LE TUEUR DE BOSTON
Quoique le titre original et le film n’y fasse jamais explicitement référence, LE TUEUR DE BOSTON s’inspire, bien évidemment, d’une des affaires criminelles les plus célèbres des Etats-Unis, celle de l’Etrangleur de Boston, un violeur et tueur en série qui sévit entre 1962 et 1964. Cette suite de crimes inspira, en 1968, l’excellent L’ETRANGLEUR DE BOSTON de Richard Fleisher où Henry Fonda faisait face à un inquiétant Tony Curtis. La qualité de ce long-métrage éclipsa longtemps cette première version, beaucoup moins prestigieuse, tournée en 1964, que le dvd permet aujourd’hui de redécouvrir avec intérêt.
Leo Kroll, un jeune homme débonnaire et grassouillet, en apparence inoffensif, travaille dans un laboratoire et s’occupe de sa mère alitée internée dans un hôpital. Son unique distraction consiste à gagner de petites poupées dans un luna-park où il tente régulièrement de séduire une jeune demoiselle. Mais Leo Kroll est également un tueur en série fétichiste qui a déjà massacré plusieurs infirmières. La police s’avère impuissante à l’arrêter en dépit des efforts d’une équipe composée de détective et de psychologues…Cependant, les poupées laissées sur les lieux du crime pourraient bien conduire les forces de l’ordre sur la piste de l’assassin.
Bel exemple de la réactivité des cinéastes d’exploitation, LE TUEUR DE BOSTON est réalisé avant que le présumé meurtrier ne soit arrêté. Toutefois, pour éviter les accusations de voyeurisme, le titre envisagé (« The Boston Strangler ») est abandonné au profit du plus anodin « The Strangler » et les mentions à la véritable histoire sont éludées. Le scénario se permet par conséquent de broder avec la réalité et évite les détails les plus choquants comme les viols perpétrés par le véritable serial killer à l’aide d’objets divers ou même post-mortem. Le criminel, ici baptisé Leo Kroll, est un homme sexuellement frustré vivant sous l’emprise d’une mère castratrice qui l’empêche de voler de ses propres ailes et n’hésite pas à le dévaloriser à la moindre occasion. Une caractérisation peu conforme avec le véritable Etrangleur, Albert DeSalvo, un maniaque sexuel sûr de lui, condamné une première fois pour des dizaines de viols mais libéré pour bonne conduite après seulement onze mois de prison (bravo la justice !). Surnommé le Mesureur avant son incarcération, il se lance, à peine libéré, dans une nouvelle série de viols qui lui valent, cette fois, le surnom de l’Homme en Vert. Arrêté, DeSalvo confesse l’assassinat de treize femmes d’âge divers alors que les policiers pensaient qu’il existait plusieurs tueurs. Suite à un accord passé par son avocat, DeSalvo ne sera jamais jugé pour les crimes de l’Etrangleur mais condamné à la perpétuité pour ses centaines de viols. Il est finalement assassiné dans des circonstances floues par ses codétenus en 1971. Même si certains en doutent, l’expert français des tueurs en série Stéphane Bourgoin affirme, dans les bonus dvd du TUEUR DE BOSTON, avoir une quasi-certitude (à 99%) sur la culpabilité de DeSalvo. Quoiqu’il en soit et même éloigné de la réalité, le long-métrage constitue une vision intéressante de cette sinistre affaire. S’il ne possède ni le panache, ni le budget de la version ultérieure signée Fleisher, LE TUEUR DE BOSTON n’en demeure pas moins un film honnête et bien interprété, en particulier par Victor Buono. Ce-dernier, décédé d’une crise cardiaque en 1982 (à seulement 43 ans), est un acteur solide qui tourna pour Robert Aldrich (dans QU’EST IL ARRIVE A BABY JANE – pour lequel il fut nominé à l’Oscar - et CHUT CHUT CHERE CHARLOTTE), apparu à plusieurs reprises dans la série sixties « Batman » et incarna le Diable en personne dans le sympathique LE COULOIR DE LA MORT. Sa prestation intense s’avère un atout de choix pour LE TUEUR DE BOSTON : son embonpoint, son visage poupin, perpétuellement couvert de transpiration, et son regard à la fois innocent et cruel en font un serial killer idéal. L’acteur est en outre adroitement mis en valeur par un cinéaste très à l’aise avec son budget restreint même si certains décors souffrent d’une évidente pauvreté. Quelques belles idées de mise en scène, comme ce premier plan qui découvre une future victime de l’étrangleur, reflétée dans son œil, rehaussent l’intérêt du métrage et excusent les passages plus faibles, en particuliers la partie consacrée à l’enquête policière, assez quelconque (pour ne pas dire laborieuse) et émaillée des considérations très banales d’un psychiatre soi-disant expert sur le sujet.
Le climax final, très prévisible, ménage cependant un suspense efficace et la courte durée du film (environ 85 minutes) lui assure un rythme soutenu qui évite au spectateur tout ennui.
Une agréable surprise et une plaisante série B.
(en dvd zone 2 chez Artus)
