Don Siegel (1912-1991)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Re: Don Siegel (1912-1991)

Message par Jeremy Fox »

Mes 3 chouchous du cinéaste :

1- Madigan
2- The Big Steal
3- Charley Varrick

et en bonus un western de série B que je ne me lasse pas de revoir Duel at Silver Creek avec Audie Murphy.
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Profondo Rosso
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Re: Don Siegel (1912-1991)

Message par Profondo Rosso »

La Ronde du crime (1958)

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Une bande de trafiquants d'héroïne a trouvé un moyen astucieux de faire passer la drogue. Ils la cachent dans des objets achetés par les touristes. Lorsque ces derniers reviennent à San Francisco, ils sont pris en filature par plusieurs complices des passeurs pour récupérer le précieux chargement. Deux de ces hommes, Dancer, un psychopathe extraverti, et Julian, un homme froid et calculateur, doivent reprendre la poudre à trois personnes qui viennent de débarquer, mais la police a découvert la manœuvre...

The Lineup est une œuvre qui pose les jalons de grandes réussites à venir pour Don Siegel, que ce soit le récit accompagnant deux tueurs (Les Tueurs (1964)), l'exploitation magistrale de l'urbanité de la ville de San Francisco (L'Inspecteur Harry (1971)) et l'exploration de la personnalité imprévisible d'un psychopathe (Inspecteur Harry encore). On aurait cependant tort de voir dans The Lineup un brouillon de ces œuvres plus connues puisqu'il s'impose comme une réussite tout aussi magistrale et un vrai classique du polar. Le film adapte la série tv éponyme à succès dont Don Siegel réalisa l'épisode pilote. Au départ le réalisateur souhaitait axer son récit sur le duo de tueur mais contraint par son producteur il devra tout d'abord tout d'abord suivre la police afin d'assurer une présence conséquente au très populaires héros de la série. Loin d'en faire une corvée, Siegel manie avec brio narration alerte et sécheresse narrative. L'ouverture percutante distille le mystère et l'adrénaline avec ce vol de bagage et fuite de taxi à l'issue mortelle, Siegel nous mettant sous tension d'emblée face à une violence et un danger incertain. L'enquête policière tant dans la révélation limpide des informations que des dialogues sans fioritures maintient l'intérêt avec la bascule qu'amène l'introduction des tueurs.

Le leitmotiv est très original avec cette "tournée" des malfrats récoltant de la drogue auprès de passeurs plus ou moins involontaires. Là encore le minimalisme narratif parvient à faire ressentir le côté froid et tentaculaire de l'Organisation tandis que paradoxalement le duo constitué d’Eli Wallach et Robert Keith en donne un visage plus humain. Eli Wallach est comme une bête difficilement apprivoisée et éduquée (l'étonnante initiation au subjonctif qui introduit les deux personnages) par Robert Keith qui le guide et le laisse déployer sa violence quand la mission l'impose. Chaque récolte permet d'exploiter une situation différente et de donner une facette différente de la folie latente d'Eli Wallach. Quel que soit le masque qu'il emprunte, le regard dément et la gestuelle nerveuse ne restent que brièvement contenus pour laisser à la moindre anicroche sa brutalité s'exprimer avec délectation. Siegel se montre particulièrement ingénieux et virtuose pour mettre en valeur la tournée, le sang venant troubler la vapeur immaculée d'un hammam d'un coup de silencieux, toute cette maison bourgeoise dont le domestique asiatique est brutalement abattu. La complémentarité entre le bras armé de Wallach et l'intellect ironique de Robert Keith (qui fait collection des derniers mots des cibles dans un carnet) est parfaite jusqu'à ce que la machine se grippe et s'oppose à l'opacité de l'Organisation. Le visage presque trop humain et séducteur dont doit user Wallach pour séduire une mère de famille n'a d'égal que son explosion de colère lorsque la marchandise s'avérera perdue. Ainsi déréglé dans leur équilibre fragile, le duo se perd dans une violence désormais incontrôlable où se dévoile tout la monstruosité de ce monde criminel où même le mentor dévoile sa démence avec cette mémorable tirade machiste sur l'émotivité des femmes les rendant inutile. Une autre réplique mémorable vantera "l'honnêteté" nécessaire dans le crime : When you live outside the law, you have to eliminate dishonesty.

Visuellement la mise en scène de Don Siegel use de manière impressionnante des possibilités de San Francisco. Une rencontre sur les docks, le hammam, l'aquarium où l'incroyable décor de la patinoire, chaque environnement sert une émotion différente servie par une même tension tout au long du récit. Le duo tueurs semble maîtriser et se fondre idéalement dans cette urbanité jusqu'à ce qu'une rencontre fatale à la patinoire fasse leur perte, le Boss signifiant même explicitement par le dialogue que la ville est désormais un piège dont ils ne réchapperont pas. Cette inversion se signale lors de la mémorable course-poursuite où autrefois maître du temps et de leur agenda meurtrier, les tueurs sont dépassés jusqu'à cette scène emblématique où une autoroute en construction inachevée stoppe leur fuite. Eli Wallach semble comme happé par la ville dans la façon dont Siegel filme sa chute. Une conclusion à la hauteur de ce fabuleux polar. 5,5/6
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Rick Blaine
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Re: Don Siegel (1912-1991)

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:D

Content que tu aies aimé, j'adore ce film !
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Profondo Rosso
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Message par Profondo Rosso »

Ah oui belle découverte ça m'étonne même qu'il ait si peu de notoriété parmi les grands polars de Siegel. Eli Wallach c'est vraiment un des personage de tueurs les plus fascinant que j'ai pu voir quelle interprétation ! Et c'est seulement son deuxième rôle au cinéma.
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Alexandre Angel
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Re: Don Siegel (1912-1991)

Message par Alexandre Angel »

Purée, mon dvd commence à s'impatienter sévère!
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Profondo Rosso
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Re: Don Siegel (1912-1991)

Message par Profondo Rosso »

Crimes in the streets (1956)

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Frankie, le leader du gang de jeunes délinquants, les Hornets est sur le point de commettre un meurtre. Ben Wagner, travailleur social tente de le dissuader et de le remettre dans le droit chemin.

Durant les années 50 les Etats-Unis se découvrent une nouvelle menace venue de l'intérieur avec la montée de la délinquance, illustrée parmi les première fois au cinéma avec le fameux L'équipée sauvage (1953) de László Benedek. Le film crée donc une forme de sous-genre dans lequel s'engouffrent Graine de violence (1955) de Richard Brooks et La Fureur de vivre (1955) qui traitant aussi du mal-être adolescent à travers cette vision de la délinquance. Crimes in the streets est à l'origine un téléfilm de Sidney Lumet sur un scénario de Reginald Rose. Don Siegel s'attelle donc à la version cinématographique à laquelle il doit donner une ampleur plus grande que le téléfilm d'une heure.

L'un des écueils de ces films des années 50 traitant de la délinquance était la nature certes choquante pour l'époque mais risible pour un spectateur contemporain des méfaits de ces petites frappes. Avec un Don Siegel maître pour instaurer la menace urbaine le problème ne se pose pas, et la violence ambiante se pose dès la mémorable scène d'ouverture voyant l'affrontement entre deux gangs. Planches cloutées, cran d'arrêts et clés à molettes fendent la nuit de ce terrain vague par leur fracas et dégâts dévastateurs pour une séquences dont la férocité sanglante fit des difficultés au film avec la censure. La longue torture d'un prisonnier de bande adverse achève de poser ce climat malsain. Dès lors Siegel peut s'attarder sur les personnalités des délinquants, entre l'intimidant Frankie (John Cassavetes qui jouait déjà dans le téléfilm et encore casté en ado alors qu'il avait déjà 27 ans), le vrai psychotique rigolard Lou (le futur réalisateur Mark Rydell) et le plus tendre mais cherchant à se faire valoir "Baby" (Sal Mineo échappé de La Fureur de vivre). Siegel restreint le cadre du récit à une ruelle et les enjeux dramatiques au meurtre que planifient Frankie et ses acolytes envers un voisin qui a "mouchardé" un complice à la police. L'éducateur Ben Wagner (James Whitmore percevant la menace va tenter de les résonner.

Don Siegel par ce minimalisme en contrepoint à cette ouverture brutale pose ainsi un climat tendu où se révèlent la rage contenue et le mal-être des personnages. Tous choisissent la mauvaise voie pour s'affirmer et guérir leur maux, que ce soit Frankie ne supportant pas la misère qui l'entoure et Baby influençable par cette volonté de paraître un "homme" (on pourrait y voir une allusion sous-jacente à la sexualité de Sal Mineo mais finalement c'est plutôt le personnage de Mark Rydell étrangement accroché à Cassavetes qui l'évoque). Les maux familiaux offrent des séquences très touchantes, tant dans la violence psychologique (Frankie ignorant sa mère et terrorisant son jeune frère) que l'incompréhension (Baby rejetant la tendresse protectrice de son père) et il faut toute la ténacité de Ben Wagner pour faire vaciller leur volonté criminelle. C'est passionnant tant par la justesse et l'intensité des situations que par l'interprétation remarquable. John Cassavetes tendu à bloc parvient à distiller subtilement une certaine fébrilité et James Whitmore est un véritable roc dont le charisme tranquille ne se laisse pas dépasser par ces jeunes chiens fou. La fulgurante conclusion fait preuve d'une belle émotion où l'heure sera venue d'assumer les conséquences de ses actes. 4/6
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Kevin95
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Re: Don Siegel (1912-1991)

Message par Kevin95 »

THE SHOOTIST - Don Siegel (1976) révision

Requiem pour le Duke. The Shootist renvoie le parfum d'un dernier film par tous les pores, dernier John Wayne, lumière automnale, comédiens de l'ère classique (James Stewart, Lauren Bacall) venus saluer la dépouille du mythe, musique en demi-teinte d'Elmer Bernstein et mélancolie à tous les étages. Si vous voulez de la poudre et des chevauchées venez pas chez moi, dixit la péloche, même Don Siegel s'est mis au thé pour l'occasion. Les pantoufles sont de sortie, soyons honnête, The Shootist préfère les balades en forêt au récit rondement mené, préfère les lumières qui s'éteignent doucement aux morts tragiques et c'est très bien comme ça. Non que le film de Siegel soit exempt de défauts (je viens plus ou moins de les lister), mais il a pour lui cette pudeur, cette dignité de ne pas trop en faire, de ne pas faire de la maladie de son illustre interprète un spectacle mais un sentiment, une émotion. Le film est parfois tout tristoune, tout mollasson mais c'est pour mieux amener son final et ses lourdes larmes lorsque Wayne fait ses adieux. Imparfait mais attachant.
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Re: Don Siegel (1912-1991)

Message par Kevin95 »

ROUGH CUT - Don Siegel (1980) découverte

Un Don Siegel tardif, à l'époque où le réalisateur s'en fout un peu de son métier et pense à sa retraite méritée. Il n'y a pas que le réalisateur qui s'en carre puisque ses deux derniers films ne jouissent pas d'une cote folle, inconnus auprès de beaucoup et méprisés par les autres. Or si Rough Cut porte bien les traces du dilettantisme de son auteur (et du bordel de sa production), comme Jinxed ! (1982), ça reste du bon boulot, mené sans se faire suer pour un spectateur passablement bon public. On aurait pu attendre mieux de la rencontre Burt Reynolds - Don Siegel (l'ami Burt a bien bossé non sans succès avec Robert Aldrich alors pourquoi pas Don), mais qu'importe, les deux s'amusent. Variation du To Catch a Thief (1955) d'Alfred Hitchcock, le film est un jeu de dupes léger, un peu longuet sur la fin (surtout que le personnage de David Niven est introduit narrativement au chausse-pied et se contente de répéter plusieurs fois ses répliques) mais sympathiquement désuet, loin du bouquant des 80's et du style nerveux de Siegel. La scène du hold-up rappelle le temps de quelques minutes que le réalisateur est capable d'efficacité, mais ce n'est pas cela qui prime dans Rough Cut mais le plaisir du bon mot, du baiser devant la porte et des imitations plus ou moins foireuses (Burt s'essaye à du Cary Grant et du Omar Sharif). Anecdotique mais agréable.
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Re: Don Siegel (1912-1991)

Message par moonfleet »

Profondo Rosso a écrit :Ah oui belle découverte ça m'étonne même qu'il ait si peu de notoriété parmi les grands polars de Siegel. Eli Wallach c'est vraiment un des personage de tueurs les plus fascinant que j'ai pu voir quelle interprétation ! Et c'est seulement son deuxième rôle au cinéma.
Je l'ai regardé hier soir, Eli Wallach y est fabuleux, c'est effectivement sa deuxième apparition dans un film, après Baby Doll où il donnait déjà une grande interprétation (et où j'ai découvert l'acteur). Sa relation avec l'autre malfrat (Robert Keith) qui est un peu son mentor et qui utilise la 'sauvagerie de psycho' de Dancer est très originale, et puis le les extérieurs de San Francisco forment un décor très attrayant et varié suivant les scènes, chaque tentative de récupération de la came est dramatiquement très éprouvante, sèchement violente, jusqu'au final avec la femme et sa fille, c'est l'un des meilleurs thriller policier que j'ai vu depuis longtemps.
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Alexandre Angel
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Re: Don Siegel (1912-1991)

Message par Alexandre Angel »

moonfleet a écrit :Je l'ai regardé hier soir, Eli Wallach y est fabuleux, c'est effectivement sa deuxième apparition dans un film, après Baby Doll où il donnait déjà une grande interprétation (et où j'ai découvert l'acteur). Sa relation avec l'autre malfrat (Robert Keith) qui est un peu son mentor et qui utilise la 'sauvagerie de psycho' de Dancer est très originale, et puis le les extérieurs de San Francisco forment un décor très attrayant et varié suivant les scènes, chaque tentative de récupération de la came est dramatiquement très éprouvante, sèchement violente, jusqu'au final avec la femme et sa fille, c'est l'un des meilleurs thriller policier que j'ai vu depuis longtemps.
La séquence de la patinoire est hallucinante. Une grande découverte!
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Don Siegel (1912-1991)

Message par Profondo Rosso »

Contre une poignée de diamants (1974)

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Le fils d'un responsable du contre-espionnage britannique et un de ses camarades ont été kidnappés par un couple de bandits. Pour leurs libérations, les deux malfrats demandent que leur soit livré le stock de diamants qui appartient au supérieur hiérarchique du major.

The Black Windmill est un film d'espionnage efficace et dont l'ancrage anglais en fait la singularité dans le contexte du Watergate. Plutôt qu'un contexte paranoïaque et nébuleux attendu dans la lignée du versant américain du genre comme A cause d'un assassinat, le scénario (adapté du roman Seven Days to a Killing de Clive Egleton), le film joue sur les failles bien humaines tisser son drame. Lorsque le fils du Major Tarrant (Michael Caine) est kidnappé, c'est tout l'équilibre ténu du MI6 qui est mis à mal. Pas de mystère sur l'identité des kidnappeurs connue d'emblée, leurs exigences et connaissances des procédés du MI6 laissant entendre que la menace est avant tout intérieure. Les services secrets nous apparaissent comme éloignés des réalités (le directeur adepte des mondanités joués par Joseph O'Conor) ou suspicieux au point d'en être déshumanisé (remarquable Donald Pleasence). Michael Caine en tant comme d'action, en professionnel et père plus impliqué. Et même si cela reste un non-dit on ressent ce côté lads en opposition de la hiérarchie embourgeoisée qui court souvent dans les rôles anglais de Caine.

Cela joue donc sur le ton du film, dénué d'envolées dramatiques appuyées et dont chaque scène vise scruter cet environnement froid et manipulateur. Cela commence par le duo de méchants remarquablement incarné par John Vernon et Delphine Seyrig. Chacune de leurs actions s'avère précise et sans passion (ce qui permet de vite évacuer quelconque motivation politique), parfait reflet de leur antagoniste du MI6 et seul le personnage de Michael Caine (et dans un registre plus inactif son épouse jouée par Janet Suzman) amène progressivement tension au récit. La mise en scène de Don Siegel joue ainsi de cette alternance de relâchement et d'intensité, les moments de suspense n'en étant que plus efficace (et porté par un score groovy de Roy Budd). On pense à la poursuite dans le métro et surtout tout le passage parisien entre accélération surprenante (l'évasion routière nocturne filmée au cordeau) et vraie partie d'échec stratégique. Siegel filme l'ensemble avec la nervosité qu'on lui connaît et seules quelques petites facilités du script pourront faire tiquer, notamment le retour un peu trop facile de Caine en Angleterre. Cette approche sied à merveille au film, le côté british apportant un vernis trompeur (maison aristocratique, cottage et pause thé en toute circonstance) tout en se montrant plus quelconque dans son environnement et ces enjeux (le pourquoi du comment sera très trivial), loin du vertige d'un Ipcress, danger immédiat (1965) par exemple. Le final aussi féroce (un sacré morceau entre John Vernon et Michael Caine dans un moulin exigu) qu'expéditif se montre ainsi à l'image de ce suspense bien mené, sans être non plus un sommet de Siegel. 4/6
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Re: Don Siegel (1912-1991)

Message par Kevin95 »

DIRTY HARRY (1971) révision

Classique des classiques du polar us. Le revoir sur grand écran, dans une copie propre sur elle, permet de mettre à mal beaucoup de choses. Non, Dirty Harry n'est pas un film culte, pas un film de genre, pas un film d'exploitation, pas un film funky, même pas un film cool. D’ailleurs, le film de Don Siegel peut se poser comme à la fois un concurrent mais aussi un opposé direct au Bullitt de Peter Yates. Dirty Harry n'est pas tout cela, il est bien plus. Mise en scène millimétrée, qui travaille son scope comme un viseur de sniper. Fièvre constante que l'on sent dès les premières notes du score monumental de Lalo Schifrin. Ambiguïté dans tous les coins aussi bien du côté d'Harry que chez ce salopard de Scorpio. Séquences glaçantes et inoubliables comme le fameux plan hélicoptère, ou lorsque le tueur se faire massacrer pour mieux passer à la télé. Après deux brouillons (Madigan et Coogan's Bluff), Siegel sort les couverts du grand soir, mix tristesse et cynisme, groove et musique stridente, pour offrir l'un de ses plus beaux films, qui ne vieillit pas d'un poil au fil des ans. It's Don man !
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Re: Don Siegel (1912-1991)

Message par Supfiction »

Kevin95 a écrit :DIRTY HARRY (1971) révision

Classique des classiques du polar us. Le revoir sur grand écran, dans une copie propre sur elle, permet de mettre à mal beaucoup de choses. Non, Dirty Harry n'est pas un film culte, pas un film de genre, pas un film d'exploitation, pas un film funky, même pas un film cool. D’ailleurs, le film de Don Siegel peut se poser comme à la fois un concurrent mais aussi un opposé direct au Bullitt de Peter Yates. Dirty Harry n'est pas tout cela, il est bien plus. Mise en scène millimétrée, qui travaille son scope comme un viseur de sniper. Fièvre constante que l'on sent dès les premières notes du score monumental de Lalo Schifrin. Ambiguïté dans tous les coins aussi bien du côté d'Harry que chez ce salopard de Scorpio. Séquences glaçantes et inoubliables comme le fameux plan hélicoptère, ou lorsque le tueur se faire massacrer pour mieux passer à la télé. Après deux brouillons (Madigan et Coogan's Bluff), Siegel sort les couverts du grand soir, mix tristesse et cynisme, groove et musique stridente, pour offrir l'un de ses plus beaux films, qui ne vieillit pas d'un poil au fil des ans. It's Don man !
Il ressort en salle ? Ça me tenterait bien.
Je crois que les blu rays ne sont pas extraordinaires.
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Re: Don Siegel (1912-1991)

Message par Kevin95 »

Non non, revu pour la énième fois lors du cycle "Good Cop / Bad Cop" à la Tek.
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Re: Don Siegel (1912-1991)

Message par Kevin95 »

MADIGAN (1968) révision

Vrai-faux départ de la deuxième partie de carrière de Don Siegel, Madigan se pose à la fois comme les prémisses de la veine dépressive-cynique-70's du réalisateur mais aussi comme la limite visuelle et dramatique d'un polar 60's encore terriblement emprisonné des codes télévisuels. Que le film ait donné une série tv ne surprend pas tant la majorité des scènes intérieures sentent les trois planches de bois d'un décor pour le petit écran. Siegel tâtonne, tente de faire dérailler la machinerie en donnant dans l’ambiguïté (le personnage de Richard Widmark est clairement un tour de chauffe avant celui de Dirty Harry, celui d'Henry Fonda traine un spleen que l'on retrouvera dans pas mal de polars 70) ou en caféinant le règlement de compte final, véritable bouffée d'air frais dans ce trop-plein de champs contre-champs. Madigan, un film imparfait, plombé par moments par des passages obligés vieillots, par un metteur en scène ne sachant trop sur quel pied danser, mais un film attachant car pionnier dans la veine mélancolique du policier américain, usant maladroitement une ambiguïté ou une violence - reprise ensuite par d'autres réalisateurs (mais aussi par Don Siegel lui-même) avec plus de certitude - et porté par des personnages touchants car complexes, adultes. Et c'est déjà pas mal !
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