Mario Monicelli (1915-2010)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Père Jules
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Re: Mario Monicelli (1915-2010)

Message par Père Jules »

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Un borghese piccolo piccolo (1977)

Ce qui suit dévoile en grande partie l’intrigue…

Si Un bourgeois tout petit petit est génialement porté par l’immense Alberto Sordi, le film de Monicelli doit également à son traitement une grande partie de sa réussite. Pendant une heure, il s’inscrit dans la plus pure tradition de la comédie italienne: satire féroce de la bureaucratie, portrait au vitriol d’une petite classe moyenne aussi attachante que médiocre, galerie de personnages grotesques. Une heure, c’est le temps qu’il faut au spectateur pour voir « il signore Vivaldi » (Sordi) se démener auprès de sa hiérarchie pour trouver un poste à son fils au sein « du ministère » où il travaille depuis plus de 30 ans. Au mi-temps du film, la perte tragique au cours d’un hold-up de ce fils chéri va bouleverser son existence et faire basculer la narration dans un degré de noirceur bien supérieur. C’est cette deuxième heure qui fait passer Un borghese… de très belle réussite à film magistral. Réflexion sombre, subtile et pointue autour du deuil et de la vengeance, elle nous offre au passage deux ou trois séquences inoubliables (dont notamment celle se déroulant dans un réfectoire où s’entassent les cercueils attendant d’être mis en terre: pour moi, c’est du jamais vu). Un drame sensible et humain, supérieurement intelligent, que les amateurs de cinéma italien ne manqueront pas de placer très haut dans leur panthéon personnel.

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Jack Carter
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Re: Mario Monicelli (1915-2010)

Message par Jack Carter »

bon, je sais ce qu'il me reste à faire.....
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Profondo Rosso
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Re: Mario Monicelli (1915-2010)

Message par Profondo Rosso »

Nous voulons les colonels (1973)

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En ces années post-68, le député Tritoni veut profiter de la peur suscitée par les gauchistes pour fomenter un coup d'Etat. Il réunit quelques militaires, fascistes retraités, pour former son état-major. Le plan est minutieusement préparé. Le jour J, rien ne fonctionne comme prévu.

L'Italie des années 60/70 vit au rythme des soubresauts des "Années de plomb", périodes de troubles politiques dont le cinéma su s'emparer autant dans de vrais brûlots que dans la comédie. Le film de Mario Monicelli s'inscrit bien évidemment dans la seconde catégorie et constitue une farce noire parmi les plus virulente et lucide de l'époque. Si le postulat de ce coup d'état imaginaire semble improbable, le pays subit pourtant pas moins de quatre tentatives entre 1964 et 1974 qui nourrissent l'inspiration du film notamment le troisième de 1973 orchestré par le leader d'extrême droite et ancien fasciste Valerio Borghese. Monicelli aura sans doute grandement puisé le personnage d'Ugo Tognazzi avec ce sinistre personnage en tête mais le film (le titre y étant une allusion explicite) puise aussi du pouvoir militaire grec appelé la Grèce des colonels qui sévira de 1967 à 1973.

Les meilleurs films de Monicelli auront souvent été des récits d'errance et d'échecs, parfois sans but et désespéré (Larmes de joie) ou décrivant l'effondrement d'une entreprise comme dans le classique Le Pigeon. Monicelli signe d'ailleurs une sorte de remake masqué du Pigeon dont il réajuste le ton, le contexte et les problématiques à cette époque plus agitée tout en en reprenant grandement la construction. A l'Italie encore frappée de pauvreté des années 50 où de malheureux bougres échouaient à mener à bien un hold-up minable répond celle contemporaine où politiques et militaires d'extrême droite vont tenter de mener un putsch dans ce régime démocratique qu'ils souhaitent ramener à plus d'autorité. La qualité de Nous voulons les colonels est aussi sont plus grand défaut. Les losers magnifiques de Monicelli restent malgré leurs travers particulièrement touchant dans leurs échecs car servant toujours une cause à laquelle le spectateur pouvait s'identifier (égailler son quotidien sinistre dans Mes chers amis (1975), survivre au front dans La Grande Guerre (1959), mettre du piment à sa libido dans Casanova 70 (1965)). On ne pourra espérer la réussite pour la joyeuse galerie d'extrémistes en tout genre que l'on verra défiler ici. Ugo Tognazzi est survolté en politique délicieusement réac et machiste et la première partie du film préparant le putsch permet d'introduire ses sinistres acolytes. Monicelli conjugue travers et nostalgie d'un passé douteux (les putschistes oscillant entre ancien fascistes nostalgique de Mussolini dont ils reprennent tous le culte de la virilité ridicule) cupidité du présent (l'industriel Steiner suivant la cause la plus profitable à ses profits) et une modernité associé à la libération des mœurs prenant un virage monstrueux avec la fille de militaire nymphomane Marcella (Carla Tatò). Homme d'église, d'affaire et politiques sont passés au vitriol sans distinction dans ce jeu de massacre, Monicelli adoptant un style reportage à la narration alerte et pleine d'invention (les détails de la biographie d'un des putschistes venant s'insérer à son introduction dans des moments jubilatoire de ridicule et d'ironie). Une deuxième vision sera nécessaire pour savourer tous les détails placés par Monicelli, entre les sobriquets ridicules (l'agente des services grecs nommé Automatik, un quidam dans une soirée mondaine appelé Pubis) et les références subtile comme quand Tognazzi croisera un domestique au visage peint en noir et s'écrira "faccetta nera" qui est en fait un chant fasciste. Stupides, cupides, réactionnaires et séniles, les comploteurs sont des êtres dépassés, peu préoccupés par le sort du pays et souhaitant établir un savant mélange la dictature fasciste d'antan avec le versant le plus inégal du capitalisme d'aujourd'hui.

Les préparatifs ayant déjà provoqués moult moments d'hilarité, la mise en œuvre s'avère aussi pathétique et tordant que le cambriolage du Pigeon mais dans des proportions bien plus grandes. Quiproquos en pagailles, gags visuels grandioses (cette électricité stoppée et réactivée à très mauvais escient) et interprétations outrancières (seconds rôles géniaux, ah ce vieux militaire apprenant son discours après s'être exercé en enterrement) démontre tous le génie comique intact de Monicelli. Reste donc ce problème de l'empathie impossible qui ne dérange pas chez un féroce Risi ou un cynique Germi mais Monicelli avec un De Sica ou un Comencini aura toujours su amener une certaine tendresse envers ses canailles. Seulement là les figures dépeintes cumule nature abjecte et incompétence où non seulement on rira d'eux mais se délectera aussi de leur échec. Le seul semblant de personnage positif ne fait pas long feu lors du final pour ne laisser sous les rires qu'une sinistre impression, la conclusion concrétisant le rêve de nos comploteurs malgré leur défaite. 4,5/6
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Rick Blaine
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Re: Mario Monicelli (1915-2010)

Message par Rick Blaine »

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Un héros de notre temps (1957)

La trajectoire d'un type lâche et peureux dans l'Italie des années 50. Un vrai véhicule pour le génie d'Alberto Sordi, qui occupe magnifiquement l'écran, tantôt drôle et tantôt touchant. Le film est un petit cran en dessous des plus grands Monicelli, avec quelques moments plus faible, mais le talent du réalisateur et sa profonde humanité sont bien présents. Une sorte de brouillon - plutôt brillant - des thèmes qui traverseront le cinéma italien durant la décennie à suivre : on y voit déjà des attentats politiques, on parle de la relation au travail, du statut de la femme... même dans un film mineur, la capacité de Monicelli à aborder si intelligemment les enjeux sociaux de la société italienne - et plus largement de la société contemporaine - reste frappante. Un film très plaisant.
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John Holden
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Re: Mario Monicelli (1915-2010)

Message par John Holden »

7,5/10, c'est néanmoins une note très correcte pour un film "mineur".
Du coup tu fais très envie. :)
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Re: Mario Monicelli (1915-2010)

Message par Rick Blaine »

John Holden a écrit :7,5/10, c'est néanmoins une note très correcte pour un film "mineur".
Du coup tu fais très envie. :)
Tout est relatif, ça reste Monicelli. :D
Ce que je veux dire, c'est que c'est inférieur à ses nombreux sommets, mais j'ai passé un très bon moment.
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Jack Carter
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Re: Mario Monicelli (1915-2010)

Message par Jack Carter »

Rick Blaine a écrit :
John Holden a écrit :7,5/10, c'est néanmoins une note très correcte pour un film "mineur".
Du coup tu fais très envie. :)
Tout est relatif, ça reste Monicelli. :D
Ce que je veux dire, c'est que c'est inférieur à ses nombreux sommets, mais j'ai passé un très bon moment.
Pas si mineur que cela en ce qui me concerne (revu en salles l'an dernier d'ailleurs, avec le meme enthousiasme que la premiere fois). Bon c'est sur que ce n'est pas Les Camarades, La Grande guerre ou Un bourgeois tout petit, petit...
De toute façon, les fans de Sordi doivent voir ce film, point barre ! :lol:

comment est le dvd SNC, Rick ?
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Rick Blaine
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Re: Mario Monicelli (1915-2010)

Message par Rick Blaine »

Jack Carter a écrit :
Rick Blaine a écrit : Tout est relatif, ça reste Monicelli. :D
Ce que je veux dire, c'est que c'est inférieur à ses nombreux sommets, mais j'ai passé un très bon moment.
Pas si mineur que cela en ce qui me concerne (revu en salles l'an dernier d'ailleurs, avec le meme enthousiasme que la premiere fois). Bon c'est sur que ce n'est pas Les Camarades, La Grande guerre ou Un bourgeois tout petit, petit...
Voilà c'est ce que je voulais dire ! :D
Il y a d'autre film de Monicelli que je classe devant, mais j'adore Monicelli. Après intrinsèquement c'est un très bon film, hautement recommandable.
Jack Carter a écrit :comment est le dvd SNC, Rick ?
Ca m'a semblé très bien.
D'ailleurs pour info ils sont déjà dispo sur la boutique SND/M6. J'avais préco en début de semaine dernière, j'ai tout reçu samedi.
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Re: Mario Monicelli (1915-2010)

Message par Jack Carter »

J'espere que tu as pris aussi Pauvres mais beaux, tres sympa film de Risi

en fait, je suis sur que tu as pris les 7 titres sortis... :mrgreen:
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Re: Mario Monicelli (1915-2010)

Message par Rick Blaine »

Jack Carter a écrit :J'espere que tu as pris aussi Pauvres mais beaux, tres sympa film de Risi

en fait, je suis sur que tu as pris les 7 titres sortis... :mrgreen:
Effectivement :fiou: :mrgreen:
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Re: Mario Monicelli (1915-2010)

Message par Jeremy Fox »

Aujourd'hui Justin Kwedi nous parle de Un héros de notre temps sorti tout juste en DVD chez SNC.
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Re: Mario Monicelli (1915-2010)

Message par Rick Blaine »

Brancaleone alle crociate (Brancaleone aux croisades) (1970)

Les hasards de l'édition française font que je découvre à regret cet épisode avant le premier, mais il ne faut pas bouder son plaisir. La farce est amusante, mais ne m'a jamais vraiment fait rire aux éclats, ce qui n'empêche pas qu'il soit très plaisant de suivre pendant près de deux heures les aventures de Brancaleone et de sa bande d'éclopés, filmées avec beaucoup de rythmes et dans de très belles couleurs par Monicelli. On se trouve même de mieux en mieux avec ces personnages étonnants, grandis par l'inventivité des auteurs (quelle idée que ce final tout en vers!), mais le film serait resté un peu frustrant s'il n'y avait eu ces quelques moments beaucoup plus grave, comme la superbe séquence de l'arbre aux pendus, celle de la mort du nain et ce formidable final, beau à pleurer. Tout le génie de Monicelli est là, dans ce contraste qui fait surgir une émotion intense et donne en un instant une toute nouvelle dimension au film, révélant la grande humanité du réalisateur. La farce un peu grotesque que semblait être le film trouve alors dans ces moments une profondeur insoupçonnée.
Un grand film, de très belles images et quelques moments de grâce, que demander de plus (sinon l'édition du premier opus :mrgreen: )
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Jeremy Fox
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Re: Mario Monicelli (1915-2010)

Message par Jeremy Fox »

Ton avis + celui de Ed qui sera en ligne dès jeudi, ça donne plus qu'envie :D
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Rick Blaine
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Re: Mario Monicelli (1915-2010)

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit :Ton avis + celui de Ed qui sera en ligne dès jeudi, ça donne plus qu'envie :D
Il faut adhérer à la farce, aux grotesque des personnages, celui de Gassman en tête. Il y a peut-être le risque de trouver ça lourd, ce que pourrait être le film si Monicelli ne jouait pas si bien avec le balancier émotionnel.
Après je ne suis peut-être pas objectif, je me sens toujours tellement en phase avec les films que j'ai vus de ce cinéaste ! :)
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Jeremy Fox
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Re: Mario Monicelli (1915-2010)

Message par Jeremy Fox »

Rick Blaine a écrit :
Jeremy Fox a écrit :Ton avis + celui de Ed qui sera en ligne dès jeudi, ça donne plus qu'envie :D
Il faut adhérer à la farce, aux grotesque des personnages, celui de Gassman en tête. Il y a peut-être le risque de trouver ça lourd, ce que pourrait être le film si Monicelli ne jouait pas si bien avec le balancier émotionnel.
Après je ne suis peut-être pas objectif, je me sens toujours tellement en phase avec les films que j'ai vus de ce cinéaste ! :)

J'ai vu un des deux Brancaleone à l'adolescence et j'avais été assez en phase. Curieux d'y revenir.
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