Roy Neary a écrit :
pour moi, la première partie de Full Metal Jacket est l'un des morceaux d'anthologie de l'oeuvre du cinéaste. Où tu vois de la grossièreté, j'y vois un traitement méthodique, juste et cruel de l'aliénation humaine, où tu vois du surfait, j'y vois une grande rigueur visuelle et une puissance d'évocation dans la représentation de l'univers militaire totalitaire.
Je suis d'accord sur la grande rigueur visuelle et sur la puissance d'évocation (même si j'y vois surtout de l'efficacité). Le traitement est effectivement méthodique, c'est le moins que l'on puisse dire, et cruel. Bref, là encore, je ne critique pas l'aspect formel. Par contre, je n'y vois rien de "juste", c'est-à-dire que cette représentation me semble totalement faussée : la psychologie est outrancière, le déterminisme est absolu et le didactisme de la démonstration relève à mon sens d'une prétention extrême. C'est simplificateur à souhait et je ne crois pas que Kubrick démonte une quelconque mécanique sociale, mais uniquement le jeu de ses propres représentations.
Roy Neary a écrit : Et je suis désolé, je ne vois absolument pas de contradiction ou d'incompatibilité entre son univers formel et les thèmes qu'il développe.
Comme tu l'évoques, ce monde désincarné a souvent tout d'un "petit théâtre de marionnettes". Les personnages n'y sont que des pions, et n'ont pas d'autre valeur que de servir la démonstration. Cela peut être du plus bel effet visuellement, mais cette vision déniant toute humanité à ses personnages (bottant en touche tout son petit monde - tous sont renvoyés dos à dos - et décidant même à l'occasion de le supprimer tout bonnement) me semble entrer en totale contradiction avec les valeurs qu'il prétend affirmer. Esthétiquement, on est souvent assez proche du théatre d'ombres du
Casanova de Fellini, en moins somptueux et avec une forme de jubilation assez malsaine en plus - ce qui correspond mal je trouve aux prétentions affichées.