Clear Eyes, Full Hearts Can't Lose !
« S’il est vrai que l’art commercial risque toujours de finir prostituée, il n’est pas moins vrai que l’art non commercial risque toujours de finir vieille fille ».
Erwin Panofsky
Le genre de films devant lequel je me retrouve totalement circonspect, à me demander si c'est moi qui suis bête ou si ce sont les autres qui seraient devenus complètement fous.
Parce que oui : c'est un joli petit film. Une sorte de coming of age-story délicate, basée sur plein de petits moments de vie qui n'ont a priori l'air de rien, mais qui veulent probablement dire beaucoup pour la jeune fille dont il est question ici.
Sauf qu'à force d'être joli sans donner l'air d'y toucher, on tombe vite dans le piège du film anodin, voire anecdotique. Le genre d'expérience esthétique et sensorielle qui en devient quasi insaisissable, diffuse, où j'ai eu bien du mal à m'accrocher à quoique ce soit.
En fait, ça m'a l'air d'être le prototype même du film où c'est au spectateur de combler les trous et d'y apporter ses propres fêlures et traumas. Sans ça, ça ne marche pas.
Personnellement, il m'a fallu attendre la séquence (quasi) finale sur fond de "Under Pressure" pour commencer à ressentir quelque chose et à m'intéresser enfin à cette petite histoire somme toute très classique. Mais malheureusement, c'était déjà trop tard. Car à force de vouloir à tout prix éviter le tire-larmes et le pathos, la cinéaste ne touche finalement rien en moi, qui n'y ai vu qu'une suite de petits instants fugaces qui ont peiné à évoquer quoique ce soit dans ma vie personnelle.
Et je dis ça alors que le film avait a priori tout pour me plaire, moi qui suis particulièrement friand de "nostalgia porn", notamment lorsque ça implique des souvenirs tournés au caméscope (c'est pile le genre de trucs capable de vite me faire venir les larmes, ça). Sauf que là...non.
Je vais donc aller me relire ses nombreuses critiques à 5 étoiles sur Letterboxd, histoire de savoir à côté de quoi je suis passé - et aussi histoire de me rassurer sur mon état mental.
C'est un film à énigme qui laisse traîner plusieurs pistes (notamment sur l'inceste) sans prendre vraiment position. C'est effectivement au spectateur de combler les trous, sauf qu'il peut le faire avec ce qu'il veut, et ça je suis moins client...
Aftersun : 5/10
"Un film n'est pas une envie de faire pipi" (Cinéphage, août 2021)
Nestor Almendros a écrit : ↑4 févr. 23, 18:27
Tar : 6/10
Un film peu aimable qui repose presque entièrement sur les épaules de Cate Blanchett.
Peu aimable ?! Au contraire, je l'ai trouvé jouissif de la première à la dernière seconde. Cate Blanchett est bien sûr impériale, mais le scénario aussi est brillant, il prend les spectateurs pour des personnes capables de réfléchir, c'est devenu rare et ça fait du bien !
C'est un film peu aimable parce qu'il ne prend pas le spectateur par la main et qu'il demande une certaine exigence, surtout qu'il n'y a pas d'intrigue forte. J'ai été captivé en quelque sorte grâce à Cate Blanchett qui porte le récit, apprécié l'aspect documentaire de la première partie, mais je reste trop circonspect au final.
"Un film n'est pas une envie de faire pipi" (Cinéphage, août 2021)
Complexe, pas forcément immédiatement aimable, Tar de Todd Field est un film fort dont le sujet principal semble être la musique puis le pouvoir mais pourrait bien être encore ailleurs... j'y reviendrai sur le topic.
Le scénario est d'une intelligence rare, l'un des mieux pensés de ces dernières années. La mise en scène et le travail sur le son sont au cordeau.
Le discours sur la musique est fort heureusement dénué de la moindre volonté de simplification outrancière et irréaliste: si je vois un film qui se déroule dans cet endroit là, ce serait anormal que les personnages ne soient pas des initiés et je capte ce que je peux, pas grave du moment que je saisis l'essentiel. Je pense que c'est l'un des films les plus exigeants que je connaisse sur la musique, l'équivalent du Edvard Munch de Watkins pour la peinture
Le personnage de Tar n'est pas a priori aimable mais bien moins détestable que ceux qui l'entourent à commencer par l'assistante chouineuse et transie amoureuse ( utilisation très pertinente et un peu retorse d'une actrice proche de C Sciamma compte tenu du thème) ou le jeune musicien qui refuse Bach pour des raisons d'une connerie abyssale.
Ce qui arrive à Tar est terrifiant et caractérise bien les errances de notre époque lamentable qui joue la médiocrité contre l'art.
K Blanchett est certainement la plus grande actrice américaine en activité avec M Streep dans ses meilleurs jours: elle est tout simplement prodigieuse!
Même si elle porte le film à son point d'incandescence, ce n'est que l'un des remarquables ingrédients du film qui en comporte de nombreux.Todd Field un nom à retenir et que j'avais oublié alors que Little children m'avait déjà plu lors d'un visionnage TV mais il me faudrait le revoir.
Un film passionnant qu'il ne faut surtout pas manquer!
J'ai failli passer mon chemin en voyant la BA , heureusement des amis me l'ont conseillé et m'ont dit qu'il ne fallait pas s'y fier.
9/10
Nestor Almendros a écrit : ↑5 févr. 23, 17:53
C'est un film à énigme qui laisse traîner plusieurs pistes (notamment sur l'inceste) sans prendre vraiment position. C'est effectivement au spectateur de combler les trous, sauf qu'il peut le faire avec ce qu'il veut, et ça je suis moins client...
Aftersun : 5/10
On est d'accord.
En revanche, tu es donc le second à parler d'inceste...alors que ce n'est pas du tout ce que j'y ai vu, perso :
le plan sur la carte postale au texte très laconique que le père a écrit à sa fille, le fait qu'il soit en larmes après l'avoir écrite, puis le fait que la version adulte de la jeune femme semble en vouloir terriblement à son père, qu'elle continue de le voir habillé de son polo qu'il portait à l'aéroport au moment de leurs adieux...soit autant d'éléments qui m'ont plutôt fait penser à un suicide, d'autant plus que le daron a plus d'une fois l'air légèrement dépressif au cours de leur séjour.
le plan sur la carte postale au texte très laconique que le père a écrit à sa fille, le fait qu'il soit en larmes après l'avoir écrite, puis le fait que la version adulte de la jeune femme semble en vouloir terriblement à son père, qu'elle continue de le voir habillé de son polo qu'il portait à l'aéroport au moment de leurs adieux...soit autant d'éléments qui m'ont plutôt fait penser à un suicide, d'autant plus que le daron a plus d'une fois l'air légèrement dépressif au cours de leur séjour.
