J'en profite pour répondre parce que je sens le fermage de topic si ça continue, je sais pas, je suis ptêt parano.
AtCloseRange a écrit :Karras a écrit :L'erreur d'interprétation est peut être de voir de la résignation la ou il s'agit d'abnégation. Le fait que l'auteur du scénario soit d'origine japonaise donne, à mon avis, des pistes pour une vision moins occidentale de la psychologie des personnages ( à rapprocher peut être du comportement global des japonais face aux événements récents qui semble susciter étonnement et admiration de par chez nous ).
Et ça continue...
Jusqu'à preuve du contraire, les personnages ne sont pas asiatiques (à moins de relier cela de façon arbitraire à une certaine retenue anglaise).
Comme on me l'a fait remarquer dans
le topic sur Akira en
littérature, musique et arts, l'auteur du livre, Kazuo Ishiguro est britannique. Mais après recherche, j'ai remarqué qu'il est né à Nagasaki en novembre 1954 avant d'aller avec son père dans la perfide Albion dans son enfance. Et même là bas, il semble qu'il a été élevé en vue d'une éducation strictement japonaise afin de pouvoir retourner dans son pays natal un jour, ce qui n'arriva pas puisqu'il s'installa définitivement adulte là-bas. Ses personnages ne sont pas japonais mais il n'en conserve pas moins qu'il garde une certaine sensibilité tout en retenue que je retrouve pour ma part autant chez un Haruki Murakami qu'un Mishima et fortement transposée dans le film de Romanek, qui n'allait pas aussi loin dans le traitement éthéré de ses personnages dans un
Photo Obsession par exemple (même si l'étude prolongée du personnage de Robin Williams et son inclination prolongée au voyeurisme et tout ce qui tourne autour pouvaient effectivement donner l'idée que Romanek ne pourrait qu'être intéressé par le livre afin d'en faire une adaptation).
Après, il faut remarquer que ce n'est pas non plus spécialement à cause de son ascendance ou de ses origines qu'on peut classer aussi vite ce qui se rapporte au style d'un auteur venant généralement d'une autre culture. Le fait que Romanek ait, pour beaucoup, le mieux adapté le roman alors qu'il y aurait pu y avoir autre chose (bon, pas non plus un film à la Michael Bay

), un autre traitement bien différent, sans doute avec plus d'action (enfin dans l'optique d'un montage différent par exemple) tend plus à démontrer l'universalité d'une histoire, de personnages, d'émotions.
AtCloseRange a écrit :Or l'histoire évacue ça pour pouvoir se repaître de bout en bout de ses héros atones et mélancoliques (facticement de mon point de vue).
Pour moi, c'est de la pose et ça rend le tout désincarné.
Je ne pense pas vraiment me tromper mais, par essence, qu'on aime ou pas le film, un personnage issu de la mouvance mélancolique, qu'elle soit typiquement du XIXe ou de variations plus récentes à notre époque, est le plus souvent un personnage passif qui se laisse emporter par ses passions et émotions. Dans
Aventures d'Arthur Gordon Pym d'Edgar Allan Poe par exemple, même si le récit est à la première personne (et consigné soit sous formes de lettres, soit d'extraits de carnet, soit de compte-rendu), le héros n'est jamais vraiment dans l'action et ce sont plus les événements qui semblent bien souvent le faire bénéficier de certaines choses (d'où une certaine forme de fanfaronnerie qui est souvent éclipsée par des éléments plus réel que Poe livre afin de donner une base solide au fantastique qu'il fait émerger). Par définition, la mélancolie est une affection mentale poussée qui amène à une certaine absence d'envie de vivre pouvant aller bien souvent jusqu'au suicide. Dans
Never let me go, j'ai plus eu l'impression que les personnages vivaient pleinement et intensément leur vie parce qu'ils savaient ce à quoi ils étaient destinés (cf les citations dans ma signature en clin d'oeil pour se marrer d'ailleurs, fin de la parenthèse

). Ce que tu perçois subjectivement comme du surplace était pour moi une étude passionnante d'êtres dans une douloureuse impasse et comment ils allaient, à défaut s'en sortir, au mieux, vivre avec.

Ce Harfang, mon héros a écrit :(...)
Bref, pour des raisons qui ne sont pas explicitées, mais n'ont pas besoin de l'être, parce que là n'est pas le propos du film, ces personnages acceptent leur position dans la société. C'est cette situation qu'examine le film. Il est paradoxal qu'en tant que public conditionné au héros défendant la liberté et la tarte aux pommes, tu en viennes à considérer leur position comme inconcevable ou non crédible.
(...)
Parle-t-on de femmes apathiques et fainéantes ?? Pourquoi n'envoient-elles pas balader les vicelards, ne refusent-elles pas le mariage, ne s'associent-elles pas contre l'injustice ?? Elles semblent l'accepter comme faisant partie de leur vie, de leur destin. La contrainte culturelle et sociale est une composante majeure de la personnalité d'un individu, et il faut une position bien extérieure et dénuée d'empathie pour considérer qu'il est "facile" de s'en extraire. Never let me go ne fait que s'intéresser aux victimes d'un système possible, quoique, certes imaginaire et futuriste. Mais l'attitude des "donneurs" ne me parait aucunement invraisemblable ni absurde, aussi tragique que cela soit (et c'est sans aucun doute une des composantes de la tragédie que décrit le film).
J'avais justement évoqué un exemple plus typiquement japonais avec Demi-Lune par MP dernièrement, qui était celui des Hibakushas, ces hommes et femmes qui ont étés mortellement contaminés par la bombe atomique (exemple qui d'ailleurs peut ressortir avec la brûlante question actuelle de l'irradiation des pompiers et sauveteurs japonais de Fukushima). Parce que la bombe atomique jusqu'à preuve du contraire on en guérit pas, ils s'étaient résignés (mais ça confine aussi finalement à une certaine forme d'abnégation) à ne vivre qu'en marge de la société, ne pouvant être qu'avec un conjoint ou un futur compagnon ou mari qui était lui aussi contaminé. Et inutile de dire qu'ils n'avaient pas conscience de la mort qui les attendait au bout du chemin à n'importe quel moment de leur vie. Ils ont appris à vivre avec. Bon c'était une parenthèse typiquement asiatique plus en rapport avec l'actualité du moment j'avoue mais les exemples cités par Cinéphage sont très juste aussi.
Bien sûr je peux me tromper mais cela entre en résonnance (en terme d'empathie, pas forcément de comparaison) avec les clones de Never let me go et c'est pourquoi je suis ému des personnages que sont Cathy ou Tommy.