Manoel de Oliveira (1908-2015)
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Re: Manoel de Oliveira
captures d'Aniki Bobo : http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... 5#p2364383
The Life and Death of Colonel Blimp (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943)
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Re: Manoel de Oliveira
Merci Jack. Depuis le temps que je l'attendais.Jack Carter a écrit :captures d'Aniki Bobo : http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... 5#p2364383
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Re: Manoel de Oliveira
Je ne sais pas si le dvd français propose autre chose que le film, mais le dvd portugais sorti l'an passé a des sous titres français et on y trouve un paquet de bonus dont "Douro Faina Fluvial" le 1er court métrage de M de OliveiraPère Jules a écrit :Merci Jack. Depuis le temps que je l'attendais.Jack Carter a écrit :captures d'Aniki Bobo : http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... 5#p2364383
Elle était belle comme le jour, mais j'aimais les femmes belles comme la nuit.
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Re: Manoel de Oliveira
je me demande si c'est ironique ou pas...Père Jules a écrit :Merci Jack. Depuis le temps que je l'attendais.Jack Carter a écrit :captures d'Aniki Bobo : http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... 5#p2364383
le dvd est en complement d'un bouquin qui propose le recit dont est tiré le film, le scenario original et des propos de Oliveira sur son film
pas de bonus sur le dvd
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Re: Manoel de Oliveira
TF1...oops, je voulais dire Arte, rendra hommage au cineaste portugais disparu, dans la nuit du jeudi 9 avril, en diffusant son dernier court-metrage Le Vieillard du Restelo (O Velho do Restelo) (2014) et le film Singularités d’une jeune fille blonde (2009). Puis en replay +7.
http://www.arte.tv/sites/fr/olivierpere ... -oliveira/
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Re: Manoel de Oliveira (1908-2015)
J'apprends par Les Inrocks que ..
Grâce à Capricci, douze films de l’immense réalisateur portugais retrouveront bientôt les salles de cinéma françaises, à commencer par “Val Abraham”, prévu pour le printemps 2024.
Cela augure de belles éditions HD....enfin !
Grâce à Capricci, douze films de l’immense réalisateur portugais retrouveront bientôt les salles de cinéma françaises, à commencer par “Val Abraham”, prévu pour le printemps 2024.
Cela augure de belles éditions HD....enfin !
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.
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Re: Manoel de Oliveira (1908-2015)
Non ou la vaine gloire de commander en blu-ray, j'en rêve.
Je vois que Aniki-Bóbó sera aussi de la partie, déjà.
https://variety.com/2023/film/global/lu ... 235761671/
Je vois que Aniki-Bóbó sera aussi de la partie, déjà.
https://variety.com/2023/film/global/lu ... 235761671/
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Re: Manoel de Oliveira (1908-2015)
Un bail que je l'ai vu celui-là. Comme tous finalement.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.
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Re: Manoel de Oliveira (1908-2015)
Val Abraham
Les rêves et amours tristes d’Emma Bovary transposés dans l’ondoyante campagne lusitanienne, où le temps s’écoule en de majestueuses – et interminables – stases de méditation contemplative. Mais la Ema Portugaise a un "m" de moins que la Française : c’est qu’elle aime moins, en effet, l’amour des hommes que le pouvoir qu’elle exerce sur eux. De toute évidence l’ambition d’Oliveira est d’atteindre un certain idéal de pureté harmonique, un éden romanesque visant à gommer tout artifice au profit d’une transparence absolue, pour approcher au plus près des êtres et des choses, pour tenter de les capter dans l’illusion de cette beauté qui cause la perte de son héroïne. Reste que tout est tellement étiré, lissé, expurgé de la moindre aspérité, que pour moi, dès la fin du premier tiers, l’ennui s’installe, sans retour. 3/6
Inquiétude
Au théâtre ce soir... C’est l’impression donnée par le premier quart d’heure de ce triptyque figé dans sa litanie littéraire, avant qu’une pirouette inattendue ne réveille soudain l’attention. Très ponctuellement, car les deux segments suivants ne font que dérouler, avec la même aridité, ruminations existentielles et pensées méditatives sur le sentiment de finitude, la prescience angoissée de la mort, la frustration que provoque le désir, même (et surtout) inassouvi. On dirait trois piécettes en un acte que rien, hormis le style austérissime de l’auteur, ne semble relier. Le texte est peut-être très beau, la mise en scène sans doute rigoureuse dans son ascèse monastique ; en attendant, ce genre de proposition cinématographique donne une certaine idée de la chiantitude absolue, en mode grabataire. 2/6
Je rentre à la maison
Simple comme bonjour, souvent espiègle et malicieux mais emprunt d’une gravité qui ne se dévoile qu’à contretemps, le film est délesté de cette charge littéraire qui plombe certains opus du réalisateur. Reste le plaisir d’un homme qui, face au deuil et à la vieillesse, musarde en touriste, repense son échelle de valeurs, se passionne pour ses chaussures, n’a qu’indifférence pour la vie sociale et découvre avec tendresse l’art d’être grand-père. S’il fait éprouver, lors de la scène finale, l’épreuve épuisante du comédien, s’il ne détourne pas son regard de la mort à venir, comme elle prend ce roi qui se succombe sur scène, Oliveira ménage néanmoins une philosophie légère, lumineuse, joliment poétique, portée par la prestation ludique d’un Piccoli qui piccolise avec l’élégance et le sens de la mesure qu’on lui connaît. 4/6
Porto de mon enfance
Dans les limites d’un documentaire d’une heure produit pour célébrer Porto, le cinéaste se rappelle à la première personne, d’une voix chevrotante, ce temps suspendu de la mémoire où il découvrit l’amour, l’art, la nourriture, le cinéma, quand sa ville était le nombril du monde. Ce qui nous vaut une sorte de miniature éphémère, quasi volatile à force de ténuité, qui n’intéresse de façon ultra-sporadique que lorsqu’elle incite à jouer le jeu des correspondances. Pour le reste, entre photos, scènes filmées, reconstitutions ou extraits des premiers films de l’auteur, entre évocation de l’Histoire, citations diverses et invitations des amis, des proches ou des disparus, l’entreprise ne provoque guère plus qu’un long bâillement prolongé, très loin de la saudade intime qu’elle vise probablement. 2/6
Le principe de l’incertitude
Comme toujours avec Oliveira, un saut de foi est nécessaire pour goûter au hiératisme de sa mise en scène et à sa méditation sur le doute de tous sur tout. Il faut aussi admettre ne pas comprendre l’exhaustivité des motivations de chacun, accepter le traitement peu glamour d’une intrigue faite d’orgueils et de vertus, de passions et de sacrifices, où l’on psalmodie ses pensées avec le regard dans le vide. Mais une certaine fascination opère sur la durée, qui surgit de ces affrontements feutrés à la Laclos, de cette glaciation altière, de l’ambiguïté trouble des personnages (surtout celui de Leonor Silveira). Et la réflexion métaphysique, soulignée par les flammes ravageant la boîte de nuit lors du finale qui tient de Jugement dernier, renvoie le spectateur à ses interrogations, tel un ricanement dans les ténèbres. 3/6
Un film parlé
En un périple sillonnant les berceaux des civilisations méditerranéennes, Oliveira fait découvrir à ses personnages les vestiges du passé et raconte en pointillés une histoire qui s’articule autour de monuments, de contes, de légendes. Son approche, fondée sur une transmission verticale de la parole, de l’affection et du savoir, favorise la métaphore moderne du mythe de la tour de Babel adressée à un siècle naissant, où les dissensions entre les peuples perdurent et font toujours reculer l’avènement d’un monde pacifié. Sous le couvert de discussions policées et érudites menées par trois Parques contemporaines, il exprime ainsi le deuil des utopies et achemine le récit vers une conclusion allégorique qui traduit son pessimisme. Un film austère, bavard, répétitif, mais dont la séduction étrange finit par opérer. 3/6
Le miroir magique
Une grande bourgeoise vivant avec son vieux mari, dégagée des contingences qui occupent l’existence des pauvres et obnubilée par la Vierge Marie ; un jeune homme sortant de prison pour entrer à son service et lui offrir, peut-être, l’apparition ardemment désirée. Autre exemple du cinéma si typiquement oliveirien de la parole et de la rampe, rigoureusement sans effets ni invention visuelle, fondé sur de très théoriques échanges verbaux autour des questions de la foi, de la morale et du mysticisme. Les spectateurs les plus retors trouveront sans doute une délectable ironie dans ces rigides discussions intellectuelles, les plus jansénistes de grandes vertus transcendantales à cette méditation compassée, somnifère, baignée de formol, qui pousse le vice jusqu’à s’éterniser au-delà des cent trente minutes. 2/6
Belle toujours
Le cinéaste débauche Piccoli, remplace Deneuve par Bulle Ogier et tente un post-scriptum malicieux et ironique au classique de Buñuel, avec lequel il rapproche en un muet médianoche deux débauchés devenus anachorètes et désamorce la moindre tension formelle et dramatique. Comment dire… Peut-être que Manoel avait une petite toux, peut-être qu’il était un peu fatigué, mais les retrouvailles de ses deux héros septuagénaires, pris d’un terrible coup de vieux paralysant le film entier, semblent flotter dans le formol : arthritique et poussiéreuse au dernier degré, alignant séquences pseudo-cocasses à la bizarrerie figée et notations ineptes, l’épreuve, d’une heure et quart, parvient à faire croire qu’elle dure au moins le double. L’exploit n’est pas mince, et lui vaut d’arracher l’unique point de ma note. 1/6
Christophe Colomb, l’énigme
La célèbre navigateur génois était portugais, figurez-vous. À mesure que le récit progresse sur les pas d’un chercheur et de son épouse, l’hypothèse se mute en affirmation. Difficile de distinguer la part de bluff et la part d’ironie dans cet exercice de léthargie active comme Oliveira les affectionne : plans symétriques, cadrages immobiles, figures hiératiques dont la présence secondaire est relayée par des images qui font transition d’un lieu à l’autre. En visitant des sites historiques, des monuments parfaitement incapables de témoigner de quoi que ce soit, ces personnages rencontrent l’histoire comme pure absence d’un passé glorieux, que les poètes ont recueilli mais qui n’habite nulle part. Cela pourrait valoir pour le film lui-même, soporifique au possible, et dont le penchant didactique achève d’assommer. 2/6
Singularités d’une jeune fille blonde
On éprouve toujours chez Oliveira le sentiment que les personnages et le cadre dans lequel ils évoluent proviennent d’un autre siècle. L’inactualité des situations, la désuétude de comportements comme les vestiges de l’amour courtois peuvent faire barrage. Mais l’élégance de la mise en images, les teintes sombres et travaillés de la photographie, la précision d’un propos qui élève une hitchcockienne histoire de fascination en réflexion affûtée sur l’aveuglement et la soumission à l’ordre social, le mélange de concision et d’ironie facétieuse qui gouvernent le récit apportent à ce conte philosophique une certaine grâce et une vraie légèreté. Et tous les éléments (le prologue, l’histoire enchâssée, la voix off, les rebondissements successifs) sont disposés avec l’apparente facilité d’un art qui cache sa propre maîtrise. 4/6
L’étrange affaire Angelica
Lorsque, la nuit, l’esprit d’une jeune et belle défunte visite un photographe et l’invite à le suivre en une envolée chagalienne dans les cieux, l’effet spécial archaïque utilisé revendique une étrangeté et une poésie ramenant à Mélies. Il nourrit en cela une réflexion sur le cinéma qui se prolonge avec l’obsession diurne du protagoniste, digne, elle, de Lumière : immortaliser les ouvriers agricoles travaillant encore la vigne avec des méthodes et des outils traditionnels. La sensibilité picturale et topographique avec laquelle sont filmées les beautés viticoles de la vallée du Douros, l’ambiance fantasmatique dans laquelle baigne le récit, la sérénité face à l’approche de la mort, l’éloge romantique de l’amour fou concourent au charme persistant d’un poème rêveur qui a tout pour être qualifié d’œuvre testamentaire. 4/6
Mon top :
1. L’étrange affaire Angelica (2010)
2. Singularités d’une jeune fille blonde (2009)
3. Je rentre à la maison (2001)
4. Le principe de l’incertitude (2002)
5. Un film parlé (2003)
Manolo et moi, ça fait souvent deux. Je ne peux pas dire que je sois particulièrement réceptif à ce cinéma qui se distingue par sa grande intelligence, sa conception d’un art ample, majestueux, habité par une considérable exigence et traversé par de vastes questions sur l’art, la culture, la civilisation, l’amour et la mort, mais dont la sophistication distanciée et l’inspiration très littéraire me laissent globalement assez froid. Même si je parviens, ponctuellement, à ressentir la beauté hiératique de cette expression.
Les rêves et amours tristes d’Emma Bovary transposés dans l’ondoyante campagne lusitanienne, où le temps s’écoule en de majestueuses – et interminables – stases de méditation contemplative. Mais la Ema Portugaise a un "m" de moins que la Française : c’est qu’elle aime moins, en effet, l’amour des hommes que le pouvoir qu’elle exerce sur eux. De toute évidence l’ambition d’Oliveira est d’atteindre un certain idéal de pureté harmonique, un éden romanesque visant à gommer tout artifice au profit d’une transparence absolue, pour approcher au plus près des êtres et des choses, pour tenter de les capter dans l’illusion de cette beauté qui cause la perte de son héroïne. Reste que tout est tellement étiré, lissé, expurgé de la moindre aspérité, que pour moi, dès la fin du premier tiers, l’ennui s’installe, sans retour. 3/6
Inquiétude
Au théâtre ce soir... C’est l’impression donnée par le premier quart d’heure de ce triptyque figé dans sa litanie littéraire, avant qu’une pirouette inattendue ne réveille soudain l’attention. Très ponctuellement, car les deux segments suivants ne font que dérouler, avec la même aridité, ruminations existentielles et pensées méditatives sur le sentiment de finitude, la prescience angoissée de la mort, la frustration que provoque le désir, même (et surtout) inassouvi. On dirait trois piécettes en un acte que rien, hormis le style austérissime de l’auteur, ne semble relier. Le texte est peut-être très beau, la mise en scène sans doute rigoureuse dans son ascèse monastique ; en attendant, ce genre de proposition cinématographique donne une certaine idée de la chiantitude absolue, en mode grabataire. 2/6
Je rentre à la maison
Simple comme bonjour, souvent espiègle et malicieux mais emprunt d’une gravité qui ne se dévoile qu’à contretemps, le film est délesté de cette charge littéraire qui plombe certains opus du réalisateur. Reste le plaisir d’un homme qui, face au deuil et à la vieillesse, musarde en touriste, repense son échelle de valeurs, se passionne pour ses chaussures, n’a qu’indifférence pour la vie sociale et découvre avec tendresse l’art d’être grand-père. S’il fait éprouver, lors de la scène finale, l’épreuve épuisante du comédien, s’il ne détourne pas son regard de la mort à venir, comme elle prend ce roi qui se succombe sur scène, Oliveira ménage néanmoins une philosophie légère, lumineuse, joliment poétique, portée par la prestation ludique d’un Piccoli qui piccolise avec l’élégance et le sens de la mesure qu’on lui connaît. 4/6
Porto de mon enfance
Dans les limites d’un documentaire d’une heure produit pour célébrer Porto, le cinéaste se rappelle à la première personne, d’une voix chevrotante, ce temps suspendu de la mémoire où il découvrit l’amour, l’art, la nourriture, le cinéma, quand sa ville était le nombril du monde. Ce qui nous vaut une sorte de miniature éphémère, quasi volatile à force de ténuité, qui n’intéresse de façon ultra-sporadique que lorsqu’elle incite à jouer le jeu des correspondances. Pour le reste, entre photos, scènes filmées, reconstitutions ou extraits des premiers films de l’auteur, entre évocation de l’Histoire, citations diverses et invitations des amis, des proches ou des disparus, l’entreprise ne provoque guère plus qu’un long bâillement prolongé, très loin de la saudade intime qu’elle vise probablement. 2/6
Le principe de l’incertitude
Comme toujours avec Oliveira, un saut de foi est nécessaire pour goûter au hiératisme de sa mise en scène et à sa méditation sur le doute de tous sur tout. Il faut aussi admettre ne pas comprendre l’exhaustivité des motivations de chacun, accepter le traitement peu glamour d’une intrigue faite d’orgueils et de vertus, de passions et de sacrifices, où l’on psalmodie ses pensées avec le regard dans le vide. Mais une certaine fascination opère sur la durée, qui surgit de ces affrontements feutrés à la Laclos, de cette glaciation altière, de l’ambiguïté trouble des personnages (surtout celui de Leonor Silveira). Et la réflexion métaphysique, soulignée par les flammes ravageant la boîte de nuit lors du finale qui tient de Jugement dernier, renvoie le spectateur à ses interrogations, tel un ricanement dans les ténèbres. 3/6
Un film parlé
En un périple sillonnant les berceaux des civilisations méditerranéennes, Oliveira fait découvrir à ses personnages les vestiges du passé et raconte en pointillés une histoire qui s’articule autour de monuments, de contes, de légendes. Son approche, fondée sur une transmission verticale de la parole, de l’affection et du savoir, favorise la métaphore moderne du mythe de la tour de Babel adressée à un siècle naissant, où les dissensions entre les peuples perdurent et font toujours reculer l’avènement d’un monde pacifié. Sous le couvert de discussions policées et érudites menées par trois Parques contemporaines, il exprime ainsi le deuil des utopies et achemine le récit vers une conclusion allégorique qui traduit son pessimisme. Un film austère, bavard, répétitif, mais dont la séduction étrange finit par opérer. 3/6
Le miroir magique
Une grande bourgeoise vivant avec son vieux mari, dégagée des contingences qui occupent l’existence des pauvres et obnubilée par la Vierge Marie ; un jeune homme sortant de prison pour entrer à son service et lui offrir, peut-être, l’apparition ardemment désirée. Autre exemple du cinéma si typiquement oliveirien de la parole et de la rampe, rigoureusement sans effets ni invention visuelle, fondé sur de très théoriques échanges verbaux autour des questions de la foi, de la morale et du mysticisme. Les spectateurs les plus retors trouveront sans doute une délectable ironie dans ces rigides discussions intellectuelles, les plus jansénistes de grandes vertus transcendantales à cette méditation compassée, somnifère, baignée de formol, qui pousse le vice jusqu’à s’éterniser au-delà des cent trente minutes. 2/6
Belle toujours
Le cinéaste débauche Piccoli, remplace Deneuve par Bulle Ogier et tente un post-scriptum malicieux et ironique au classique de Buñuel, avec lequel il rapproche en un muet médianoche deux débauchés devenus anachorètes et désamorce la moindre tension formelle et dramatique. Comment dire… Peut-être que Manoel avait une petite toux, peut-être qu’il était un peu fatigué, mais les retrouvailles de ses deux héros septuagénaires, pris d’un terrible coup de vieux paralysant le film entier, semblent flotter dans le formol : arthritique et poussiéreuse au dernier degré, alignant séquences pseudo-cocasses à la bizarrerie figée et notations ineptes, l’épreuve, d’une heure et quart, parvient à faire croire qu’elle dure au moins le double. L’exploit n’est pas mince, et lui vaut d’arracher l’unique point de ma note. 1/6
Christophe Colomb, l’énigme
La célèbre navigateur génois était portugais, figurez-vous. À mesure que le récit progresse sur les pas d’un chercheur et de son épouse, l’hypothèse se mute en affirmation. Difficile de distinguer la part de bluff et la part d’ironie dans cet exercice de léthargie active comme Oliveira les affectionne : plans symétriques, cadrages immobiles, figures hiératiques dont la présence secondaire est relayée par des images qui font transition d’un lieu à l’autre. En visitant des sites historiques, des monuments parfaitement incapables de témoigner de quoi que ce soit, ces personnages rencontrent l’histoire comme pure absence d’un passé glorieux, que les poètes ont recueilli mais qui n’habite nulle part. Cela pourrait valoir pour le film lui-même, soporifique au possible, et dont le penchant didactique achève d’assommer. 2/6
Singularités d’une jeune fille blonde
On éprouve toujours chez Oliveira le sentiment que les personnages et le cadre dans lequel ils évoluent proviennent d’un autre siècle. L’inactualité des situations, la désuétude de comportements comme les vestiges de l’amour courtois peuvent faire barrage. Mais l’élégance de la mise en images, les teintes sombres et travaillés de la photographie, la précision d’un propos qui élève une hitchcockienne histoire de fascination en réflexion affûtée sur l’aveuglement et la soumission à l’ordre social, le mélange de concision et d’ironie facétieuse qui gouvernent le récit apportent à ce conte philosophique une certaine grâce et une vraie légèreté. Et tous les éléments (le prologue, l’histoire enchâssée, la voix off, les rebondissements successifs) sont disposés avec l’apparente facilité d’un art qui cache sa propre maîtrise. 4/6
L’étrange affaire Angelica
Lorsque, la nuit, l’esprit d’une jeune et belle défunte visite un photographe et l’invite à le suivre en une envolée chagalienne dans les cieux, l’effet spécial archaïque utilisé revendique une étrangeté et une poésie ramenant à Mélies. Il nourrit en cela une réflexion sur le cinéma qui se prolonge avec l’obsession diurne du protagoniste, digne, elle, de Lumière : immortaliser les ouvriers agricoles travaillant encore la vigne avec des méthodes et des outils traditionnels. La sensibilité picturale et topographique avec laquelle sont filmées les beautés viticoles de la vallée du Douros, l’ambiance fantasmatique dans laquelle baigne le récit, la sérénité face à l’approche de la mort, l’éloge romantique de l’amour fou concourent au charme persistant d’un poème rêveur qui a tout pour être qualifié d’œuvre testamentaire. 4/6
Mon top :
1. L’étrange affaire Angelica (2010)
2. Singularités d’une jeune fille blonde (2009)
3. Je rentre à la maison (2001)
4. Le principe de l’incertitude (2002)
5. Un film parlé (2003)
Manolo et moi, ça fait souvent deux. Je ne peux pas dire que je sois particulièrement réceptif à ce cinéma qui se distingue par sa grande intelligence, sa conception d’un art ample, majestueux, habité par une considérable exigence et traversé par de vastes questions sur l’art, la culture, la civilisation, l’amour et la mort, mais dont la sophistication distanciée et l’inspiration très littéraire me laissent globalement assez froid. Même si je parviens, ponctuellement, à ressentir la beauté hiératique de cette expression.
(désolé Alexandre)
- tchi-tcha
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Re: Manoel de Oliveira (1908-2015)
[mode Alexandre Angel on]Thaddeus a écrit : ↑23 oct. 23, 15:46 ....interminables....
....tout est tellement étiré, lissé, expurgé de la moindre aspérité, que pour moi, dès la fin du premier tiers, l’ennui s’installe, sans retour...
...figé dans sa litanie littéraire...
...ce genre de proposition cinématographique donne une certaine idée de la chiantitude absolue, en mode grabataire...
...qui n’intéresse de façon ultra-sporadique...
...l’entreprise ne provoque guère plus qu’un long bâillement prolongé...
...austère, bavard, répétitif...
...rigoureusement sans effets ni invention visuelle...
...méditation compassée, somnifère, baignée de formol, qui pousse le vice jusqu’à s’éterniser au-delà des cent trente minutes...
...Comment dire…
...arthritique et poussiéreuse au dernier degré...
...l’épreuve, d’une heure et quart, parvient à faire croire qu’elle dure au moins le double. L’exploit n’est pas mince...
...cet exercice de léthargie active comme Oliveira les affectionne...
...soporifique au possible, et dont le penchant didactique achève d’assommer...
Manolo et moi, ça fait souvent deux. Je ne peux pas dire que je sois particulièrement réceptif à ce cinéma
Merci Thaddeus ! Très beau texte comme d'habitude.
[/mode Alexandre Angel off]
Une fois passé de l'autre côté du miroir (ou une fois franchi le mur de l'ennui, c'est selon), la beauté de Val Abraham tient en deux mots : Leonor Silveira. Je plongerais volontiers quinze heures de plus dans ses yeux.
(Par contre, n'allez pas voir sa photo en médaillon sur Wikipedia.)
Et je n'ai toujours pas regardé Le soulier de satin. Pourtant, j'avais été tout content de le dénicher chez Noz il y a deux ans. Mais bon, c'est comme pour le dernier Scorcese, il faut trouver le temps de le caser sur son planning...
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Re: Manoel de Oliveira (1908-2015)
ça peux se regarder en 4 soirée, car le film, comme la pièce, est découpés en 4 journée (actes).
"- Il y avait un noir a Orly, un grand noir avec un loden vert. J'ai préféré un grand blond avec une chaussure noire a un grand noir avec un loden vert
- Dites-moi, mon petit vieux, pour faire de la littérature, attendez la retraite. Bonne appétit."
- Dites-moi, mon petit vieux, pour faire de la littérature, attendez la retraite. Bonne appétit."
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Re: Manoel de Oliveira (1908-2015)
D'accord... Donc quand tu vas au théâtre, tu assistes au premier acte un soir et à la suite le lendemain ?Courleciel a écrit : ↑23 oct. 23, 16:38 ça peux se regarder en 4 soirée, car le film, comme la pièce, est découpés en 4 journée (actes).
Pas envie de revenir là-dessus, les gens qui saucissonnent leurs visionnages dans le topic-monstre d'à côté, ça me dépasse. Les pubs sur NRJ12 je n'y peux rien, mais un film n'est pas un livre, j'ai vraiment du mal à faire des coupures.
Thaddeus a l'air d'avoir apprécié L'étrange affaire Angelica et Singularités d'une jeune fille blondes, deux merveilles tardives mais pas crépusculaires, il échappera de justesse aux plumes et au goudron.
(pour cette fois )
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Re: Manoel de Oliveira (1908-2015)
Pour défendre un peu mon cas, et au passage gagner un chouïa de crédibilité aux yeux de tchi-tcha, je conviens volontiers que Leonor Silveira est l'un des plus solides arguments en faveur du cinéma d'Oliveira, notamment de Val Abraham. La dame, d'une élégance sans défaut, dégage une sorte d'assurance altière assez troublante.
J'ai eu l'occasion il y a peu de découvrir Francisca sur grand écran : l'un de ses plus fameux et réputés, je crois. Mais j'ai vu qu'il durait près de trois heures et ça m'a calmé direct.
J'ai eu l'occasion il y a peu de découvrir Francisca sur grand écran : l'un de ses plus fameux et réputés, je crois. Mais j'ai vu qu'il durait près de trois heures et ça m'a calmé direct.
- Alexandre Angel
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Re: Manoel de Oliveira (1908-2015)
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.
m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
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Re: Manoel de Oliveira (1908-2015)
C'est surtout que le commentaire récap de Thaddeus m'a stupéfait, et c'est un compliment.
Pour un cinéaste qu'il goûte peu, il en a plus vu, et beaucoup plus, que des films d'Henry Hathaway . Il y en a même trois que je n'ai jamais vu, dont son "plus grand succès commercial" (sauf erreur) Je rentre à la maison.
Ensuite, il en parle avec une précision dont je serais, dans la plupart des cas, incapable au vu de la distance qui me sépare de leur visionnage.
Et pour finir, même la façon dont il en dézingue certains me donne envie de les (re)voir tout simplement parce qu'il en exprime infailliblement la richesse réversible : c'est aussi, aussi paradoxal que cela puisse paraître, de par ce qui peut irriter chez le cinéaste, que le plaisir, voire l'euphorie, peuvent survenir.
C'est que le cinéma d'Oliveira n'obéit à aucune règle de juste mesure dans le domaine de la réceptivité : on s'y love, on s'en enveloppe..ou pas. Il ne s'agit jamais de trancher (Mon cas fut une purge pour moi mais c'est le seul qui m'ait fait cet effet et je ne serais pas contre le réessayer).
Mon gros désaccord avec Thaddeus, ou plutôt, différence de perception, provient de certains termes que je retourne tout de go en mon for intérieur : si éventuellement, je comprends la notion de hiératisme, mais qui demanderait tout de même à être nuancée, c'est avec celle de l'aridité que je suis obligé de prendre mes distances. Ce cinéma est pour moi tout sauf aride : je le trouve sensuel, tout en rondeur, nourrissant de culture, au sens immémorial du terme et aucunement pédant.
Et ce coup de caméra, mon dieu, c'est comme si Oliveira filmait avec ses yeux. Dans un tout autre style (c'est le moins qu'on puisse dire), le seul autre cinéaste à me faire cet effet serait Stanley Kubrick.
Et puis cette langue! Le portugais, chez Oliveira et son disciple iconoclaste Joao Cesar Monteiro, c'est du miel qui coule dans nos oreilles.
Et en conclusion, pour un peu toutes les raisons que je viens d'invoquer, parce que Oliveira se fait rare sur ce forum et aussi parce que l'exercice auquel se livre régulièrement l'ami Thaddeus de récapituler ce qu'il connait d'un cinéaste ne constitue pas ce sur quoi je me précipite le plus (je suis toujours un peu rétif aux classements ainsi qu'au principe de la synthèse), je dirais que ce post spécial Oliveira me paraît tout spécialement jubilatoire.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.
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