The Hoodlum de Max Nosseck (1951)
Réalisation : Max Nosseck / Production : Maurice Kosloff / Distribution : Eagle Lion / Scénario : Sam Neuman et Nat Tanchuk / Photographie : Clark Ramsey / Musique : Darrell Calker
avec Lawrence Tierney (Vincent Lubeck), Allene Roberts (Rosa), Marjorie Riordan (Eileen), Lisa Golm (Mme Lubeck), Edward Tierney (Johnny Lubeck), Stuart Randall (le lieut. Burdick)
Alors que le directeur de la prison où il purgeait une peine de 5 ans pour le braquage d'une banque ne croit pas du tout en sa réinsertion, Vincent Lubeck, un jeune homme au lourd passé judiciaire est tout de même libéré sur parole après intervention de sa mère qui plaide sa cause auprès de la commission des libérations conditionnelles. Vincent rentre chez lui ou plutôt découvre la nouvelle maison de la famille, celle achetée grâce à la prime d'assurance vie du père et aux premiers gains de Johnny Lubeck, le jeune frère de Vincent qui vient d'acheter une station service. Mais cette petite réussite ne semble susciter que le mépris de Vincent. Malgré ses réticences, Johnny accepte néanmoins d'employer Vincent comme pompiste et mécanicien. Très vite, une jolie cliente qui apporte sa voiture en réparations, attire l'attention de Vincent. Il faut dire qu'elle est la jeune secrétaire de la banque située en face du garage …
The Hoodlum aka
The Lawrence Tierney Experience … Ce film dont le titre original peut se traduire par "Le voyou" aurait pu s'appeler en français :
L'irrécupérable. Ce cas pathologique terrifiant, mais qui est aussi - si on veut (question de sensibilité

) - un cas social est interprété par un très bon Lawrence Tierney qui trouvait, encore une fois grâce à Max Nosseck, un rôle à sa mesure puisque ce metteur en scène globe trotteur peu prolifique aux USA (une grosse dizaine de films) l'employa 4 fois après lui avoir offert le rôle qui lança sa carrière, celui de Dillinger dans son film de 1945. Mais en 1951, en raison de ses frasques hors plateau, la carrière de Tierney en tant que tête d'affiche était déjà pratiquement derrière lui. Dès l'année précédente, il n'était déjà plus que le 3ème couteau d'un honnête film noir comme
Reportage fatal, devancé au générique par Howard Duff, Brian Donlevy ou même Bruce Bennett et on ne l'a plus retrouvé n°1 au générique que dans quelques petits films criminels d'une heure comme celui de Nosseck. Le programme est donc court mais il est copieux dans cette petite série B pourtant absolument fauchée dont une bonne partie des interprètes principaux n'a pas fait véritablement carrière ; ni le plus jeune frère de Lawrence Tierney, Edward qui joue … son frère ; ni la vamp de la bande que reconstitue Vincent Lubeck (interprétée par Angela Stevens) ni même Allene Roberts qui joue Rosa, la jeune femme que doit épouser le frère de Vincent, même si on la vu tenir quelques rôles relativement importants dans d'autres films criminels. La seule qui avait de la bouteille, Lisa Golm (la mère de Lubeck) en fait des caisses (notamment quand elle supplie les membres de la commission de libérer son bon garçon

).
Le film est néanmoins à voir notamment pour le show Tierney, inégalable dans un registre certes limité. Même si le personnage multiplie les ignominies et s'il est donc bien tel que l'annonçait le directeur de la prison en ouverture du film : un jeune homme impossible à réinsérer ; même si c'est ensuite illustré avec pas mal de complaisance dans la noirceur, on trouve néanmoins trace de petites notes n'atténuant pas les responsabilités de Vincent mais lui concédant quelques circonstances atténuantes. D'abord la naissance et l'enfance, encore plus bas que le caniveau, le fameux
Sidewalk dont il est question dans plus d'un film noir : celui d'où l'on vient … ou celui dans lequel on peut tomber en se tenant trop près du bord. Une enfance qui ne s'oublie visiblement pas puisque lorsque la mère de Vincent se montre fière de la nouvelle mais modeste maison familiale qui constitue un progrès par rapport à celle située juste à coté de la décharge municipale où ses garçons avaient grandi, Vincent lui répond à la fin d'une tirade assez brillante
(1) :
Dough is the only thing that will cover up the stink of the city dump (le fric est la seule chose qui pourrait couvrir la puanteur de la décharge de la ville)


Sa libération n'atténue donc en rien son amertume et sa colère mais ces traits de caractère sont encore accentués dès les premiers temps de sa libération, provoqué qu'il est par les réactions de son entourage ou les réminiscences de son passé. Quelque soit ce passé, même si on subodore que le jeune frère a toutes les raisons d'être échaudé, il se montre très vite, très sévère et très exigent avec Vincent, lequel n'est pas aidé non plus par le harcèlement du flic qui l'avait arrêté 5 ans plus tôt et qui revient le cuisiner sur son lieu de travail … le perturbant et le poussant à la faute … ce qui donne donc des arguments à son jeune frère. Des engrenages que Nosseck montre concrètement, bien aidé il est vrai par un scénariste qui avait fait de la station service du petit frère, la station de guet idéale pour celui qui a des facilités pour mal tourner. On va dire que c'est la fatalité plutôt que le scénariste qui a placé juste en face du nouveau lieu de travail de Vincent Lubeck une belle banque ! Mais cette finesse a été bien utilisée car avant même que lui même en ait l'idée, malgré que les regards de Vincent aient été immédiatement attirés par ce qui se passe de l'autre coté de la rue (on ne se refait pas …
Tiens, lui aussi ) le flic subodore ce qui n'existe pas, ou pas encore : un cambriolage déjà programmé.


La suite est en revanche programmée ; les mauvaises relations que l'on retrouve après le travail ne faisant qu'accélérer le cours des événements que de toute façon très vite Vincent prend en main et orchestre. Même si on anticipe bien sûr dès le début l'essentiel de ces événements, il est absolument impossible d'en envisager par avance la noirceur. Le début des ignominies commence d'ailleurs dans le cadre privé quand le soir même de la journée de travail humiliante sommairement décrite un peu plus haut, à la suite de nouveaux reproches exprimés par son frère, Vincent va s'isoler sur le toit de la maison, recevoir le soutien et des marques de compassion de la part de Rosa, la fiancée à son frère. De colère, Vincent va alors libérer les colombes détenues en cage puis voler un baiser à sa future belle soeur après s'être moquer de ses belles certitudes et de son optimisme ! Ce n'est que le début de ses exploits car le diabolique Vincent Lubeck va tout détruire autour de lui …


Les péripéties à proprement parler criminelles ne donnent d'ailleurs pas les séquences les plus réussies. Le prix de ce petit film, c'est la succession de séquences fortes, intrigantes ou brillantes, parfois par le dialogue souvent incisif. Elles débutent dès les premiers instants car Max Nosseck ne perd pas de temps. Le générique défile en effet en surimpression d'images montrant un Lawrence Tierney ayant l'air inquiet et dépité se trouvant à bord d'une voiture conduite par un homme inconnu tenant un revolver (l'inconnu ne le reste pas longtemps puisqu'on découvre très vite qu'il s'agit de son jeune frère). Puis on nous montre - sans nous l'expliquer - qu'il s'agissait probablement d'événements que l'on retrouverait plus tard puisque les premières scènettes post générique reviennent à l'origine, aux premiers actes délinquants de Vincent qui défilent très vite. Puis vient le temps de la libération. Au plaidoyer puissant de la mère de Vincent, le directeur de la prison qui finit par se résoudre à la libération du jeune homme, répond à sa manière. Avant d'ouvrir la porte de la prison, il ouvre celle qui conduit à la chaise électrique en avertissant Vincent que c'est probablement là qu'il finira ! La suite amène trop loin dans l'intrigue, c'est pourquoi je poursuis en spolier
- Spoiler (cliquez pour afficher)
- Par la suite, en dehors de l'attaque à main armée, le plus grand forfait de Vincent sera donc de corrompre la petite amie de son frère et de la mettre enceinte … ce qui entraine son suicide ! Le repas qui suit la mort de Rosa est terrible car Vincent est le seul à pouvoir joyeusement se contenter ce qui lui attire pour la première fois les regards soupçonneux de sa mère. Plus tard, dans l'épilogue, lorsqu'il se retrouve traqué par la police, il court chez la jolie banquière … qui lui met un revolver sous le nez et du coup il retourne sur les genoux de maman mais celle ci est à l'article de la mort et la confession qu'elle fait à celui qu'elle avait jusque là toujours farouchement défendu est extraordinaire. Pour répondre aux propos amers de Vincent prononcés plus tôt, elle va lui répondre : All the times you was yelling about the smells from the City Dump … You are the Smell !! You are the Stink !!! avant de mourir en serrant toutefois sa main sur la tête de son fils. On peut voir ce qui suit, c'est à dire la scène finale comme une adaptation à la "film noir" de la prière des morts : Ashes to ashes, Dust to dust … Dump to Dump ! Et on finit par se dire que cette idée de fuite dans une voiture funéraire, si ça n'était pas une idée de génie, c'était au moins de la divination.
L'un des meilleurs Lawrence Tierney. 7/10
(1) Voici plus précisément ce que Vincent Lubeck répond à sa mère qui lui demande de profiter de l'air pur après qu'il ai fait part de son amerture pour l'argent de la prime d'assurance vie dépensé dans la nouvelle maison.
Stop it, Ma! Keep the windows closed ! What was the use ? The stink came through them anyhow into all the corners of your lungs, your skin! Even if you took a bath every day, the stink would still stink! Our playground, where we picked up a few pieces of junk to get spending money. A rotten stink! Even now we're not too far away from it! Yeah, but you wait! I've got ideas. I'll get plenty of money ! Yeah, dough ! That's the only thing that'll ever cover up the stink of the city dump! // Arrête, Maman ! Laisse les fenêtres fermées ... à quoi ça servait ? L'odeur passait au travers et allait jusqu'au tréfond de vos poumons, de votre peau ! Même en prenant un bain tous les jours la puanteur était encore puante ! Notre aire de jeux : c'était où nous ramassions quelques dechets pour nous faire de l'argent de poche ! Une puanteur ! Même maintenant nous n'en sommes pas assez loin ! Oui mais attends ! J'ai des idées ! J'aurais beaucoup d'argent ! Oui, du fric ! L'argent est la seule chose qui poura jamais recouvrir la puanteur de la décharge municipale.