Faute de topic plus adéquat je me permets de poster ici ma chronique de ce Mabuse post-Lang à réserver aux amateurs de polars bis.
L’INVISIBLE DOCTEUR MABUSE
Créé par le luxembourgeois Norbert Jacques, le personnage du Docteur Mabuse constitue un archétype du super méchant de la littérature populaire, à l’instar de Fu Manchu, Fantômas ou, par la suite, de l’Ombre Jaune. Apparu en 1921 dans le roman « Docteur Mabuse le joueur », cet anti-héros machiavélique est immortalisé dès l’année suivante par Fritz Lang dans son DOCTEUR MABUSE LE JOUEUR d’une durée de près de cinq heures. Une décennie plus tard, Jacques rédige un second roman, lui-aussi adapté par Lang : LE TESTAMENT DU DOCTEUR MABUSE. Après sa période américaine, le cinéaste revient une dernière fois au personnage via LE DIABOLIQUE DOCTEUR MABUSE, tourné en 1960. Le succès de ce dernier entraine une foultitude de suite, l’époque étant propice à ce genre d’aventures fantaisistes comme en témoigne les adaptations de FANTOMAS, DANGER DIABOLIK ou KRIMINAL. Le succès de l’espionnite, popularisée par James Bond et ses dérivés (OSS 117, COPLAN), entraine inévitablement la série, revendiquée purement bis, sur les terres d’un mélange de comédie, d’espionnage, de thriller et de science-fiction. Cinq long-métrages seront produits, en rafale, au début des années 60 : LE RETOUR DU DOCTEUR MABUSE, L’INVISIBLE DOCTEUR MABUSE, LE TESTAMENT DU DOCTEUR MABUSE (remake, trente ans plus tard, du titre homonyme de Lang), MABUSE ATTAQUE SCOTLAND YARD et, enfin, LE DOCTEUR MABUSE ET LE RAYON DE LA MORT. En 1972, Jésus Franco reprendra le personnage avec LA VENGEANCE DU DOCTEUR MABUSE et, en 1990, Claude Chabrol lui-même s’y intéressa avec DOCTEUR M.
Typique du roman de gare, le scénario de L’INVISIBLE DOCTEUR MABUSE tourne autour d’une mystérieuse invention, « l’entreprise X », tandis que Mabuse, tapi dans un théâtre, dirige une société criminelle secrète et n’hésite pas à tuer tous ceux qui se dressent devant ses projets de domination. Avec l’aide de la formule d’invisibilité du professeur Erasmus, le diabolique docteur pourrait, en effet, instaurer une nouvelle ère sous l’emprise du crime mais l’agent américain Joe Como veille…
Ce nouvel épisode s’inscrit, logiquement, dans l’évolution de la série vers le pur divertissement à la mode « krimi » avec ses gadgets, sa pseudo science-fiction et son intrigue invraisemblable d’ailleurs peu passionnante malgré ses nombreux rebondissements. La première moitié de cet INVISIBLE DOCTEUR MABUSE échoue d’ailleurs à intéresser le spectateur en privilégiant une comédie ni très drôle ni très inspirée qui ne provoque aujourd’hui que soupirs et bâillements.
La suite, heureusement, relève un tantinet le niveau et suit les actions de l’agent du FBI Joe Como, incarné sans grande conviction mais avec une certaine énergie par l’ancien Tarzan Lex Barker. Le long-métrage prend, dès lors, définitivement des allures de sous-James Bond (impression accentuée par la présence de Karin Dor, la future « girl » d’ON NE VIT QUE DEUX FOIS) du pauvre mais s’avère relativement divertissant pour les plus indulgents. La dernière demi-heure, pour sa part, multiplie les scènes d’action (pas toujours très crédibles et manquant de punch) avec leur lot de bagarres et de poursuites, sans oublier la présence d’une bande de truands invisibles aspergés d’eau par la police pour pouvoir les localiser. Amusant.
Si L’INVISIBLE DOCTEUR MABUSE sombre donc dans les facilités de la série B populaire dénuée de la moindre ambition (à la manière des adaptations d’Edgar Wallace dont Harald Reinl fut un des spécialistes), le film réserve cependant quelques jolies séquences aux ambiances forcément expressionnistes. Bien sûr, elles confinent ici au gimmick pur et simple, utilisé comme un rappel du passé qui cligne de l’œil au spectateur nostalgique sans rien apporter de novateur. Seule la présence d’une cohorte de méchants caricaturaux (dont un clown inquiétant) confère, parfois, un ton plus sombre à une aventure invraisemblable immédiatement condamnée à ne jamais dépasser le simple divertissement aussitôt vu, aussitôt oublié.
L’ombre de Mabuse, pour sa part, plane sur les protagonistes qu’il menace sans jamais se manifester personnellement, excepté durant les dernières minutes, plaisantes en dépit d’effets spéciaux et de maquillages grossiers.
Loin des œuvres de Fritz Lang, L’INVISIBLE DOCTEUR MABUSE constitue une petite curiosité capitalisant sans vergogne sur un héritage glorieux pour proposer une série B quelconque mais acceptable un soir de désœuvrement.