
Frederic Dard tient une place importante dans l'évolution du polar français du milieu des années 50 au début des années, et il aura donc même réalisé un film, adaptant son propre roman, avec le support technique de Pierre-Granier Deferre. Une gueule comme la mienne raconte l'histoire de Paul un journaliste résistant sauvé d'une rafle par un ancien ami, qui travaille pour un journal collaborationniste. Il va proposer de cacher Paul chez lui, créant un étrange ménage à trois entre sa femme, Paul et lui.
Nous avons affaire à un pur film noir, en quasi huis-clos : une femme fatale et deux hommes dans un certain brouillard moral. La tension fonctionne bien, avec un suspense sur le dénouement que j'ai trouvé particulièrement efficace. Le film repose sur des dialogues tout à fait remarquables - on n'en attendait pas moins de Dard - qui n'écrasent pas le récit dans une succession de bons mots mais qui le servent par leur finesse et leur double sens quasi constant. L'écriture des personnages est également une vraie qualité, les deux personnages masculins portant une ambigüité morale très crédible, avec des interprétations subtiles de Paul Guers et Jacques Duby. Et surtout Dard nous offre une très belle femme fatale, loin d'être réduite au rôle de potiche. Le personnage se développe brillamment durant tout le film, s'imposant comme le moteur réel du récit. Claire Maurier est admirable dans le rôle, belle, à la fois touchante et retorse, elle offre une performance à la hauteur des grandes figures du genre.
On pourrait reprocher au film son côté un peu verbeux, induit par le huis-clos, sans réelle action. Cela aurait pu être un défaut mais la qualité des dialogues annule cet aspect, et le film fonctionne bien du côté du rythme. La mise en scène est classique mais efficace, avec quelques belles réussites notamment dans la première séquence de rafle. Associé à un montage efficace, cela donne un film particulièrement plaisant à suivre, qui devrait ravir les amateurs du genre.