Ender a écrit : ↑23 févr. 23, 11:14
Jeremy Fox a écrit : ↑23 févr. 23, 10:28
D'ailleurs cette scène de découverte de
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- 'cet amour interdit'
lors du montage de son film de vacances est pour moi la plus belle et émouvante du film de Spielberg qui n'en manque pourtant pas.
Un des plus beaux films de Spielberg pour moi aussi et pareil, c'est la séquence qui persiste le plus puissamment au lendemain de la séance (avec celle de la projection à la fin et ce qu'elle révèle de rapports compliqués entre l'entertainer Spielberg et la fabrication d'images et d'un public... et qui mériterait aussi développements).
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- Séquence donc où l'adolescent Sam, au montage du home movie dédié à sa mère, découvre sur les photogrammes l'amour secret entre elle et "uncle Bennie", inscrit dans des regards et des gestes dérobés à l'attention des autres protagonistes de ces scènes du quotidien, mais qui ne trompent pas l'objectif de la caméra ni l'analyse photographique.
En bons spectateurs on avait déjà compris ce qui se tramait, on avait la médiation des caméras du film
Fabelmans pour observer les rapports entre la famille et cet "oncle" adoptif, tandis que, collés à la vie, ses rites et ses dénis, les personnages ne voient pas ce qu'ils ont sous le nez.
Pour un Spielberg maitre du spectacle réglé, il y a là un retour impressionnant au côté pile du cinéma, côté Lumière, la caméra enregistreuse et découvreuse du réel, et à ce leitmotiv de Marker dans
Le Fond de l'air est rouge : on ne sait jamais ce qu'on filme. Les home movies eux-mêmes évoquent un Spielberg apprenti-cinéaste en Mekas qui s'ignore, obsevant de "brief glimpses of beauty" via super 8. Évidemment Sam expurge le film projeté à sa famille des "glimpses of truth" et les met littéralement au placard. L'invitation du cinéaste à venir y voir et permettre le retour du refoulé de tout son cinéma est décisive, ça ne se réduit pas à l'anecdote et aux démêlés avec un trauma puéril comme GTO le reproche au film en page 1, c'est Spielberg "année zéro" qui s'incline devant la puissance première du cinéma, conjurée à coup d'aliens et dinosaures : le tête-à-tête entre l'œil de la caméra et le réel ; et tout comme la séquence climax, un regard mature sur ces rapports puérils qui ont nourri son cinéma. Et ça ne tient même pas de la confession, mais de la tranquille lucidité de vieux classique.
Les suites de la séquence de montage ne vont pas sans quelques pesanteurs, j'ai pu regretter pendant la séance que ce secret devienne de façon un peu appuyée un des "sujets" de l'histoire plutôt que laisser le choc d'une découverte proprement cinématographique infuser. Mais peu importe, au conjurateur Spielberg il fallait au moins ce retour sur soi pour oser un film qui soit son propre documentaire, mais alors qui devient le documentaire de toute ses films, des plus sadiques aux plus pompiers via la projection du film de promo.
Mais il n y’a retour du refoulé que si il y’a refoulement, or, là on se tient sur un chemin qui est, précisément, dépourvu de sentiments ambivalents, négatifs, inavouables, ou comme El Dadal le dit, en pleine expiation. Pas de vengeance ni de dilemme (savoir prétendument secret que Sammy s’empresse de montrer en secret à maman). Tout y est lisible, rien de caché, écrit à même la pellicule, car ce désir de la mère pour autrui, cet amour secret pour l’oncle est visible. Pas de zone d’ombre précisément, où la question de celui qui regarde, de Sammy à Steven, position du réalisateur, est interrogé, notamment de ce désir interdit, œdipien, pour la mère. On se trouve en région largement déminée, faisant appel à l’imagination, et au cinéma révèle quelques vérités, mais surtout exalte.