Ko Nakahira (1926-1978)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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bruce randylan
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Re: Ko Nakahira (1926 - 1978)

Message par bruce randylan »

Lui et moi (1961)

Une étudiante issue d'un milieu plutôt conservateur s'émancipe au contact d'un de ses camarades de classe, élévé par une mère à la sexualité libre

Une comédie romantico-dramatique assez rafraîchissante. C'est il me semble le premier film en couleur de Ko Nakahira qui l'utilise avec beaucoup de charme.

La première demi-heure est irrésistible, pleine de vie et d'humour pour des moments parfois hilarants menés à un rythme d'enfer : en plein cours, un professeur demande à ses élèves combien ils gagnent en argent de poche et ce qu'ils en font (en partant de ce que sa femme veut bien lui donner par mois :mrgreen: ). L'un des garçons déclare l'utiliser pour boire et s'offrir des prostituées. (Faussement) Scandalisées, les filles demandent son renvoie de l'heure de cours comme si elles étaient à une cession parlementaire :lol: . Elles le retrouvent autour de la piscine pour le jeter à l'eau. Avec ses habits trempés, il doit accepter de porter des vêtements de filles, ce qui ne pas passe inaperçu à la sortie de l'école ou dans la famille de sa camarade de classe qui le dépose chez lui. Elle y rencontre sa mère qui multiplie les conquêtes sous le nez de son père qui menace à chaque fois de quitter la maison

C'est drôle, savoureux, percutant avec une liberté de ton stupéfiante qui évite à chaque fois la vulgarité malgré des situations qui pourraient très rapidement sombrer dans la facilité. Rien de tout ça car Lui et moi propose des réflexions assez modernes sur le couple, la sexualité, l'égalité hommes-femmes ou l'émancipation des adolescentes qui transcendent la moralité et la normalité. Il en sort une justesse très pertinente quand bien même le film se révèle une comédie endiablée.
D'ailleurs les signes plus graves ne tardent pas à arriver en évoquant les manifestations étudiantes réprimées avec violence par les force de l'ordre et même le viol avec un comportement crues et crédibles qui fait preuve d'une belle honnêteté.

Nakahira ne porte jamais un jugement sur ses personnages et leurs actes, y compris - et surtout - quand ils sont les plus inhabituels. Au spectateur de savoir si ce comportement et cette manière de vivre sont légitimes ou non. Elle peut paraître choquante à première mesure mais elle est logique et cohérente selon leurs convictions. Le film présente des personnages intègre avec leur idéaux, écrits avec une intelligence vraiment étonnante (on pense à la femme embauchée par la mère pour dépuceler son fils).
Bien sûr, l'humour et la fraîcheur en prennent en coup et une amertume se fait jour puisque cela remet en cause les idées acquises d'autres personnages.
La relation amoureuse entre les deux personnages est ainsi original et amène un peu de sang neuf dans le genre avec ce mélange de dureté et de naïveté qui donnent de belles scènes comme le baiser sous une pluie diluvienne. On alterne ainsi entre des moments où il y a un vrai malaise perceptible, des pauses romantiques et des passages très drôles.

Il est en revanche dommage que le film tarde un peu à conclure avec un rebondissement inutile qui montre le retour du vrai père biologique du héros. Celà dit la dernière scène est très réussie et permet de laisser une excellente impression à ce film assez atypique qui capte admirablement bien l'évolution d'une génération entière en annonçant avec beaucoup de lucidité les évènements de 1968 (le Japon à aussi connu de fortes contestations cette année là).

Mais c'est sûr qu'on aurait préféré que le film garde l'humour ravageur des 20 premières minutes. Excellent casting avec le même couple que Tempête sur l'Arabie qui date de la même année : Yujiro Ishihara et la toujours craquante Izumi Ashikawa :)
Dernière modification par bruce randylan le 18 juil. 14, 11:22, modifié 2 fois.
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Re: Ko Nakahira (1926 - 1978)

Message par bruce randylan »

l'innocence outragée (1963)

Un adolescent qui vient d'intégrer un clan de Yakuza sauve d'une agression la fille d'un diplomate. Alors que tous les séparent, ils tombent amoureux.

Un joli petit film entre mélodrame et drame social mais qui est loin de pouvoir rivaliser avec des oeuvres comme Qui est la l'assassin ou l'homme à abattre. Ici le sujet est beaucoup plus conventionnel et prévisible avec son lot de clichés sur les préjugés des familles bourgeoises et le monde criminel qui n'accepte pas de voir sa recrue se ramollir.
Nakahira parvient tout de même à rendre la chose touchante grâce à son jeune duo d'acteurs. C'est surtout Sayuri Yoshinaga qui impressionne avec des jeu nuancé, bien plus riche et complexe que sa partenaire (qui a un rôle plus lisse aussi). Le réalisateur injecte ainsi quelques touches d'humour sur les différences entre leurs deux mondes (la fille se met à lire des magasines sur la boxe ; il va à un concert de musique concrète). Mais il réussit à apporter à cette histoire une vraie dimension romantique et tragique même s'il faut passer par plusieurs facilités narratives pour en arriver là (la fugue) et que les personnages comme les seconds rôles restent donc dans les codes du genre.
La fin est en tout cas très belle
Spoiler (cliquez pour afficher)
La bataille dans la neige qui aboutit à un double suicide où les amoureux seront restés pures jusqu'au bout... ce qui crée des moqueries de camarades de l'apprenti yakuza
La réalisation de Nakahira est là aussi très inférieur à celle des années 50 mais le travail sur la couleur est soignée et on sent une maîtrise du scope. Mais, ça m'a parut un peu académique.
Je me demande si ce film n'a pas servi de base à Jeux Dangereux de Yazuo Masumura qui est pour le coup magnifique, bouleversant et bien plus crédible dans sa peinture sociale.


La mer étincelante (1963)

Juste après la fin de leurs études, une poignée de jeunes découvrent les difficultés d'exprimer leurs sentiments amoureux.

Une comédie (dramatique) dans la parfaite lignée de Elle et moi.
Le film retrouve cette liberté de ton tout de même ahurissante qui parle de chose très terre à terre sans jamais côtoyer la vulgarité et le graveleux. Il y a pourtant des séquences stupéfiantes où les personnages parlent avec un naturel et une absence de tabou qui fait souvent éclater de rire.
La séquence où une jeune adolescente explique à l'amoureux de sa soeur (qu'elle convoite) qu'elle a perdu sa timidité à partir du moment où elle a eu des poils pubiens est hilarante. Il faut la voir évoquer ça le plus simplement du monde en précisant en plus qu'elle est plus poilue que sa soeur (donc plus une "vraie" femme) sous le regard gêné du garçon en face d'elle. :lol:
Le mariage est également un grand moment de rigolade où une couturière remplace le prêtre absent. D'où des questions autrement plus pratiques (et féministes) que les voeux religieux traditionnels. :mrgreen:
On pourrait aussi citer le discours de fin d'année des "7 samurais" (en raison de 7 garçons dans une classe autrement entièrement constituée de filles) ou la stratégie de d'une adolescente pour rapprocher sa grande sœur de son amoureux (avec l'aide du petit frère de celui-ci)

Cette franchise, cette spontanéité, cette fraîcheur débarrassées de toute bien-séance est absolument revigorante. L'innocence et la candeur des personnages sont telles qu'on évite à tous les coups le mauvais gout. Ce traitement neuf et original me semble avoir peu d'équivalent encore aujourd'hui. Pas de tabou dans le langage mais aussi aucune envie de choquer.
En même temps, la psychologie est loin d'être bâclée. Le personnage de la jeune écrivaine est assez osée : incapable de pouvoir assumer ses sentiments envers le garçon qu'elle aime, elle cherche à vivre des expérience sexuelles en demandant à sa mère de lui raconter les étapes de la nuit de noce de son futur re-mariage. Ca donne un caractère assez torturée et complexe qui reste à la fois très juste mais toujours inscrit dans le figures de la pure comédie (comme son style vestimentaire et sa gestuelle).

Mine de rien (et comme dans Elle et moi), Nakahira parle de l'évolution d'une nouvelle génération un peu coincée entre modernisme et tradition avec un regard tendre, décalé et parfois douloureux mais toujours porteur d'espoir. C'est également typiquement dans ses thèmes sur l'amour et la séxualité qui s’épanouit en dehors des normes. Même chose pour sa figure récurrente de la confrontation des points de vues.

En revanche, le film s'attarde un peu trop longuement sur une mère touchée par un cancer qui demande à ce que son époux se remarie avec sa meilleure amie. Les scènes sont émouvantes mais ça donne 2 très longues séquences qui se répètent énormément... même si elle a pour but de confronter la dureté du monde des adultes avec celui insouciant de la jeunesse. D'ailleurs, celle qui comprend le mieux ses dernières volontés est le personnage de l'écrivaine coupée de sa génération, fine psychologue mais incapable de mettre ces idées en pratique.

Avec sa durée de deux heures, le film connaît donc quelques baisses de régime et des changements de ton un peu trop marquée.
Mais comme je disais la fraîcheur du scénario et du casting est tellement stimulante que je ne peux qu'être pleinement enthousiaste. Et puis la mise en scène de Nakahira s'avère très fluide, colorée (sans être criard), sensible et discrète avec des travellings assez longs qu'on ne remarque pas toujours (dans le repas de fin d'année, autour de la fontaine, le discours de l'écrivaine...).

Même si je commence doucement à bien connaitre le cinéma japonais, les comédies juvéniles sont tout de même rarement visibles en France, je suis donc curieux de savoir si d'autres films de cette époque avait cette même liberté de ton où si elle est vraiment spécifique à Nakahira. Il prouve d'ailleurs qu'on peut faire un film de la nouvelle vague dans un genre populaire et commerciale sans jamais renier son univers et son statut d'auteur (bien que la forme soit moins audacieuse que ses drames psychologiques en noir et blanc)
Dernière modification par bruce randylan le 25 juil. 13, 23:52, modifié 1 fois.
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Re: Ko Nakahira (1926-1978)

Message par bruce randylan »

Tentations (1957)

La fille du propriétaire (veuf) d'un magasin espère utiliser l'étage de sa boutique pour organiser une exposition d'oeuvres avant-gardistes d'elle et de ses amis artistes. Parmi les employés du père se trouve une jeune femme timide qui a des vues sur son patron.

Une comédie de moeurs assez réussie, discrète et modeste mais qui ne manque de qualité voire d'ambitions.
C'est une histoire très "mignonne" avec beaucoup de personnages attachants que les auteurs ont su rendre très vivants. Comédie oblige, leur caractère est forcément un peu exagéré : la veuve de 50 ans qui séduit en gloussant le propriétaire, l'artiste bohème à l'allure plus que négligé, l'employée qui néglige sa beauté alors qu'elle est ravissante...
Mais le travail de la réalisation fait largement oublier ces légers stéréotypes avec une réalisation plus virtuose qu'elle n'y parait en jouant énormément sur la profondeur de champ avec ces personnages qui vont souvent dans un bar à étages en face de la boutique du père. Ce qui permet souvent d'avoir de l'action sur plusieurs niveaux de l'image.
Ca dynamise considérablement la narration d'autant que ça permet de créer des contre-points ou des touches décalées. Ca donne un petit aspect "film choral" renforcé par l'utilisation très brèves de voix-off qui nous font entendre le temps d'une ou deux les phrases les pensées d'une bonne partie des protagonistes. Pour la séquence du bal/vernissage de l'exposition, ça devient même un brillant moment que n'aurait pas renié Blake Edwards. La réalisation est d'une fluidité admirable, glissant d'un personnage à l'autre dans des travellings circulaires qui témoigne dune excellente gestion de l'espace malgré un espace réduit. Le tout rythmé par les pas de danses, les touches d'humour, les voix-off (souvent drôles), l'étude de caractère, les émotions des personnages se révélant... 10 minutes virtuose mais comme je disais au début, une virtuosité jamais ostentatoire.

Le film s'amuse ainsi régulièrement à se moquer avec tendresse et malice des petits travers des hommes et des femmes qui peuplent son film (la scène où deux filles en pleure s'enfuient successivement pour se cacher dans une cabine téléphonique, l'employée tellement fier de son amoureux qu'elle tombe en larme dans les bras de celui-ci comme s'ils étaient en couple depuis des années).
Mais Nakahira étant Nakahira, il intègre aussi une sous-intrigue surprenante avec le père qui se souvient d'un amour de jeunesse et dont il rencontre par hasard la fille qui lui ressemble exactement. Quand celle-ci découvre ce qu'il a représenté pour sa mère (via des lettres laissées en héritage), elle décide de leur accorder le baiser qu'ils n'ont jamais pu se donner en se substituant à sa mère.
Alors qu'on aurait pu sombrer dans des relents incestueux, il n'y a rien de malsain dans ces scènes là. Comme souvent chez le cinéaste, la pureté des sentiments échappe à la moral et aux conventions. D'où un moment magnifique et vraiment émouvant, d'une grâce et d'une délicatesse merveilleuse. Et comme l'actrice est jouée par Izumi Ashikawa, c'est encore mieux :oops:
Elle est vraiment l'Audrey Hepburn japonaise la douce Izumi :oops:

Voilà, une très belle découverte pour un film léger et drôle mais qui n'oublient jamais ses personnages (ni sa maîtrise technique).
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Re: Ko Nakahira (1926-1978)

Message par bruce randylan »

Les apprentis faux-monnayeurs (1962)

Un gang de malfrats volent une cargaison de papier pour l'impression de billet. Ils ne leur restent plus qu'à kidnapper un génie de la gravure pour façonner les plaques d'impression. C'est sans compter que 3 amateurs débrouillards aimeraient leur ravir leur butin.

:D
Rah ! Ca fait du bien une bonne comédie policière ! On retrouve l'esprit des premières collaborations entre Seijun Suzuki et Joe Shishido (Bureau détective 2-3 tourné un an après)... D'ailleurs Joe Shishido est de la partie pour le rôle le plus important de ce film pas forcément très subtil dans ses gags mais qui fonctionnent toujours avec des idées excellentes.
Ce qui est original ici, c'est que les 3 apprentis rivalisent d'artifices basiques (pour ne pas dire crétin) mais dont la simplicité enfantine est tellement logique qu'elle se retourne contre eux à plusieurs reprises. Par exemple, ils utilisent à un moment un fausse sirène de police pour faire fuir leurs ennemis.... évidement le bruit de la sirène fait venir les vrais policiers. :mrgreen:
C'est vraiment toujours bien vue comme le coup du chronomètre pour calculer le temps qu'il s'écoule lors de la composition des différents numéros d'un appel téléphonique (sur les modèles avec les chiffres sur un cadran circulaire qu'il faut faire tourner) ou encore le faux camion de l’hôpital psychiatrique devant la gendarmerie, la voiture gardée par des policiers...

Ca peut même donner une séquence anthologique avec les loustics qui, au lieu de prendre un escalier, se regroupent dans un ascenseur pensant surprendre leurs adversaires avant d'être pris au piège. Une longue séquence très bien réalisée, nerveuse, précise, dynamique (si on oublie les mannequins en mousse qui tombent dans la cage). La bonne idée en plus c'est de prendre le contre-pied de la décontraction parodique avec une réaction du personnage féminin qui rappelle qu'il vient tout de même de se passer un véritable bain de sang macabre.

Le personnage féminin est d'ailleurs bien trouvée, une secrétaire expert en arts-martiaux qui rêvent de monter son école de karaté à Paris :mrgreen:
Une femme fraîche, indépendante, intelligente avec un caractère direct et spontanée. Elle vole souvent la vedette à ses partenaires (parfois même à Joe Shishido). Pourtant le film ne manque pas de personnage farfelus : Joe le camionneur qui ne déplace qu'avec un énorme camion donc, le boiteux qui cache une fusil d’assaut dans son plâtre et sa cannes, le faux-monnayeur qui ne veut travailler qu'entouré de filles en petites tenues (son bureau sera donc placé sous la scène en verre d'un club de danseuses :lol: ).
C'est très crétin mais efficace sans jamais être hystérique ni de mauvais gout malgré quelques allusions graveleuses comme une masseuse qui s'étonne que Shishido ne demande pas de "happy end".
Il y a un humour qui fleurte avec l'absurde et qui s'avère vraiment réjouissant pour mieux surprendre (on pense que l'épouse du faux-monnayeur vient de se faire abattre mais elle joue seulement aux cowboys avec son vieux mari :mrgreen: ).

Bref, c'est enlevée, rythmée, drôle, bourrée d'idées, solidement mis en scène. C'est pas un grand film et encore moins un chef d'oeuvre mais on s'amuse beaucoup et on sort de la séance avec le sourire et la pêche. :D
Des comme ça, j'en veux plus souvent !
Dernière modification par bruce randylan le 25 juil. 13, 23:53, modifié 1 fois.
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Message par bruce randylan »

Les ailes rouges (1959)

Un pilote d'avion doit transporter une caisse de médicament pour sauver un enfant malade vivant sur une île reculée du Japon. Il ne lui reste pour ça qu'un vieux mono-moteur. Il est accompagné d'une journaliste qui couvre l'affaire et un homme qui voyage pour raison personnelle. Il s'agit en fait d'un criminel qui veut détourner l'avion pour rejoindre ses complices.

L'ouverture est excellente : on est en caméra subjective ; elle sort d'un ascenseur pour avancer dans les couloirs d'une société pour rentrer dans le bureau du directeur, elle dégaine, abat le directeur avant de reculer (toujours armes aux poings) vers l'ascenseur.
L'effet est saisissant, la caméra étant très fluide et les bras tenants les pistolets ne faisant pas du tout factice. Le reste de la séquence ( découpé normalement) où l'assassin s'enfuit dans une voiture qui fonce dans une petite rue et écrase même une petite fille (qui laisse échapper un ballon) est également stupéfiante.
Mais au final, cette ouverture s'avère assez gratuite et ça sera ce que le film proposera de mieux.

C'est un thriller assez mou, pas très passionnant et plutôt pauvre en mise en scène. C'est le premier film en couleur de Nakahira (et peut-être son premier en scope) et il n'a pas l'air très l'aise avec les deux procédés même si la copie jaunie ne permet pas d'être affirmatif. Après ca sent le produit de commande impersonnel et commercial bien que Nakahira a co-signé l’adaptation du roman.
Le suspens avec l'enfant malade sur le point de mourir est assez raté, car totalement prévisible et sans surprise avec son lot de bons sentiments mélodramatiques.
La partie dans l'avion et sur l'île entre le tueur et ses deux otages est un peu mieux mais loin d'être transcendante, la faute à une mise en scène mollassonne, des acteurs qui font le minimum syndical. Le scénario ne manque pourtant pas de rythme et certains moments ne sont pas désagréable comme la conversation au coin du feu mais les personnages ne sont vraiment pas intéressant. Reste donc quelques éclats de violence assez bien vus (le pistolet caché, le coup de l'hélice faussement en panne, le crash de l'avion vers la fin assez spectaculaire et bien découpé).
Voilà, pas grand chose à sauver sans que ce soit une purge non plus. Il y avait pourtant du potentiel avec ce huit-clos et une dimension critique sociale qui aurait pu être intelligente (journalisme cynique, monde de l'entreprise déshumanisé, habitants en dehors des grandes villes coupés des soins basiques...). Reste que la fin avec la copine du pilote qui se fait rembarrer maintenant que celui-ci a trouvé mieux est assez gratiné :mrgreen:

ps : Même Izumi Ashikawa ne brille pas dans un court second rôle moralisateur. :cry:
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Message par Commissaire Juve »

bruce randylan a écrit :...
Voilà, pas grand chose à sauver sans que ce soit une purge non plus.
Dommage, parce que l'idée de départ est sympa (cela dit, comme je suis grand public, ça pourrait peut-être me plaire).
La vie de l'Homme oscille comme un pendule entre la douleur et l'ennui...
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Re: Ko Nakahira (1926-1978)

Message par bruce randylan »

Commissaire Juve a écrit :
bruce randylan a écrit :...
Voilà, pas grand chose à sauver sans que ce soit une purge non plus.
Dommage, parce que l'idée de départ est sympa (cela dit, comme je suis grand public, ça pourrait peut-être me plaire).
Voilà, l'idée est sympa avec un vrai potentiel de tension mais pour le coup Nakahira n'est pas Anthony Mann. :|


On continue dans la série des films dispensables

Le joueur en noir : le coup du diable (1966)

Himura, virtuose du poker doit affronter un groupe de yakuzas tenant une salle de jeux et surtout une mystérieuse organisation provenant d'une monarchie du moyen-orient qui veut s'offrir la bombe nucléaire en vidant les caisses du Japon. Pour ça ils doivent d'abord battre les meilleurs joueurs de cartes du pays .


Le joueur en noir est une série en 3 épisode sur une sorte de James Bond nippon du poker, imbattable et expert en karaté. Je n'ai pas eut l'opportunité de voir le premier épisode, également réalisé par Ko Nakahira (qui ne signera pas le second volume) mais ça ne gêne pas vraiment à la compréhension du film même si on devine que beaucoup de seconds personnages proviennent des titres précédents (la copine qui tient un bar, le détective et le propriétaire de la salle de jeu).

Comme on peut s'en douter à la lecture du résumé, c'est un pur film d'exploitation impersonnel que signe Nakahira en mode mercenaire.
C'est très crétin et improbable avec ce plan totalement WTF des méchants (qui ne sont pas de vrais arabes mais des japonais avec du cirage :| ). Après, c'est plutôt rythmé, y-a quelques duels amusants (le défi aux dés, les 2 parties de poker dans les confrontations finales), des situations/gadgets improbables (la montre qui envoie des fléchettes empoisonnées, le méchant et sa vision des jeux, une femme faisant le rôle de l'adolescent qui perd aux courses de lévrier...) et l’ensemble porte une décontraction/flegme pas désagréable mais bon, c'est pas vraiment passionnant ou palpitant au vu des enjeux pathétiques, des personnages inconsistants et de l'humour qui tombe systématiquement à plat. Ah si un gag m'a fait rire, celui où le roi Abdallah III court en caleçon dans la rue et qu'on prend pour un marathonien :mrgreen:

Voilà, pas grand chose de notable dans la mise en scène en tout cas. Ca se consomme vraiment très vite et ça s'oublie tout aussi vite et on trouve le temps long par moment.

C'est en tout cas peu de temps après ce film que Nakahira est allé tourner quelques films pour la Shaw brothers sous le nom de Yang Shu Hsi de 1967 à 1969.
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Re: Ko Nakahira (1926-1978)

Message par bruce randylan »

Les lundi de Yuka (1964)

Une sublime prostituée de Yokohama met un point d'honneur à vouloir satisfaire ses nombreux clients par une générosité et une douceur inhabituelle (dûe à une grande naïveté des relation hommes/femmes) même si elle se refuse à les embrasser. Elle entretient tout de même une relation privilégiée avec un homme mure dont elle jalouse la vie de famille avec son épouse et sa fille

Grosse, grosse déception. Tout était pourtant réuni pour être un chef d’œuvre avec tous les thèmes de Nakahira : la liberté (sexuelle) en dehors des normes et au delà des tabous, la confrontation des points de vues, portrait féminin, arrière fond social, la musique "when the saints go marching in" (qu'il glisse régulièrement dans ses films :mrgreen: )... Et la première séquence est éblouissante avec une caméra tremblante (la shaky cam ne date pas d'hier) où l'on suit Yuka évoluer dans un night club plongé dans une quasi totale obscurité, perdue au milieu de silhouettes alors tandis que des clients évoquent en voix off sa personnalité et son caractère. Elle apparait donc littéralement comme quelqu'un d'insaisissable, complexe, fuyante, qu'on ne peut résumer facilement.

Et puis, très rapidement, ça devient insupportable. C'est clairement sous influence godardienne notamment Vivre sa vie (outre le sujet de la prostitution, Mariko Kaga prend vraiment des airs à Anna Karina). C'est vraiment le genre de film "nouvelle vague" dans ce que ça peut proposer de plus stérile, vain, déconnectée de toute vraisemblance psychologique et terriblement froid.
Les traits de Yuka sont tellement poussés à l'extrême qu'il est impossible de s'identifier à elle ou de comprendre ses motivations. Sa candeur est trop symbolique et schématique pour qu'on y croit, ses relations avec les hommes trop artificiels, son traumatisme trop ridicule (elle refuse d'embrasser les hommes car quand elle était enfant un prêtre lui a fait un sermon violent alors qu'elle épiait un couple s'embrasser... Du plus comme l'homme était noir, elle a développée une fixation sur l'Afrique :| )... Alors oui, Mariko Kaga est d'une beauté époustouflante mais il m'en faut quand même plus. Et puis la mise en scène ne fait rien pour arranger les choses avec ses plan fixes à l'esthétisme surligné et une narration par à-coups.
Mes épaules ont dû se soulever plusieurs fois durant la séance en signe d'incompréhension spontanée qui culmine dans la dernière séquence que j'ai trouvé d'un ridicule achevé. J'avoue même être sorti en colère contre Nakahira de prendre une direction aussi "autheurisante" alors qu'il a su faire tellement de films personnels, intelligents (parfois drôles) et grand public sans pour autant renier de vrais ambitions formalistes, presque expérimentale par moment avec des sujets par forcément commerciaux.

C'est vraiment frustrant de finir une rétrospective aussi passionnante avec un titre à ce point à côté de la plaque et faux de A à Z. :cry:
Dernière modification par bruce randylan le 24 mars 17, 23:36, modifié 1 fois.
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Re: Ko Nakahira (1926-1978)

Message par Rick Blaine »

bruce randylan a écrit :Les apprentis faux-monnayeurs (1962)

Un gang de malfrats volent une cargaison de papier pour l'impression de billet. Ils ne leur restent plus qu'à kidnapper un génie de la gravure pour façonner les plaques d'impression. C'est sans compter que 3 amateurs débrouillards aimeraient leur ravir leur butin.

:D
Rah ! Ca fait du bien une bonne comédie policière ! On retrouve l'esprit des premières collaborations entre Seijun Suzuki et Joe Shishido (Bureau détective 2-3 tourné un an après)... D'ailleurs Joe Shishido est de la partie pour le rôle le plus important de ce film pas forcément très subtil dans ses gags mais qui fonctionnent toujours avec des idées excellentes.
Ce qui est original ici, c'est que les 3 apprentis rivalisent d'artifices basiques (pour ne pas dire crétin) mais dont la simplicité enfantine est tellement logique qu'elle se retourne contre eux à plusieurs reprises. Par exemple, ils utilisent à un moment un fausse sirène de police pour faire fuir leurs ennemis.... évidement le bruit de la sirène fait venir les vrais policiers. :mrgreen:
C'est vraiment toujours bien vue comme le coup du chronomètre pour calculer le temps qu'il s'écoule lors de la composition des différents numéros d'un appel téléphonique (sur les modèles avec les chiffres sur un cadran circulaire qu'il faut faire tourner) ou encore le faux camion de l’hôpital psychiatrique devant la gendarmerie, la voiture gardée par des policiers...

Ca peut même donner une séquence anthologique avec les loustics qui, au lieu de prendre un escalier, se regroupent dans un ascenseur pensant surprendre leurs adversaires avant d'être pris au piège. Une longue séquence très bien réalisée, nerveuse, précise, dynamique (si on oublie les mannequins en mousse qui tombent dans la cage). La bonne idée en plus c'est de prendre le contre-pied de la décontraction parodique avec une réaction du personnage féminin qui rappelle qu'il vient tout de même de se passer un véritable bain de sang macabre.

Le personnage féminin est d'ailleurs bien trouvée, une secrétaire expert en arts-martiaux qui rêvent de monter son école de karaté à Paris :mrgreen:
Une femme fraîche, indépendante, intelligente avec un caractère direct et spontanée. Elle vole souvent la vedette à ses partenaires (parfois même à Joe Shishido). Pourtant le film ne manque pas de personnage farfelus : Joe le camionneur qui ne déplace qu'avec un énorme camion donc, le boiteux qui cache une fusil d’assaut dans son plâtre et sa cannes, le faux-monnayeur qui ne veut travailler qu'entouré de filles en petites tenues (son bureau sera donc placé sous la scène en verre d'un club de danseuses :lol: ).
C'est très crétin mais efficace sans jamais être hystérique ni de mauvais gout malgré quelques allusions graveleuses comme une masseuse qui s'étonne que Shishido ne demande pas de "happy end".
Il y a un humour qui fleurte avec l'absurde et qui s'avère vraiment réjouissant pour mieux surprendre (on pense que l'épouse du faux-monnayeur vient de se faire abattre mais elle joue seulement aux cowboys avec son vieux mari :mrgreen: ).

Bref, c'est enlevée, rythmée, drôle, bourrée d'idées, solidement mis en scène. C'est pas un grand film et encore moins un chef d'oeuvre mais on s'amuse beaucoup et on sort de la séance avec le sourire et la pêche. :D
Des comme ça, j'en veux plus souvent !
Vu hier soir, je rejoins Bruce entièrement, une comédie policière franchement sympathique et rafraîchissante. C'est super dynamique et amusant, et ça m'a parfois évoqué le cinéma de Lautner avec un côté pop qui fait penser à Ne nous fachons pas (les couleurs flashy, la voiture de Joe Shishido :D ) ou le rôle féminin très valorisé. Une vraie bonne surprise, très bien menée, avec un casting royal. Dommage que d'autres films de Nakahira ne soient pas, à ma connaissance, édités en DVD ou BR.
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Re: Ko Nakahira (1926-1978)

Message par bruce randylan »

Bien content de voir que l'enthousiasme est partagé. L'affiliation avec Lautner est bien vu en effet.

Oui, très triste que Nakahira ne soit pas plus édité. A part Crazy fruits/passions juvéniles, c'est un peu le désert (je ne compte pas les Rica).
Cela dit, Les apprentis faux-monnayeurs est un film très à part dans la carrière du bonhomme. Dans l'ensemble c'est plutôt du drame psychologique (parfois avant-gardiste) avec quelques chroniques adolescentes plus légères.
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Re: Ko Nakahira (1926-1978)

Message par Rick Blaine »

bruce randylan a écrit :Dans l'ensemble c'est plutôt du drame psychologique (parfois avant-gardiste)
Compte tenu de l'aisance technique du cinéaste, je serais très curieux de voir éditer quelques uns de ces titres.
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Re: Ko Nakahira (1926 - 1978)

Message par bruce randylan »

bruce randylan a écrit : Passions juvéniles (1956) Présent ce cycle et disponible chez Criterion sous le titre Crazy Fruits

Un film qui, avec ceux de Kawashima, annonce fortement la nouvelle vague qui va arriver quelques années après.

C'est un drame sur la rivalité entre deux frères amoureux de la même femme. L'un est réservé et mal dans sa peau tandis que le plus âgé est un coureur de jupon insouciant et égoïste. Il est dommage que l'histoire subisse des ralentissements et des répétitions dans son tiers central qui fait retomber la tension dramatique comme il est décevant que le personnage féminin soit si passive et manque cruellement de caractère.
Pour le reste, la mise en scène est excellente avec un découpage très moderne et un excellente photographie. Dans sa première et dernière partie on sent une tension écrasante qui explose littéralement dans une conclusion mémorable et sauvage. Une séquence d'autant plus marquante qu'elle est quasi muette.
C'est aussi l'un des rare films sur la jeunesse où la musique est exploitée intelligemment, loin d'être un simple argument commercial.
Sous le nom de Yang Shu Hsi, Nakahira tourna lui-même un remake lors de son passage à la Shaw Brothers : Summer Heat (1968)

J'ai vu l'original il y a 6 ans donc les souvenirs sont loin d'être parfaits mais ce film est assez fidèle dans ses grandes lignes, sa conclusion ou l'utilisation inspirée de la musique. La différence principale réside dans un tournage en couleur qui est assez bien gérée avec pas mal de petites touches rouges (comme chez Ozu !). Par contre, la stricte mise en scène est autrement moins viscérale pour un style conventionnel et assez anonyme qui ne permet pas de dynamiser un récit pépère et les clichés des personnages qui deviennent ainsi trop stéréotypés, peu aidés par un casting fade. En revanche, l'héroïne m'a semblé un peu mieux écrit et, malgré les limites de son jeu, j'ai apprécié le choix de Jenny Hu pour l’interpréter. Opter pour une eurasienne permet de définir immédiatement une certaine dualité dans son comportement et son apparence qui créent un certain pouvoir de fascination.

C'est avant tout une curiosité et mieux vaut se limiter à la version japonaise autrement plus moderne dans la forme. Sinon, il existe le DVD zone 3 VOSTA sorti chez Celestial.

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Beule
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Re: Ko Nakahira (1926 - 1978)

Message par Beule »

bruce randylan a écrit : 10 janv. 13, 00:58 Tempête sur l'Arabie (1961)

Le jeune et impulsif héritier d'une grosse multinationale décide de se rendre en Egypte sur les conseil laissés par son grand-père dans son testament. il se trouve mêler malgré lui à une histoire d'espionnage périlleuse.

En voilà un drôle de film. Il a été en effet produit par la compagnie Pan American Airways :o
C'est donc un film qui donne envie d'emprunter leurs vols pour aller visiter le monde... ici l'Egypte donc. Ainsi à chaque fois que le héros se trouve dans un lieu touristique, un sous-titres viennent indiquer son nom... même dans les scènes à "suspens" ou d'action... :lol:
... et instructif en plus, puisqu'à l'occasion, en pleine filature relayée par la musique à suspens, les sous-titres peuvent même prendre la forme d'une visite guidée ("l'Opéra khédival qui abrita la première représentation du Aïda de Verdi" - mais ils ne donnent pas la date... :evil: ).
bruce randylan a écrit : 10 janv. 13, 00:58 Le scénario est proprement ahurissant d'invraisemblances et de facilités. Au moins autant que dans Prometheus et Dark Knight Rises mais l'avantage c'est que le film ne se prend jamais au sérieux, au contraire. On a même le sentiment que tout est fait pour surligner chaque énormité... Et il y en a : entre les personnages qui passent leurs temps à se croiser par hasard aux 4 coins de la ville, des intrigues à tiroirs improbables (la japonaise à la recherche de son papa), des rebondissements permanents... Au bout d'un moment, c'est tellement exagéré que ça en devient presque jubilatoire. En tout cas si on est d'humeur, il y a moyen de bien rire : microfilm dans un pendentif au coeur d'une guerre entre "impérialistes" et "révolutionnaires" patriotique (c'est tout ce qu'on connaîtra de leurs motivations), course pour escalader une pyramide, séquence de danse dans un cabaret, pierre tombale japonaise en plein milieu du désert, avion traquant le héros au pied d'un site historique, kidnapping, meurtre, médecin japonais, arnaque... Ca n'arrête jamais ! :mrgreen:
Ils osent même l'idée de l'élu à un moment (le porteur du médaillon), mais c'est oublié en route a priori. Sans doute trop difficile à concilier avec le McGuffin du mystérieux microfilm :mrgreen: dans le médaillon en question.
bruce randylan a écrit : 10 janv. 13, 00:58 Détail curieux, le film a bien était tourné en japonais, anglais et arabe mais les dialogues anglais et arabes sont souvent re-doublés par dessus les voix d'origines. C'est parfois déstabilisant.
Parfois ?
C'est à mon sens ce qui achève d'en faire un nanar pur jus.
Effectivement, le son est manifestement enregistré en prise directe et on perçoit le dialogue original derrière le doublage. On le perçoit d'autant plus facilement qu'il n'y a aucune recherche de synchronisation labiale : le doublage japonais est souvent deux fois plus court que la réplique originale. Mais pire encore, dans cet exercice de "postsynchronisation" règne l'anarchie la plus totale. On dirait que le choix de doubler ou pas certaines répliques s'est fait au petit bonheur la chance tant certains dialogues sont traduits en dépit du bon sens. Le moment qui m'a achevé dans un fou rire nerveux, c'est quand Ishihara (qui ne pipe pas un mot d'arabe) s'écrie à la danseuse de cabaret (en prison je crois) "Ça va, j'ai compris !". Bah oui mon gars, c'est normal puisqu'elle elle vient de s'adresser à toi en japonais, langue qu'elle n'est pas censée maîtriser... Ou cet autre moment quand l'arnaqueur japonais (Yûji Odaka) est tabassé par les vilains impérialistes. Le chef débute l'interrogatoire en japonais, mais ça n'empêche pas son sous-fifre de s'exciter ("In english!") quand Okada lui répond du tac au tac dans sa langue natale, alors que lui, l'homme de main, s'adressait à son chef en arabe non doublé... J'étais régulièrement complètement largué devant les problèmes de communication à géométrie variable produits par la narration (mais qui parle quelle langue à la fin ?! Y avait-il un ou une scripte sur ce film ?) ajoutant encore, s'il en était besoin, à l'opacité d'une intrigue qui déjà à l'écriture ne brillait sans doute pas par sa cohérence et sa limpidité...
Il faut voir Yujiro Ishihara chevauchant un mulet, chantant en arabe et déguisé en nomade sous les yeux de l'armée d'impérialistes sur-armés. Vraiment n'importe quoi mais ça devient un plaisir coupable sur la longueur. D'ailleurs le casting joue vraiment bien le jeu. (elle est vraiment mimi cette Izumi Ashikawa :oops: )
Je l'ai justement vu dans le cadre d'une petite soirée thématique Izumi :oops: .
On ne va pas se mentir, sans l'imperturbable professionnalisme de l'exquise comédienne - chapeau bas pour certaines répliques assumées avec une candeur désarmante, comme l'évocation WTF de ses possibles retrouvailles avec ses parents dans le caritatif - et de son iconique partenaire, pas certain que je serais allé jusqu'au bout.

Je serais quand même curieux d'en savoir plus sur la genèse de cet improbable projet, entre pastiche hitchcockien complètement décérébré (le scénario de Double Exposition de Yonfan, récemment découvert, m'avait pourtant semblé insurpassable dans ce registre) et travelogue promotionnel très, mais alors très assumé.
#PanAm #Louxor
bruce randylan a écrit : 10 janv. 13, 00:58 Mais c'est quand même très dispensable et anodin si on reste sur la notion "d'auteur" dans la carrière de Ko Nakahira.
Tu m'étonnes :D
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Profondo Rosso
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Re: Ko Nakahira (1926-1978)

Message par Profondo Rosso »

Ah mais je n'avais pas vu ce topic je rapatrie quelques avis ici vu que je découvre pas mal de film du réalisateur en ce moment

Passions juvéniles (1956)

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Deux frères sont en compétition pour gagner les faveurs amoureuses d'une jeune femme, durant un été au bord de mer passé à jouer, naviguer et boire.

Passions juvéniles est une production s'inscrivant dans le du taïo-zoku, signifiant "tribus du soleil". Ce mouvement fait le portrait de la jeunesse japonaise hédoniste des années 50, et trouve sa source dans la littérature. En 1955, le jeune Shintaro Ishihara fait sensation en remportant le prestigieux Prix Akutagawa (équivalent japonais du Goncourt) pour son recueil de nouvelles Les Saisons du soleill. L'ouvrage remporte un succès considérable et devient un véritable phénomène générationnel dont le cinéma va s'emparer. En 1956 la Nikkatsu produit donc Les Saisons du soleil, adaptation de la nouvelle éponyme du recueil pour laquelle Shintaro Ishihara parvient à imposer son frère cadet, Yujiro Ishihara, en tête d'affiche. Le film est un triomphe et fait de Yujiro Ishihara une icône, le pendant de James Dean et Elvis Presley pour la jeunesse locale. Afin de battre le fer quand il est chaud, une seconde adaptation d'une autre nouvelle du livre est lancée avec Passions juvéniles qui sortira en salle en juillet 1956, soit quelques mois à peine après la sortie de Les Saisons du soleil le 17 mai de la même année. Shintaro Ishihara est encore plus impliqué puisqu'il en signe le scénario, et devient vraiment le porte-étendard de cette génération, tant au niveau du public que du milieu cinématographique. Il est ainsi scénariste, producteur, réalisateur de plusieurs adaptations de ses ouvrages et moteur de la Nouvelle Vague japonaise, voyant des réalisateurs prestigieux ou émergents comme Masahiro Shinoda (avec Captive Island (1960) et Fleur Pâle (1964)), Yuzo Kawashima (Le Baiser du voleur (1960)), Kon Ichikawa (La Salle du châtiment (1956)) Nagisa Oshima (Voyage à petit risque (1963)) transposer ses écrits. Le symbole de modernité que représente Shintaro Ishihara est d'autant plus ironique rétrospectivement puisqu'à partir de la fin des années 60 (et conseillé par son ami Yukio Mishima), il entame une brillante carrière politique qui le verra être un ponte du PLD, endosser les mandats prestigieux et être un des tenants des opinions les plus réactionnaires et conservatrices qui soit.

Passions juvéniles observe donc la jeunesse dorée japonaise s'abandonner aux plaisirs divers le temps d'un été. Nous allons plus particulièrement suivre deux frères aux caractères dissemblables, Natsuhisa (Yujiro Ishihara) et son cadet Haruji (Masahiko Tsugawa). Natsuhisa est un jeune homme typique de cette insouciance ambiante, aimant goûter les plaisirs divers tels que la boisson, le jeu, la danse et bien sûr les femmes. Haruji est plus introverti et délicat, un caractère sensible ne souffrant cependant pas du caractère envahissant de son aîné qui l'emmène dans toutes ses pérégrinations et l'introduit à ses amis. Ko Nakahira capture avec brio la langueur de l'été, le luxe des environnements où évoluent ces jeunes nantis, et multiplie les vues de panoramas exotiques chatoyants au sein desquels les protagonistes s'adonnent au ski nautique. Sous les rires et la beauté de ces corps vigoureux plane cependant le spectre d'un machisme nauséabond. Le groupe ne vise que les conquêtes éphémères, ne voient les femmes que sous forme de consommation éphémère dont ils n'ont aucuns scrupules à se débarrasser une fois parvenus à leurs fins - l'odieux Frank (Masumi Okada) renvoyant sa petite amie à l'envoyeur plutôt que de répondre au défi de son ex voulant se battre. Haruji dénote dans ce contexte, ayant jeté son dévolu sur Eri (Mie Kitahara), une belle jeune femme en apparence réservée dont il est immédiatement tombé amoureux. Lorsqu'il la présente à ses amis durant une soirée, ces derniers dont son frère ne sont pas dupes et devine l'expérience d'Eri sous ses airs discrets. Ko Nakahira excelle à traduire la tension érotique, dans la mesure de ce qu'il est encore possible de montrer dans le cinéma japonais des années 50. Un regard en coin, un frottement de jambe durant un bain de soleil suffit à troubler l'atmosphère et faire comprendre l'appel du pied que fait Eri à un Haruji intimidé qui trouve une excuse pour s'éloigner. Plus tard à l'abri nocturne d'une plage, le baiser innocent d'Haruji se voit répondre une embrassade bien plus agressive, le langage corporel lascif d'Eri cherche à enflammer les sens de son partenaire qui ne dépassera pas la gaucherie chaste. Eri tombe cependant progressivement amoureuse de ce garçon timide qui la respecte, alors que Natsuhisa la démasque comme épouse/maîtresse d'un riche occidental. Sous prétexte de protéger son frère, il oblige Eri à coucher avec lui afin qu'il garde le silence.

Le réalisateur par cette sensualité moite maintien une ambiguïté constante autour de ses personnages, dont l'incertitude des émotions s'annonce par leur rejet de la vie et l'avenir tout tracé de leurs aînés. Le cœur d'Eri la guide vers Haruji dont la timidité l'émeut mais la laisse insatisfaite, et ses sens se délectent des assauts pourtant abusifs de Natsuhisa - être l'initiatrice de l'un ou le jouet "consentant" de l'autre, là est le dilemme. Ce dernier tout à son masque d'indifférence prétend profiter du corps d'Eri, mais en tombe amoureux et souffre en comprenant qu'elle réserve ses sentiments à son frère. Enfin Haruji en découvrant si naïvement l'amour et le sexe est le plus susceptible de souffrir de la situation en comprenant la situation, en voyant son idéal et premier amour foulé du pied. Mie Kitahara et Yujiro Ishihara tomberont amoureux et se marieront après le tournage, et l'alchimie entre eux est palpable pour traduire le trouble charnel par l'image. L'instinct moral de refus cède vite à l'abandon au sens pour Eri, les assauts bestiaux de Natsuhisa se muent en caresses douces, notamment lors de l'escapade finale, et l'on ne sait où placer le curseur moral dans cette relation insaisissable - qui vaudront les louanges d'un François Truffaut critique qui compara le film à Et Dieu créa à la femme en jugeant Passions juvéniles bien supérieur. Pour Haruji sincère et passionné, pas d'entre-deux possible et la trahison dont il sera victime va le faire basculer dans une réaction radicale et désespérée dans une conclusion choc. Tout ce qui ne s'était ressenti que par les étreintes torrides ou les effleurements contenus cèdent ainsi dans un final aussi inattendu que brutal et cathartique, signant bien la fin de l'été et de l'innocence. 5/6
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Profondo Rosso
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Re: Ko Nakahira (1926-1978)

Message par Profondo Rosso »

Hunter's Diary (1964)

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Ichirô Honda, marié à la fille d’un grand indus­triel, mène une dou­ble vie. Grand séduc­teur, il consi­gne dans un jour­nal ses ren­contres à répé­ti­tion. Un jour, il apprend par les jour­naux qu’une de ses ancien­nes conquê­tes, Keiko Obana, s’est sui­ci­dée. L’affaire est clas­sée sans suite par la police. Quelques jours après, le meur­tre d’une autre « proie » de Honda fait la une des jour­naux. Ce der­nier ne se sent pas concerné et pour­suit ses par­ties de chasse galan­tes. Entre-temps, la sœur de Keiko a décidé d’enquê­ter seule sur les cir­cons­tan­ces du drame. Elle finit par appren­dre l’exis­tence de Honda…


Hunter's Diary est la première adaptation cinématographique d'un roman de Masako Togawa, un des grands talents émergents de la littérature policière japonaise au début des années 60. Dès son premier roman Le Passe-partout publié en 1961 (et tout récemment édité en France pour la première fois), elle fait montre d'un talent remarquable pour dresser des portraits féminins marquant et tisser des récits de machinations à la construction diabolique. Le Passe-partout remporte le prestigieux prix Edogawa Ranpo en 1962, avant d'être suivi par un succès plus grand encore de son second roman Ryōjin nikki publié en 1963 et qui va donc avoir les honneurs du grand écran avec Hunter's Diary. En plus de son talent littéraire, Makoto Togawa est une grande figure des nuits japonaises, ayant été chanteuse de cabaret, plus tard tenancière de night-club, et s'affichant pour sa sexualité libérée. C'est donc tout un spectre de la nature humaine dans ce qu'elle peut avoir de plus ou moins reluisant qu'elle a été en mesure d'observer qui se retrouve dans ses livres, et par extension dans le film.

La scène d'ouverture installe une atmosphère froide et clinique, qui dans un premier temps semble avoir peu de rapport avec l'histoire. Il s'agit d'une longue séquence de simili cours de criminologie où une voix-off nous explique toutes les méthodes permettant de récolter les indices "biologiques" (sang, sperme, cheveux...) afin de confondre un criminel, tout en nous indiquant les failles possibles. Cette introduction opaque ne fera sens que bien plus tard. Autre moment choc de ce début de film, le suicide d'une jeune femme, dépitée par l'abandon d'un homme avec lequel elle n'a passé qu'une seule nuit. La sœur de la défunte (Yôko Yamamoto) se met alors en quête de l'homme lui a funestement brisé le cœur. C'est alors que l'on va adopter le point de vue de ce dernier, Ichiro Honda (Noboru Nakaya), adepte de la double vie. Dans sa ville d'Osaka, il est marié à Taneko (Masako Togawa jouant dans l'adaptation de son livre), fille d'un riche industriel, et lorsqu'il est en voyage d'affaires, il se mue en séducteur carnassier. Se faisant passer pour un métisse japonais, il traque les jeunes femmes esseulées en sachant trouver les mots et attitudes adéquates pour les entraîner dans son lit, ce après quoi il consigne ses impressions dans son journal de prédateur. En effet c'est bien d'une chasse qu'il s'agit dans sa manière d'épier et suivre ses proies, de les amadouer par la ruse et quelques verres d'alcool, puis de s'inviter chez elle ou à l'hôtel pour conclure. Ko Nakahira façonne une imagerie surréaliste pour illustrer des faits tristement ordinaires. Fondus enchaînés sur les bons mots écrits du journal, effets de surimpressions où se confondent les silhouettes dénudées des différentes conquêtes de Honda, caméra subjective adoptant le point de vue de ce dernier lorsqu'il arpente les trottoirs nocturnes et illuminés en quête de sa prochaine conquête. La voix-off souligne l'autosatisfaction du personnage, tandis que le filmage de Nakahira saisit parfaitement les étapes croissantes de proximités, du bar à la chambre, menant à l'étreinte attendue. Là aussi le timing du séducteur, entre timidité de façade et assaut torride est parfaitement dosé par le réalisateur qui équilibre habilement érotisme et un certain malaise.

Pourtant le dispositif se dérègle lorsque, après le suicide vu en ouverture, Honda constate dans les journaux que toutes ses anciennes amantes d'un soir sont assassinées après avoir fait sa rencontre. Dès lors tous les effets initiaux servent désormais un climat paranoïaque où Honda remonte la piste morbide de ses conquêtes dans un piège qui semble irrémédiablement se refermer sur lui. On en vient à se demander si une victime malheureuse de ses actes se venge sur lui, voire si le séducteur ne souffre pas de schizophrénie et s'avère être en plus un serial-killer. L'imagerie de plus en plus hallucinée entretient le doute, le tombeur perd de sa superbe d'autant que l'on va enfin découvrir le versant ordinaire de sa vie personnelle qui s'avère pathétique. Il fait lit à part avec son épouse Tanako depuis la mort tragique de leur bébé, ce qui explique en partie ses envies d'ailleurs. Cependant, Nakahira applique la même imagerie angoissante et cauchemardesque à cette part de la vie de son héros, notamment par un saisissant flashback dans lequel on découvre le sort du bébé disparu. Les situations dans lesquelles se retrouvent engoncés Honda sont de plus en plus surréalistes, faisant douter de ce que l'on voit y compris son arrestation et procès après lesquels il se retrouve condamné à mort et subit la vindicte morale publique lorsque ses mœurs seront dévoilées.

C'est à ce moment que le film endosse une nouvelle rupture de ton et de point de vue. Nous allons désormais suivre l'enquête tout ce qu'il y a de plus terre à terre de Hatanaka (Kazuo Kitamura), avocat chargé de défendre Honda. Si la première partie partait de situations banales et triviales pour glisser vers une imagerie baroque, ce second acte au contraire va dépeindre des faits réellement extraordinaires à travers une tonalité tout à fait rationnelle. On ne peut en dire plus sans dévoiler une machination et un rebondissement final magistralement amené, mais les explications techniques de l'introduction prennent alors tout leur sens. Il y a presque un travail d'entomologiste à la Imamura dans la manière d'explorer des pans moins respectables de la société dont le monde de la nuit, de dévoiler la libido émancipée des jeunes japonaises et ainsi contredire la nature de victime entretenue par la première partie qui ne servait en définitive que le narcissisme d'Honda, l'aura factice de mâle alpha dans laquelle il se voyait - ce qui rend le propos plus moderne et féministe que de faire des femmes de simples victimes. Cette manière de ramener la mise en scène, les éléments très concrets du mystère, à quelque chose de soudainement plus réaliste est une manière d'orienter le thriller jusque-là haletant vers le terrible drame humain qui se joue. Quand vient l'heure des explications, la surprise se dispute à la profonde tristesse et un véritable sentiment de gâchis. Le twist n'a plus rien de jubilatoire mais s'avère un crève-cœur pour tous les protagonistes, le thriller se mue en mélodrame poignant. Une grande réussite à laquelle Ko Nakahira donnera plus tard un remake hongkongais lorsqu'il travaillera pour la Shaw Brothers, Diary of a Lady-Killer (1969). 5/6

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