A l'Assaut de Fort Clark (War Arrow, 1954) de George Sherman
UNIVERSAL
Avec Maureen O'Hara, Jeff Chandler, John McIntire, Suzan Ball, Noah Beery Jr., Charles Drake, Henry Brandon, Dennis Weaver, Jay Silverheels, Jim Bannon, Stephen Wyman, Bradford Jackson
Scénario : John Michael Hayes
Musique : Joseph Gershenson
Photographie : William H. Daniels (Technicolor)
Un film produit par John W. Rogers pour la Universal
Sortie USA : Janvier 1954
On avait terminé l’année 53 en compagnie des Tuniques bleues commandées par William Holden ; c'était dans l'excellent
Fort Bravo. On débute la nouvelle cuvée avec cette même cavalerie mais avec cette fois Jeff Chandler à leur tête. Alors que le film de John Sturges était enthousiasmant, ce qui se déroule à Fort Clark s’avère beaucoup moins captivant, chacun des participants au film accusant un sacré ventre mou à commencer par George Sherman qui nous avait jusqu’à présent habitué à bien mieux. Cinq westerns Universal abordés ici, cinq réussites plus ou moins grandes incluant même une petite merveille, le magnifique et méconnu
Tomahawk. La sale réputation que s'est coltinée un bon bout de temps George Sherman auprès de certains (dont moi) devait être due en partie à des films aussi inconsistants que ce
War Arrow, dépourvu de l'énergie habituelle du cinéaste, de son sens de l'espace et du paysage. Dommage car le postulat de départ aurait pu donner lieu à une bonne série B comme le réalisateur nous avait prouvé savoir en mettre en boite avec une belle efficacité : outre les titres dont nous parlerons au sein de cette critique, rappelons aussi le sympathique
Black Bart (Bandit de grand chemin) et le très bon
La Fille des prairies (Calamity Jane and Sam Bass).

Depuis quelques années, les tribus Kiowas lancent des raids meurtriers contre les colons sur le territoire de l’Oklahoma. Le Major Howell Brady (Jeff Chandler) est envoyé à Fort Clark pour aider le commandant de la place, le Colonel Jackson Meade (John McIntire), à mettre fin à ces violentes attaques. Brady a pour idée de recruter des Indiens Séminoles pour combattre les Kiowas. Les Séminoles, contre qui l’armée américaine s’était battue en Floride, vivent désormais dans la misère la plus totale, les membres de la tribu ayant été éparpillés par le gouvernement pour qu’ils ne représentent plus aucun danger. Mais connaissant leur ancienne capacité à se battre, Brady propose l’idée à Meade qui lui rit au nez n’ayant confiance en aucun 'Peau Rouge'. Aucune importance ! Brady ne se démonte pas et part quand même rencontrer les Séminoles. Dans un premier temps réticent à reprendre les armes, le chef Maygro (Henry Brandon) décide finalement d’accepter, poussé par sa fille Avis (Susan Cabot) qui souhaite une vie meilleure, par certains de ses jeunes guerriers qui préfèrent entrer dans le conflit plutôt que de mourir de faim, et par la promesse que leur fait Brady de recevoir par le gouvernement, après six mois de service, une bonne terre riche et verdoyante...

Dans
A l’assaut de Fort Clark sont réunis deux acteurs des précédents films de George Sherman, à savoir Jeff Chandler (
Au Mépris des lois - The Battle of Apache Pass) et Maureen O’Hara (
Sur le territoire des Comanches - Comanche Territory). Nous y trouvons à nouveaux des Indiens mais Comanches et Apaches laissent cette fois la place aux Séminoles et aux Kiowas. L’action se déplace des paysages désertiques du Sud des Etats-Unis aux plaines plus accueillantes de l’Oklahoma où les tribus Kiowas s'en prennent avec violence aux colons qu'ils massacrent allègrement. Le Major Brady est envoyé à Fort Clark pour aider le commandant de la place à mettre fin à ces agissements meurtriers. Comme dans sa guerre contre les Apaches, la cavalerie américaine décide de s’adjoindre les services d’une tribu indienne (les Séminoles) pour en combattre une autre (les Kiowas) malgré les réticences de certains hauts gradés qui, haïssant les Indiens, ne font confiance à aucun d’entre eux. C’est Brady qui a cette idée d’autant plus que Les Séminoles, contre qui l’armée américaine s’était battue en Floride (Voir
Seminole - L'Expédition de Fort King de Budd Boetticher qui narrait ces faits historiques), vivent désormais dans le dénuement le plus complet, les membres de la tribu ayant été éparpillés par le gouvernement voici quelques années afin que, séparés, ils ne représentent plus aucun danger.
Le sujet de départ, basé sur des faits réels, pouvait sembler captivant et amener une réflexion non dépourvue d’intérêt. Malheureusement le scénario de John Michael Hayes manque de la plus élémentaire des rigueurs et, de ce fait, n’arrive jamais à nous passionner plus avant. Etonnant de la part d’un homme qui nous donnera par la suite quelques perles signées Hitchcock et qui ne sont autres que les superbes
Fenêtre sur cour et
Mais qui a tué Harry. Son script pour
War Arrow date seulement d’une année auparavant mais il est décousu, haché, sans passion, et vire au bâclage sur le final. Nous avons parfois du mal à comprendre certaines réactions de personnages comme celui joué par Maureen O’Hara, et les éléments humoristiques qui parsèment le film - qui sont dévolus au duo d’acteur Noah Berry et Charles Drake - alourdissent le propos plutôt que de lui apporter une bouffée d’air frais qui aurait été la bienvenue. Le seul point positif que l’on puisse trouver au travail de John Michael Hayes est dans sa description des relations tendues qui s’établissent entre Brady et Meade à propos des Indiens : deux conceptions très différentes de leur mission et des relations à avoir avec les tribus indiennes, qui offrent les séquences les plus réussies du film. Les dialogues arrivent parfois aussi à être spirituels, maniant le second degré et les allusions coquines avec talent, notamment à l’occasion de la rencontre entre Brady et la veuve Corwin lors du bal. Mais le travail d’écriture du scénario n’est pas seul en cause dans l’impression de platitude que nous laisse ce western, George Sherman y a aussi sa part de responsabilité.

Sans aucune idée, sans saveur ni rythme, sa mise en scène est purement fonctionnelle et n’arrive jamais à faire décoller ce western routinier monté à coups de fondus enchainés déstabilisants, le scénariste maniant très mal l'ellipse. Même les scènes d’action, y compris l’assaut final sur le fort, nous semblent assez peu spectaculaires et en partie sabordées par un réalisateur et un monteur qui ne semblent pas du tout concernés par leur film, sans parler des cascadeurs qui n'étaient apparemment pas dans un bon jour. Heureusement, il nous reste une belle photographie de William H. Daniels, une partition assez agréable de Joseph Gershenson et des acteurs principaux qui font ce qu’ils peuvent pour sauver les meubles. Jeff Chandler, après avoir été Cochise dans
Au mépris des lois et bien évidemment aussi dans
La Flèche brisée de Delmer Daves, passe cette fois du côté des Tuniques Bleues, dans le rôle d’un soldat consciencieux, droit et ne mâchant pas ses mots ; sa prestance et son charisme font ici encore un peu d’effet même s'il a l'air déjà ailleurs, cherchant à cette époque des rôles plus intéressants (ou différents) que ceux que la Universal lui proposait depuis quelques années. Face à lui, John McIntire nous offre quelques scènes intéressantes ; malgré sa haine farouche envers les Indiens, il arrive à nous rendre attachant son personnage pourtant assez antipathique.
Maureen O’Hara, délurée et fougueuse dans
Comanche Territory, est ici un peu en retrait et se retrouve à jouer les utilités mais le scénariste lui a néanmoins offert quelques minimes occasions de briller (la scène de bal du début déjà évoquée). Elle écrivait d'ailleurs dans ses mémoires que si Jeff Chandler était un bel homme, il ne lui faisait aucun effet ; on s'en serait douté au vu du couple peu convaincant qu'ils forment tous deux. Le reste de la distribution n’accomplit pas plus de prouesses même si Suzan Ball, dans son personnage d’Indienne à forte tête, essaie de rivaliser de beauté et de sensualité avec sa partenaire. Si l’excellent sujet de départ est mollement exploité par le scénariste et le cinéaste, le film ne dure finalement que 77 petites minutes qui peuvent néanmoins arriver à divertir le 'westernophile' le plus aguerri s’il sait ne pas s’attendre à frissonner de plaisir. Mais c'est vraiment plus que moyen et probablement le premier western Universal à tant nous décevoir !