, rien ne dépasse, tout ce qui se passe à l'écran est maîtrisé, voulu au millimètre.
Alors qu'en fait, on peut effectivement préférer un cinéma plus viscéral, plus libre, plus ouvert aux accidents.
Tout ça pour dire que les dérives de ce "nouveau" cinéma nous poussent de plus en plus vers ça (curieux de savoir si Kubrick aurait embrassé ces nouvelles formes de cinéma).
Mais bon, ce n'est qu'une extension de ce qui se passe dans notre société où tout est retouché, que ce soit les images - photoshopées ou les humains - charcutés.
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Re: Black Swan (Darren Aronofsky - 2010)

Message par Strum »

AtCloseRange a écrit :Le problème n'est pas que le cinéma soit un art de l'illusion, ça on le sait depuis longtemps sauf qu'il n'a jamais été autant en pouvoir de nous faire passer le mensonge pour la vérité. Et tu parles du cas du cascadeur alors que nous parlons de la possibilité à portée de main de remplacer l'acteur par son double numérique, c'est une toute autre mayonnaise.
Que ce soit dans le cas présent des histoires de gros sous entre un employé et un studio ne change rien à l'affaire. Il y a bien une problématique réelle derrière tout ça et qui n'a rien à voir avec ce qui pouvait exister dans le passé.
A-t-on vu un cascadeur remettre en cause la performance d'un acteur dans un film en se l'attribuant?
Je parlais également dans mon post des "prodiges artistiques" : par là, je parlais de tous les inserts ou doublages de scènes de danse, de musiques, de peinture, etc... Black Swan ne change rien à ce qui a été fait à ce niveau là. Portman n'est pas remplacée par un double numérique pour ses scènes de jeu. C'est elle-même qui joue le rôle ; ce n'est évidemment pas elle-même qui danse les scènes de danse (dans leur grande majorité). Cette affaire n'est pour moi qu'une affaire de gros sous.

Par ailleurs, qui peut croire que le cinéma dise la vérité quant à l'histoire qu'il nous montre à l'écran ? Qu'il soit dans son pouvoir de nous faire croire que l'histoire est vraie le temps de vision, c'est la force des grands films, mais enfin, en sortant de la séance, on recouvre ses esprits. Tout cela, c'est de l'artifice, de l'art quoi. On sait tous que les acteurs ne sont pas dans la vraie vie ce qu'ils paraissent être à l'écran. Ils sont maquillés, façonnés souvent par la lumière et le metteur en scène. Doublure réelles, pantins, effets spéciaux, doublure numérique, personnages d'animés, tout cela participe du même pouvoir du cinéma de créer de l'illusion, une illusion à laquelle on veut croire, mais une illusion quand même. Par ailleurs, je ne crois pas au remplacement mensonger d'un acteur par une doublure numérique dans le cinéma aujourd'hui, du moins pas dans les conditions technologiques et commerciales actuelles, d'autant que l'acteur en tant que "people" fait vendre et a encore de beaux jours à vivre devant lui. Et si un jour une telle technologie devait advenir, le cinéma serait le cadet de mes soucis ; ce serait du côté des informations dans les médias que se porteraient mon attention et mon scepticisme.
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Re: Black Swan (Darren Aronofsky - 2010)

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Strum a écrit :
AtCloseRange a écrit :Le problème n'est pas que le cinéma soit un art de l'illusion, ça on le sait depuis longtemps sauf qu'il n'a jamais été autant en pouvoir de nous faire passer le mensonge pour la vérité. Et tu parles du cas du cascadeur alors que nous parlons de la possibilité à portée de main de remplacer l'acteur par son double numérique, c'est une toute autre mayonnaise.
Que ce soit dans le cas présent des histoires de gros sous entre un employé et un studio ne change rien à l'affaire. Il y a bien une problématique réelle derrière tout ça et qui n'a rien à voir avec ce qui pouvait exister dans le passé.
A-t-on vu un cascadeur remettre en cause la performance d'un acteur dans un film en se l'attribuant?
Je parlais également dans mon post des "prodiges artistiques" : par là, je parlais de tous les inserts ou doublages de scènes de danse, de musiques, de peinture, etc... Black Swan ne change rien à ce qui a été fait à ce niveau là. Portman n'est pas remplacée par un double numérique pour ses scènes de jeu. C'est elle-même qui joue le rôle ; ce n'est évidemment pas elle-même qui danse les scènes de danse (dans leur grande majorité). Cette affaire n'est pour moi qu'une affaire de gros sous.

Par ailleurs, qui peut croire que le cinéma dise la vérité quant à l'histoire qu'il nous montre à l'écran ? Qu'il soit dans son pouvoir de nous faire croire que l'histoire est vraie le temps de vision, c'est la force des grands films, mais enfin, en sortant de la séance, on recouvre ses esprits. Tout cela, c'est de l'artifice, de l'art quoi. On sait tous que les acteurs ne sont pas dans la vraie vie ce qu'ils paraissent être à l'écran. Ils sont maquillés, façonnés souvent par la lumière et le metteur en scène. Doublure réelles, pantins, effets spéciaux, doublure numérique, personnages d'animés, tout cela participe du même pouvoir du cinéma de créer de l'illusion, une illusion à laquelle on veut croire, mais une illusion quand même. Par ailleurs, je ne crois pas au remplacement mensonger d'un acteur par une doublure numérique au cinéma aujourd'hui, du moins pas dans les conditions technologiques et commerciales actuelles, d'autant que l'acteur en tant que "people" fait vendre et a encore de beaux jours à vivre devant lui. Et si un jour une telle technologie devait advenir, le cinéma serait le cadet de mes soucis ; ce serait du côté des informations dans les médias que se porteraient mon attention et mon scepticisme.
Ah, parce que tu avais "vu" vraiment quand Portman est remplacée dans les scènes de danse? En ce qui me concerne (et semble-t-il pour la majorité), non et c'est bien ça qui pose problème, l'invisibilité du processus.
De mon point de vue, ça équivaut à remplacer Portman dans son "jeu" même si c'est dans un cas bien particuler.
Je ne vois plus trop ce qui pourrait empêcher d'aller vers un remplacement progressif des vrais corps par des corps alternatifs numériques.
On y va tout droit. Et la preuve qu'on y va droit, c'est qu'il y a quelques années, on n'aurait pas imaginé d'utiliser ce genre de retouches pour des films autres que de genre fantastique ou apparenté.
C'est finalement Fincher qui a ouvert la boîte de Pandore et le monde s'engouffre derrière.
Alors bien sûr avant que la majorité des films français ou des films "indés" du monde entier soit touché, il y a un pas à faire mais ça arrive beaucoup plus rapidement qu'on ne croit.
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AtCloseRange a écrit :Ah, parce que tu avais "vu" vraiment quand Portman est remplacée dans les scènes de danse?
De mon point de vue, ça équivaut à remplacer Portman dans son "jeu" même si c'est dans un cas bien particuler.


Mais non, je n'ai pas vu. Et je n'ai surtout pas cherché à voir, ou à déceler le vrai du faux, quelle drôle d'idée. Simplement, jamais il ne me serait venu à l'esprit de penser qu'elle n'avait pas été doublée. C'est du cinéma. :)
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