Hier soir à la maison, discussion avec madame qui me dit :
- Ah tiens, t'as vu, y a BAC Nord ce soir; on l'a vu au fait ou pas ?
- Euh non, mais je savais qu'il passait et j'ai quand même préparé une pile de films alternatifs à la place.
Finalement, on a testé, elle a tenu 30 minutes, moi jusqu'au bout, et c'est sans surprise exactement ce que j'en avais lu, et même plus encore quand on y ajoute l'accent marseillais intermittent de François Civil et le rythme mollasson du film qui, finalement, met environ 1h à arriver au coeur de son sujet.
Pour le reste, le film est effectivement le fantasme viriliste et "gentiment" réac' vanté par certains à l'époque, faisant de ces cowboys lardés de passe-droits quotidiens des pauvres petites victimes innocentes broyées par le méchant système juste pour avoir voulu donner "un vrai coup de pied dans la fourmilière". En pratique, le film se loupe dans ce qu'il essaie de faire pour de multiples raisons.
Premièrement, comme film musclé, c'est raté. Passée une jolie mais trop brève course-poursuite introductive, le film se contente de suivre pendant 1h son trio principal faire les 400 coups en roue libre, filant des baffes aux 1ers venus, laissant filer des dealers de tortues qu'ils ont pourtant bien fait iech pendant 10 minutes juste avant, et roulant à fond les ballons à contre-sens sur le périph' marseillais pour on ne sait pas trop quelle raison (sauf que, je suppose, c'est censé faire kiffer les spectateurs). Et quand le film finit enfin par se chauffer, Jimenez ne sait pas faire autre chose que du bruit comme si automatiquement, le bruit créait la tension. Ca gueule, ça braille, ça court dans tous les sens, mais y a 0 tension, 0 suspense. Au-delà des évidentes différences de prisme de lecture d'un sujet très similaire, Les misérables de Ladj Ly faisait, du point de vue de la technique et de la construction cinématographique, bien plus efficace.
En cela, BAC Nord fonctionne finalement le mieux dans les moments de calme collectif, où l’assez bonne alchimie du groupe fonctionne et ressort, et où les personnages paraissent plus intéressants que les caricatures virilistes que le film utilise sinon tout le reste du temps.
Ensuite, il se loupe justement comme film avec cette base de départ, càd un trio de flics dont le spectateur est censé se prendre d'affection. Or, difficile d'avoir de la sympathie pour ces persos qui sont longuement dépeints comme des cowboys jouissant d'un paquet de passe-droits intégrés dans leur quotidien. Que font-ils, concrètement, à l'écran à part piquer ce qu'ils peuvent, faire n'imp' en bagnole, foutre des grosses taloches à des gamins de 10 ans, braver la hiérarchie, bouffer à l'oeil sur le dos des commerçants du coin ?
Ah, si : François Civil est aussi montré, en plein cadre, prendre du crack et c'est justement le seul personnage de tout le film montré en train de se droguer, a fortiori avec ce type de drogue (dure) (par contre, ça picole sec à intervalles réguliers). Et pourtant, pour un film si centré sur les trafics de drogue, qui passe autant de temps à montrer la BAC taper les clients à la moindre occasion : 0 conséquence sur l'intrigue, la trajectoire du film, son personnage : le drogué c'est lui, mais les voyous, c'est les autres.
Lellouche passe, lui, son temps à jouer les gros bras mais son perso se résume surtout au cowboy qui emmerde son chef jusqu'à ce qu'il joue le cowboy mais dont son chef est content, avant de nous sortir le fameux Gros Coup De Gueule qui retourne la table (involontairement hilarant là encore).
Reste Leklou, à qui on a collé très rapidement une micro-vie de famille, càd le stéréotype téléphoné laissant 0 suspense sur sa trajectoire.
Quand on additionne tout ça pour aboutir au dernier tiers doloriste où les cowboys bourrins se retrouvent éhontément accusés d’être de vilains ripoux, musique bien mélasse à l’appui de plans du trio devenant fou en zonzon tels une resucée du final de La journée de la jupe (autre grand film moderne s'il en est), c’est compliqué de ne pas rire non seulement des énormes ficelles utilisées, mais aussi du fait que rien n'a été fait narrativement pour permettre l’empathie nécessaire pour ces personnages à ce moment du film. Vu que le film s’est contenté de les laisser lisses et superficiels tout du long car « Je n’ai pas fait un film politique, mais un western urbain » (tout ça).
Mais, enfin aussi et surtout, le film se loupe en sursimplifiant la relative complexité de "l'histoire vraie ayant inspiré le film" en une banale histoire de gentils policiers démunis face aux hordes de délinquants sans visage individuel. Sur ce dernier point, si on a pu reprocher à La chute du faucon noir de transformer une opération issue de l’impérialisme américain en shoot ‘em up géant où les gentils n’Américains dégommaient des hordes de Somaliens interchangeables, BAC Nord tombe 20 ans plus tard exactement dans le même travers, et on ne sait franchement plus trop ce que cherche à faire le film : rester dans le pur fantasme simpliste et bourrin propice à de l'action que le film ne propose que très peu, ou bien être ancré quoiqu'il en soit dans un réel (vrais extraits de vrai JT à l'appui de ce salaud de gauchiste anti-flics de Manuel Valls) que le film semble constamment chercher à éviter.
EDIT : j'ai oublié les panneaux "que sont-ils devenus" qui clôturent le film, avec celui assez formidable de Leklou, dont le perso devient "responsable syndical de la police" (quelle carrière brisée) afin de (quelque chose du genre) "défendre les collègues accusés à tort" (probablement par ces méchants très très méchants de l'IGPN).
EDIT 2 : ah, je vois que je tique sur les mêmes points que certains posts plus hauts.
Alibabass a écrit : ↑2 sept. 21, 14:11Du coup, Bac Nord Vs Fernando Di Leo, même combat ?
Le hasard du calendrier a fait que j’ai vu Deux flics à abattre quelques heures avant BAC Nord et, bah, euh, le film ne propose pas une vision si différente que ça de l’opposition Flics enfin efficaces vs Salauds de criminels très méchants.
C’est d’ailleurs marrant car sur Twitter, certains spectateurs de BAC Nord suggéraient hier soir « pourquoi les flics ne tirent pas simplement dans le tas ? », et c’est justement précisément ce que font les flics du Deodato / Di Leo : embauchés "pour leur tendance à la délinquance", ils butent les méchants (très méchants) en toute impunité pour un boss tortillant gentiment des fesses mais techniquement ravi des résultats (le tout dans un film en mode bourrinator géant au point que ça en devient régulièrement involontairement hilarant

).
Pas inintéressant donc de constater les remarques spontanées générées par BAC Nord (ça et « wow, les flics sont vraiment nos derniers remparts face à la racaille, en fait »), qui me font penser que le fameux journaliste irlandais qui avait interpelé Jimenez à Cannes (pour une réponse au mieux d’une mauvaise foi totale, au pire d’une incompréhension fascinante de sa propre production) avait visé très juste, tout comme de voir le type de rapprochements qu’on peut faire entre BAC Nord et la vision réac’ absolument décontractée et cool d’un film comme le Deodato (qui ne se finit même pas sur une quelconque tentative de rééquilibre moral, c’est de bout en bout en mode vigilante légalement sanctionné, c’en est un objet fascinant sur ce point).
On pourra ensuite arguer du « film de droite ne veut pas forcément dire caca », mais ce qui me gêne n’est finalement pas tant cela qu'un film (et, plus clairement encore, son réal’) qui ne semble jamais assumer son évident positionnement sociopolitique (sinon, le film serait très différent dans son déroulé et on n'aurait notamment sûrement pas ce dernier tiers), et qui sursimplifie assez follement absolument tout jusqu’à devenir, tout simplement, une simple caricature stéréotypée. Pour le coup, j'aurais encore préféré que le film aille jusqu’au bout de la vision des choses qu’il déploie et donne à la foule ce qu'elle demande (des larmes ET du sang), plutôt que de sembler constamment le cul entre deux chaises, montrant des cowboys qui font les cowboys et c’est pas bien jusqu’à ce qu’il nous montre des cowboys faisant les cowboys et c’est bien, ah mais en fait non, les pauvres, c'est bien MAIS la sociétaÿ n'est pas prête à les laisser nettoyer de la sorte la vermine des quartiers ensauvagés par l'immigration massive.
A côté, le Deodato est, justement, autrement meilleur.
Papus a écrit : ↑25 sept. 21, 11:20Et sinon ça n'a choqué personne le cri de Wilhelm dans une prod de ce genre ? Pendant la scène de l'intervention chez la nourrice qui se veut bien tendue, ça a quelque peu altéré l'effet voulu me concernant.
J'avais oublié qu'il y était, je me suis demandé si j'avais rêvé tant ça me semblait totalement ubuesque, je vois que non.