Deux retours rapides sur des films évoqués plus haut.
kiemavel a écrit :- Spoiler (cliquez pour afficher)
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Reportage fatal (Shakedown) 1950
Réalisation : Joseph Pevney
Scénario : Martin Goldsmith et Alfred Lewis Levitt
d'après une histoire de Nat Dallinger et Don Martin
Image : Irving Glassberg
Produit par Ted Richmond
Universal
Durée : 80 min
Avec :
Howard Duff (Jack Early)
Peggy Dow (Ellen Bennett)
Brian Donlevy (Nick Palmer)
Lawrence Tierney (Harry Colton)
Anne Vernon (Nita Palmer)
Bruce Bennett (David Glover)
et dans de petits rôles : Rock Hudson, Peggie Castle et Joseph Pevney
Le photographe au chômage Jack Early, un fouineur à la recherche du scoop qui le fera remarquer est tabassé une nuit dans le port de San Francisco par des voyous qui l'abandonne pensant avoir détruit son appareil photo mais il n'en est rien. Early était parvenu à dissimuler son appareil et se présente avec ses clichés dans un grand journal de la ville. Il y est pris à l'essai, débute par de modestes reportages mais prêt à tout pour se faire remarquer, il commence à multiplier les clichés spectaculaires et parvient à se faire remarquer par Nick Palmer, un homme d'affaires mêlé à la pègre…
Le début très rythmé donne le ton d'un film sans temps mort et passionnant de bout en bout. Les scènes d'ouverture sont toutes formidables. On assiste à une course poursuite nocturne dans les docks de San Francisco. Early est rattrapé, tabassé par des hommes aux visages invisibles et son appareil photo jeté à l'eau. On ne sait rien de lui mais on est déjà mis au parfum que cette "honnête" homme fourre son nez ou il ne faut pas et ne plait pas à tout le monde. Peu de temps après, au cours d'une virée nocturne, remarquant le comportement bizarre d'un véhicule qui le précédait et soupçonnant l'automobiliste d'être ivre, il demandera au chauffeur de taxi de le suivre. La voiture de l'inconnu finira dans le port et au lieu de lui venir au secours, Early lui demandera de poser pour lui et de se montrer par la portière en ayant l'air plus affolé. Un peu plus tard, tout juste embauché par le journal, répondant au téléphone à la place d'un journaliste, et ainsi mis mis au courant par un informateur qu'un grave incendie vient de se déclarer en ville, il dissimule l'information et "double" ses collègues pour se rendre seul sur les lieux et faire la "bonne" photo d'une femme en train de se jeter dans le vide. Plus cool que le paparazzi flashant Lady Die (oups) dans sa Mercedes déglinguée : le Howard Duff !!!
Pour son premier film en tant que réalisateur, on ne peut pas dire que Joseph Pevney avait fait dans le conformisme et la facilité, le "héros" qu'il s'était choisit étant l'une des pires ordures ayant jamais tenu le premier rôle d'un film noir. Cette première réalisation coïncidait aussi avec son dernier rôle devant la caméra car on l'avait vu tenir des rôles secondaires dans 5 films avant celui là, uniquement des films noirs…et que des bons (Nocturne, Sang et or, La dernière rafale, Les bas-fonds de Frisco et Outside the Wall). Le portrait du photographe ambitieux, manipulateur et sans scrupules est extrêmement surprenant dans un contexte de pur film noir car il n'est pas commun de voir un tel personnages se montrer plus retors qu'un homme d'affaires corrompu (interprété par Brian Donlevy) qui en dehors d'une façade honnête et légale est mêlé à une bande de cambrioleurs dirigée par Harry Colton (Lawrence Tierney)…Bref, des noms qui à priori mettent les foies mais comme le disait l'affiche originale américaine : " His Camera Was More Deadly Than A Gangster's Gun", si bien que malgré la méfiance du gangster en col blanc pourtant persuadé de pouvoir maitriser son protégé et malgré la dureté de son entourage, ils auront bien du mal à le soumettre.
Jack Early se servira aussi de sa séduction pour "arriver". D'une certaine manière, c'est aussi le roi de la promotion canapé et la encore, c'est très inhabituel qu'un tel rôle échoi à un homme, au moins dans le film noir. Pevney nous prévient d'ailleurs de manière habile car la séduction irrésistible de l'homme et de l'acteur Howard Duff n'était pas si évidente au premier abord mais au tout début du récit, il lui fait traverser les locaux du journal qui s'apprête à l'embaucher sous les commentaires élogieux des femmes présentes qui s'arrêtent pour le regarder passer. Early plait aux femmes et doit bien le savoir car il manipulera les deux principales femmes du récit. La jeune Ellen Bennett (Peggy Dow) pour commencer. C'est elle qui sélectionne les illustrations et toute l'iconographie du journal et qu'il tente de séduire, efficacement d'ailleurs car elle le soutient immédiatement et c'est d'ailleurs elle qui lui permet d'être pris à l'essai dans le journal alors que son rédacteur en chef (interprété par Bruce Bennett) ne voulait pas de ce photographe inexpérimenté qui d'emblée lui déplait….et pas seulement en raison de l'ambition qu'il affiche. Ellen est pourtant fiancée à un dentiste de Portland et se montre d'abord réservée puis cède très vite devant le savoir faire du photographe. Une scène excellente illustre le moment fatidique. Early s'approche d'Ellen avec l'intention de l'embrasser. Pevney abaisse sa caméra et on ne voit plus que le dos d'Ellen qui en se reculant pour échapper au baiser, fait tomber avec son coude le portrait de son fiancé qui était posé sur un meuble bas…qui la bloque et l'empêche de reculer. La camera reste là figée deux secondes mais à l'évidence, elle finit par embrasser l'entreprenant et rapide (Oooohhh) Mr Early.
Early est donc d'abord engagé à l'essai sur l'insistance d'Ellen mais il s'impatiente car il comprend très vite que ce n'est pas avec les faits divers et les reportages sur les expositions canines qu'il va se faire remarquer. C'est pourquoi il décide d'aller au culot à la rencontre du gangster interprété par Brian Donlevy, le grand homme inaccessible qui est réputé détester les journalistes et les photographes. La encore, c'est par la femme de ce dernier (interprétée par Anne Vernon) qu'il parviendra à ses fins. Mais il voudra plus. Bien qu'introduit auprès de l'homme d'affaires, et au première loge pour réussir des photos compromettantes, il comprend que le hasard ne suffit pas et va ainsi se débrouiller pour créer l'événement. Il commence par profiter de la rivalité entre Palmer et Colton, pour piéger l'un, faire chanter l'autre…Pour commencer ! Toute cette dernière partie reste passionnante même si les manipulations de notre photographe de choc sont un peu compliquées. Le suspense demeure lui intact tout du long…et je le préserve en restant coi sur la suite des évènements.
Les acteur. Brian Donlevy fait du Brian… Lawrence, relégué dans un second rôle fait du …Tierney. Peggy Dow (86 ans au compteur) dont j'ai déjà dit à plusieurs reprises le plus grand bien dans ce topic est comme d'habitude excellente
et on retrouve donc notre petite frenchie Anne Vernon (qui vient d'avoir 90 ans) dans un de ses rares rôles américains (elle tenait aussi le rôle féminin principal dans
Cinq heure de terreur (Time Bomb), un thriller de Ted Tetzlaff). Enfin, il m'étonnerait que je découvre Howard Duff aussi convaincant dans ce qui me reste à voir de sa filmographie. A ce jour, ce film est probablement le meilleur que j'ai vu de Joseph Pevney, un metteur en scène souvent sous-estimé. Pour ce que j'ai vu à ce jour, c'est d'ailleurs probablement dans le film noir que Pevney aura donné le meilleur. Supfiction a parlé de
La police était au rendez-vous sur la page précédente de ce topic et j'avais déjà évoqué les deux autres collaborations entre Tony Curtis et Jo Pevney, d'abord
Rendez-vous avec une ombre (The Midnight Story) (1957) qui est très bon ( en page 13 du topic) puis
Flesh and Fury (1952), qui est à peine moins bon (page 14 ) ainsi que
Portrait of a Mobster en page 12. De la famille polar/thriller/film noir, il reste encore
Undercover Girl et
La maison sur la plage (Female on the Beach) dont il n'a pas encore été question dans ce topic. Le second ne m'a pas laissé un souvenir impérissable mais il est peut-être à revoir.
Cinq heures de terreur "Time Bomb"
A propos de ce film évoqué ci-dessus, je l'ai découvert il y a quelques jours attiré par son affiche étonnante (Ford/Vernon) et je dois dire que ce fut une belle déception, un film sans grand intérêt à part pour les ultras fans de Glenn Ford qui veulent tout voir de l'acteur. Un Glenn Ford qui joue ici un démineur inébranlable durant la Seconde Guerre mondiale ayant pour mission de sauver la situation (une bombe à retardement dans un train alors qu'un quartier entier est évacué) et accessoirement sauver son couple. Deux fusibles, un super Glenn Ford! Mais quelle déception que la prestation d'Anne Vernon totalement insupportable ici, il faut dire pas aidée par un personnage mal écrit et mal dialogué dans un film sans rythme ni suspense. "Time Bomb" est film anglais réalisé par Ted Tetzlaff, sorti en 1952, ni totalement thriller, ni totalement film de guerre, mais totalement raté.
Border Incident (1949, Anthony Mann)
Encore un film non visionné qui traînait dans un coffret film noir non achevé depuis des années. Un petit tour dans ses anciens achats, surtout les coffrets, permet de retrouver de très bons films dans sa vidéothèque à moindre frais !
Border Incident commence à la façon de certains noirs des années 40 à la gloire de la police ou de démocratie américaine (tel-que
Appelez nord 777, par exemple).
Une voix off nous informe sur le contexte de l'immigration illégale et de l'exploitation de paysans mexicains (les pauvres "braceros" qui se tuent la santé pour 50 pesos par semaine) dans certaines propriétés agricoles californiennes. Procédé que je trouve bien inutile (quelque-soit l'époque) alors que les images parlent déjà d'elles-mêmes et qu'un bref texte à l’issue du générique aurait été amplement suffisant et surtout moins lourdingue.
Si la voix-off s'arrête rapidement (bien heureusement), le film reste très balisé et didactique : on suit l'une après l'autre toutes les étapes de l'immigration illégale.
Heureusement il y a la mise en scène inspirée et sans faille d'Anthony Mann, son sens du cadre, de l'action et du suspense (cf. la scène de tentative de meurtre de l'agent américain dont on croit jusqu'au bout qu'il va s'en tirer, même pris au milieu d'une moissonneuse).
Le casting est également réussi. Bien qu'aucune grande star ne soit à l'affiche, on trouve une galerie d'acteurs expérimentés autour du personnage central incarné par Ricardo Montalban.
Comme l'introduction, le laïus final avec le retour de la voix-off est affligeant de nationalisme : grâce à la police et la collaboration américano-mexicaine, tout ce que vous venez de voir est désormais du passé, les escrocs et les exploiteurs sont punis. Dormez tranquilles braves gens, tout va désormais pour le mieux en Amérique, le meilleur des mondes.