Lucky Nick Cain (USA) - I'll Get You for This (UK)
Réalisation : Joseph M. Newman / Production : Joe Kaufmann (Romulus Films) / Distribution USA : 20th Century Fox / Scénario : George Callahan et William Rose d'après un roman de James Hadley Chase / Photographie : Otto Heller / Musique : Walter Goehr
Avec George Raft (Nick Cain), Coleen Gray (Kay Wonderly), Enzo Staiola (Toni), Charles Goldner (Massine), Walter Rilla (Müller), Martin Benson (Sperazza), Peter Illing (Geralde)
Le célèbre joueur américain Nick Cain arrive à San Paolo sur la Riviera italienne pour y passer des vacances. Il est à la fois flatté et intrigué par l'accueil que lui réservent les notables de la ville, notamment le directeur du casino qui ne cache pas qu'il compte sur sa notoriété pour attirer dans son établissement une riche clientèle. Le soir même, le calcul s'avère payant car à la table de baccara tenue par Cain la foule s'amasse. Parmi les joueurs, il retrouve Kay Wonderly, une touriste américaine qu'il avait remarqué à son hôtel. Celle ci perd gros et dans l'impossibilité de rembourser, elle accepte la proposition de Frankie Sperazza, le directeur du casino : jouer de son charme pour inciter Cain à fréquenter assidûment le casino durant tout son séjour. Elle passe la soirée avec lui ; puis, de retour à l'hôtel, ils boivent un dernier verre et l'un après l'autre perdent connaissance. C'est par la police que Cain est réveillé et il se voit accusé du meurtre d'un autre américain retrouvé mort dans sa chambre. S'apercevant qu'il a été pris au piège pour une raison inconnue, Cain parvient à s'échapper emmenant Kay avec lui. Sur les conseils du mystérieux Massine, un habitant de San Paolo, les deux fuyards trouvent refuge dans un village abandonné. Cain y laisse la jeune femme et retourne en ville pour tenter de s'innocenter…
Adapté d'un roman de James Hadley Chase publié en 1947, ce film noir est une production anglaise réalisée par un metteur en scène américain qui venait de s'illustrer dans deux assez bons films du genre :
Abandoned (1949) puis
711 Ocean Drive (1950) et qui pour celui ci avait entrainé dans son sillage deux stars américaines dans un film dont la totalité de l'action se déroulait en Italie dans et autour de la ville de San Remo (renommé San Paolo). Cette délocalisation sur la Riviera italienne est même un des attraits principaux du film. Les séquences tournées dans la campagne ligure, essentiellement dans le très photogénique village de Bussana Vecchia détruit par un tremblement de terre au 19ème siècle *, dans les ruines duquel Cain laisse Kay Wonderly ; celles tournées sur le front de mer, autour et dans le casino et surtout dans la vieille ville de San Remo sont superbement photographiées par Otto Heller. Dans les très nombreuses séquences nocturnes, Heller se dépasse encore et c'est la beauté de la photographie du vétéran tchèque passé par l'Allemagne puis la Grande-Bretagne qui est le point fort du film de Newman.
Autre point positif…Le couple -sur le papier assez improbable- formé par George Raft, un autre vétéran un brin has been celui là, et la jeune Coleen Gray fonctionne bien mieux que prévu. Cette actrice qui nous a quitté il y a deux mois était très jolie et sa beauté a rarement été aussi bien mise en valeur. De plus, sans être une grande actrice, elle était très expressive, bien plus que nombre de spécialistes du film noir classées "gentilles" (voir l'album photo ci dessous). Malheureusement, sa carrière déclina assez vite. Entre
Le 4ème homme, tourné l'année suivante (1952) et
L'ultime Razzia (1956), elle eu peu l'occasion de s'exprimer dans de bons films…et encore moins par la suite, tout au moins au cinéma puisqu'elle poursuivit sa carrière essentiellement à la télévision. D'autre part, son partenaire -que j'ai parfois surnommé La Momie à cause de son visage de marbre- semble ici plus concerné que dans l'immense majorité des films d'un genre qu'il aura beaucoup fréquenté au cours de ces années 50. Il en fait un peu plus que d'habitude et semble moins froid, moins en contrôle dans ce rôle qui l'éloignait (un peu) de ses habituels personnages de voyous élégants et guindés. Émoustillé par la présence chaleureuse de sa partenaire ? Familiarité avec ce milieu du jeu qu'il connaissait bien ? Tournage au parfum de vacances ? C'est l'autre mystère de San Paolo…
Ils sont entourés par quelques présences sympathiques à commercer par un jeune garçon débrouillard avec lequel Cain s'est montré généreux dès son arrivée à San Paolo et qui va être son allié constant. Toni est interprété par Enzo Staiola, le petit Bruno, fils d'Antonio Ricci, le personnage principal du film
Le voleur de bicyclette de Vittorio de Sica. Il est de 4 ou 5 scènes qui ne révolutionnent pas l'utilisation des enfants dans ce type de récit mais il participe activement à l'intrigue et ne vole pas sa position de n°3 au générique. Le cireur de chaussures est à l'affut de tout ce qui peut lui rapporter mais il est aussi loyal que malin et courageux. Plus ambigu -mais cependant pas assez pour le rendre réellement inquiétant- est le personnage de Massine. Il commence par brandir une arme sous le nez des fuyards puis leur viendra en aide. Même si sa véritable identité nous est révélée tardivement, malgré les craintes de Cain qui pense que Massine peut le trahir pour toucher la récompense promise pour sa capture ou qui pourrait bien jouer un double jeu, on ne doute pas assez de ce personnage qui parait trop sympathique. Pour ménager une surprise ? Le rôle est interprété par Charles Goldner (l'ouvrier, ami du couple d'immigrés italiens de
Donnez-nous aujourd'hui et plus tard le premier lieutenant d'Alec Guinness dans
Capitaine paradis). Il va sembler -au moins en apparence- épauler Cain quand le joueur va se muer en détective privé.
Et c'est là que ça se gâte…Si les déambulations nocturnes de nos amis et de leurs ennemis sont encore une fois superbement filmées, l'intrigue reste en deçà des promesses. Cain découvre très vite l'identité de la victime qui s'appelait Kennedy et était un agent du trésor américain. Cet homme qui avait cherché à le contacter enquêtait sur un réseau international de trafiquants de fausse monnaie impliquant d'anciens nazis. Un menu plutôt intéressant sur le papier mais le scénario fait trop la part belle aux gentils et bâclent les séquences impliquant les protagonistes du complot visant Cain dont les interprètes sont de plus très moyens voir inexistants (mais il ne sont pas aidé par le scénario). Même les anciens nazis, Müller (Walter Rilla) et Hans (Peter Bull) ainsi que la femme fatale interprétée par le sex symbol anglais (d'origine norvégienne) Greta Gynt sont sous utilisés. Même si elle même est irréprochable, "l'égérie" des trafiquants n'a qu'une scène pour s'exprimer...et c'est une scène de séduction pas bien folichonne malgré l'ironie du dialogue entre elle et Cain. Heureusement, tout le final est en revanche très réussi. Il se déroule dans une prison-forteresse et dans les entrailles de celle ci (j'ai toujours eu un faible pour les passages secrets et les souterrains, on ne se refait pas) et on y voit peut-être le plus ancien ? personnage de femme tortionnaire des films de "prison pour femmes". Mais que les plus pervers se calment car on reste quand même loin de Greta (Ursula ?), chienne nazi.
Ce film intéressant mais facultatif (qui a donc un titre anglais et un titre américain) a été distribué en France (et diffusé à la télévision) sous le titre :
Le mystère de San Paolo. vu en vost. En 1961, Joseph M. Newman réalisera
Le Dompteur de femmes (The George Raft Story), un biopic avec Ray Danton dans le rôle de la star déchue. Même si c'est une vieille connaissance, Crane Wilbur, spécialiste du film carcéral qui signait le scénario, il est possible, sinon probable, que Joseph Newman avait du avoir l'occasion de prendre sur le vif matière à alimenter le scénario d'un film qui fut son dernier réalisé pour le grand écran. La plupart de ses films noirs et apparentés ont été présenté dans ce topic (se reporter à l'index). Il ne reste plus que
Death in Small Doses (1957) avec Peter Graves et Chuck Connors à évoquer. J'y viendrais…
* Le village de Bussana Vecchia, désert à l'époque du tournage, est depuis la fin des années 60 réoccupé illégalement par des artistes qui y ont ouvert des ateliers puis des restaurants. C'est devenu un lieu très fréquenté par les touristes mais c'est encore un endroit insolite car nombre de ruines n'ont pas été relevées (c'est pas encore Les Baux-de-provence…)
L'année suivante, George Raft tournera en Angleterre un autre film criminel dont le titre anglais est
Escape Route...mais son titre américain :
I'll Get You et la co-vedette du film nommée Sally Gray…peuvent éventuellement entrainer une confusion.
Épilogue :
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Les différents visages de Coleen :
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