The torrent. Monta Bell. - 1926 - Greta Garbo, Ricardo Cortez.
Premier film de Greta Garbo sur le sol américain. La MGM en confie la réalisation à Monta Bell alors que Garbo s’attendait à tourner sous la direction de Mauritz Stiller. Son partenaire à l’écran : Ricardo Cortez se montre plutôt condescendant à son égard pendant le tournage, lui qui se considère comme une star contraint de partager l’affiche avec une petite suédoise inconnue. Garbo a du mal à se faire aux méthodes hollywoodiennes. Monta Bell plutôt que de diriger ses acteurs attend d’eux des suggestions. Stiller ne cache pas sa déception lors de la vision du film qui sera cependant bien accueilli par les critiques et le public à sa sortie.
La fille d’un fermier (Leonora) à la voix de rossignol et le fils d’une riche propriétaire s’aimaient d’amour tendre au grand dam de la mère de ce dernier. Leonora partira à Paris où elle entamera une carrière de cantatrice alors que Rafael, selon le souhait de sa mère se fera élire député et courtisera la fille d’un gros éleveur de porcs.

La première scène sur fond de décor peint annonce la couleur. Dans The torrent les personnages sont esquissés à gros traits. On découvre successivement Les parents de Leonora, humbles fermiers soumis. Cupido, le barbier/maître de chant porté sur la bouteille. Leonora qui rêve comme toutes les jeunes filles au prince charmant et espère que sa voix, perçue comme un cadeau divin, apportera fortune et aisance à ses parents. Dona Bernarda Brull qui campe avec insolence la Reine-mère omnipotente, castratrice et hypocrite. Son fils, Don Rafael soumis, privé de tout oripeau viril, flirtant en cachette, se ridiculisant à courir derrière son cheval et la calèche de sa mère.

Nous sommes clairement dans la structure d’un conte avec l’énonciation de souhaits à priori inaccessibles pour une fille de cette condition. Et pourtant, l’improbable miracle se produit. La chenille/roturière se métamorphose en papillon/la Brunna. Coqueluche du tout Paris. L’ouverture du deuxième acte s’inspire du premier : le décor peint cède la place au décor de carton pâte de l’opéra. Récurrence qui renforce la distanciation face à la réalité, réaffirmant l’hypothèse du traitement : nous sommes bien dans un conte.
Déçue par la lâcheté de Rafael, Leonora a enchainé les aventures énoncé dans l’intertitre et suggéré par la présence de deux hommes à sa table.
Retour en Espagne, les plans des rues animées du village tranchent avec les deux tableaux précédents figés dans leur représentation. Le village est littéralement en effervescence pour l’élection de Don Rafael, le nouveau député. Eleonora et Rafael ont tous deux réussi dans des voies opposées. Alors que le député savoure sa victoire toute fraîche et se fend d’un discours, Leonora lui rappelle sa lâcheté passée. Nous sommes désormais dans la réalité, exit le carton pâte et les rêves de jeunesse. La réalité qui se manifeste également quand les éléments se déchaînent telle la passion trop longtemps contenue. Un épisode qui donne lieu aux plus belles séquences du film, le rythme, le sens du détail, l’alternance comédie/tragédie, la métaphore, le spectaculaire du fleuve en furie. Tout y est.


Alors que Don Rafael confesse à Leonora qu’il l’aime toujours elle lui assène la vérité toute crue en lui exposant les cadeaux qu’elle a reçus de ses nombreux amants. Vérité encore quand Rafael sur le point de se marier visualise mentalement l’avenir que sa mère lui a tracé. Puis retour au rêve dans l’orangerai baignée par les rayons de lune où apparait telle une créature onirique Leonora prête désormais à pardonner.

Puis Dona Bernarda dans le rôle de la méchante fée de réapparaître pour jeter la disgrâce sur la maison de Dona Pepa (la mère de Leonora) et désunir une nouvelle fois les amants. Cette scène nous signifie que l’amour de Leonora/Rafael s’inscrit dans un monde rêvé et ne peut prétendre à aucune réalité et anticipe la fin de l’histoire. Pas d’union possible entre « le prince » et la « roturière » (devenue depuis artiste aux mœurs légères). The Torrent est donc une énième variation de cette fable. On regrettera au final un traitement bien naïf et une réalisation pas franchement inspirée.