MABUSE ATTAQUE SCOTLAND YARD
Le cinéaste allemand Paul May prend la succession de Fritz Lang et Harald Reinl pour une nouvelle aventure (la septième déjà !) du célèbre docteur Mabuse, cette fois adaptée du roman « The Device » de Bryan Edgar Wallace.
Après la mort du docteur Mabuse, se dresse un nouveau génie du Mal, le professeur Pohland, dans lequel l’esprit démoniaque du défunt docteur continue à « vivre ». Le criminel s’empare rapidement d’une invention révolutionnaire, un gadget capable d’imposer ses volontés à n’importe quelle personne et qu’il compte utiliser pour conquérir le monde. Pohland / Mabuse en équipe un banal appareil photo puis effectue divers tests, obtenant une parfaite obéissance de pauvres hères « zombifiés », à présent entièrement sous son emprise, à l’image d’un pauvre facteur devenu assassin malgré lui. Les séides de Mabuse commettent ainsi plusieurs crimes avant que le docteur n’élabore un plan audacieux. Il désire, en effet, s’emparer d’une fortune convoyée par le train postal dans le but, à terme, d’imposer une véritable dictature en Grande-Bretagne. Mais le vaillant major Bill Tern de Scotland Yard, associé à l’inspecteur Vulpius, découvre que les sonotones ont la particularité de rendre inefficace le « contrôleur mental » de Mabuse…Une course contre la montre s’engage entre le Yard et Mabuse.
MABUSE ATTAQUE SCOTLANT YARD embrasse immédiatement sa dimension furieusement « bis » et l’intrigue, inspirée de Bryan Edgar Wallace (fils d’Edgar Wallace et grand pourvoyeur de romans policier de gare), rapproche encore davantage la saga du « policier fantaisiste », autrement dit du « krimi », alors triomphant en territoire teuton. Les producteurs se sont en effet contenté de remplacer le méchant du roman originel par le plus porteur docteur Mabuse afin de s’attirer à la fois les fans des « Edgar Wallace » et des « Mabuse. Une impression encore renforcée par la présence de Klaus Kinski, lequel joue un policier tombant, à mi-parcours, sous l’influence du maléfique docteur.
Les péripéties, elles, n’innovent pas vraiment et se résument aux tentatives de Mabuse pour diriger le monde, contrariées par un vaillant agent de Scotland Yard. Certains passages possèdent, dès lors, un côté très serial avec leurs rebondissements improbables. Un flic devant exécuté le héros est, par exemple, opportunément soustrait à l’influence pernicieuse de Mabuse grâce à… son appareil auditif. D’où un climax délirant qui voit une escadre du Yard équipée de sonotones investir le repaire du génie du crime. En dépit de ces séquences absurdes, le long-métrage traite son sujet sans sombrer dans la parodie facile et veille à préserver un climat de menace réelle, ne serait-ce que par la personnalité de l’omniscient docteur. L’humour volontaire est, toutefois, présent par l’entremise de la mère du héros, une digne vieille dame grande lectrice de romans policiers qui passe une partie de son temps à fumer le cigare et prodigue de judicieux conseils à son fiston. Son astucieuse intelligence et sa débrouillardise permettront, in fine, au Bien de triompher.
Emballé avec professionnalisme, MABUSE ATTAQUE SCOTLAND YARD ne souffre pas trop d’un budget qu’on imagine restreint et réserve quelques belles scènes, volontiers expressionnistes, comme cette surprenante pendaison qui voit le bourreau périr de sa propre main, son corps se balançant au bout d’une corde et projetant une ombre sinistre sur les murs de la prison. Ces petites notes sympathiques élèvent le résultat final au–dessus du tout-venant et le distingue des innombrables oeuvrettes d’espionnite qui pullulaient alors sur les écrans européens.
Familier de la série, Peter van Eyck joue le brave héros nonchalant et coureur de jupons, un rôle qu’il reprendra d’ailleurs dans l’épisode suivant même si son patronyme sera inexplicablement modifié. Werner Peters est, de son côté, une nouvelle fois présent, cette fois dans le rôle d’un policier hambourgeois qui prête main forte au Yard. Enfin, Wolgang Preiss effectue de la figuration en « docteur Mabuse », Walter Rilla se chargeant d’incarner, durant la quasi-totalité de la projection, le maléfique personnage « ressuscité » dans la peau d’un certain professeur Pohland. Du pur délire bis !
De son côté, l’accompagnement musical, pas toujours adapté aux images, propose un jazz enlevé, typique des séries B des années ’60, qui confère un minimum de rythme à ce récit sinon un peu trop pantouflard pour emporter l’adhésion. Le tout se révèle, en tout cas, nettement supérieur aux deux long-métrages ultérieurs de la série.
Loin d’un grand film, MABUSE ATTAQUE SCOTLAND YARD reste néanmoins plaisant et plutôt joliment troussé. Par conséquent, il se regarde sans déplaisir et saura divertir les inconditionnels du « krimi » ou de l’aventure science-fictionnelle rétro.