


J'ai revu Hurlements avec plaisir hier soir... il ne vaut pas à mon avis le film génial de Landis qui crée quand même un malaise lancinant que renforcent les trouées d'humour noir ; mais le film de Joe Dante est un travail assez habile, assez curieux dans sa construction (ça commence comme un polar glauque, avant de prendre la tangente vers un cadre forestier et aéré, et ne virer à l'horreur qu'au bout d'une heure). J'aime bien ce que faisait Dante dans les années 1980, de très bonnes, voire excellentes, séries B qui dénotent en permanence un vrai savoir-faire artisanal, au sens noble du terme, et un regard cinéphile cultivé et incisif. J'ai redécouvert la mise en scène de ce film, qui est efficace et intelligente, en plus d'être formellement très soignée (la photo est très chouette). Je n'ai pas fait marche arrière pour vérifier, mais je crois qu'il y a par exemple cette superbe idée technique intervenant après l'attaque de Dee Wallace dans le sex-shop... elle discute avec ses collègues, tous les personnages sont cadrés en gros plan, et quand la caméra revient sur le visage de la jeune femme une dernière fois, l'image se floute, pivote lentement vers la droite en plan-séquence, l'image fait le point et montre un meuble, et le lent panoramique, qui embrasse le salon d'une maison, s'achève sur la même Dee Wallace, qui dort dans son canapé. C'est-à-dire que Dante installe une ellipse temporelle et géographique en plan-séquence, sans qu'on percute vraiment, car le plan-séquence commence sur le gros plan du visage de l'actrice, éclairé de rouge comme s'il s'agissait bien de la scène de conversation dans la rue. J'ai trouvé ça brillant. Et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres, entre travelling compensé à la Jaws, science habile du tempo et du montage, trucage de cartoon pratiquement indécelable, etc. Le reproche que je ferai malheureusement à Hurlements, c'est de commencer sur des chapeaux de roues et de laisser traîner les choses pendant une bonne demi-heure. Cela donne, certes, une attente et une tension qui rendent l'intrusion de l'horreur dans la cabane puis dans le bureau plus percutante encore. Mais je trouve quand même qu'il y a un problème de rythme important, que le film fait trop longtemps du surplace. Les choses se débloquent forte heureusement et Rob Bottin peut alors s'en donner à cœur joie... très beaux trucages mécaniques, même si ma préférence va là encore au Landis (on a dans le Landis l'impression effroyable que c'est vraiment plausible). Bref, du bon travail, honnête et habile, et une conclusion émouvante même si le maquillage est moyennement convaincant.