Je dois dire que je suis en désaccord avec cette remarque. Ou alors, ledit Papa avait drôlement plus de choses à dire que la plupart de ses enfants.Les maudits c'est du cinéma de Papa
Le principal problème des Maudits du point de vue cinématographique, c'est sa voix off. Elle ralentit l'action, plombe l'atmosphère par un ton assez détaché qui ne correspond pas toujours à la force des images et à la noirceur du récit. Je suppose que Clément voulait par ce biais fournir aux spectateurs un maximum d'information pour contextualiser le récit, mais sans doute aurait-il pu le faire via les dialogues, quitte à se démarquer de cette approche qui se veut semi-documentaire qu'il fait sienne dans La Bataille du Rail et dans Les Maudits (où il n'y a donc pas de héros unique; le personnage principal des Maudits est à cet égard un peu trop délaissé par Clément). Cette voix off m'avait d'ailleurs déjà gêné dans La Bataille du Rail, dans une moindre mesure.
Enfin, cela reste assez cocasse que Truffaut ait tellement critiqué Clément lui qui a tant utilisé la voix off par la suite dans ses films (bien mieux que Clément, il est vrai).
Mais pour le reste, Les Maudits est un film très intéressant, tout à fait "engagé" par ce qu'il met en scène et par ce qu'il raconte (la fuite de de nazis et de collabos en sous-marin pour l'Amérique du Sud). Certains furent collabos par opportunisme, d'autres par idéalisme, un autre à cause d'un amour éperdu et à sens unique, etc... ces motivations se défaisant, et l'Allemagne perdant la guerre, tous font défaut peu à peu au nazisme au nom du principe de réalité. Les personnages sont je trouve bien croqués, et cette diversité de motivations dans la faune des collabos est quelque chose que Clément illustre très bien. Certaines séquences sont superbes, toutes celles avec Dalio notamment, et le faux général homosexuel qui devient à moitié fou compose une impressionnante figure de nazi. C'est lorsque que Clément quitte son approche documentaire pour tenter d'instaurer une atmosphère de film noir qu'il réussit le mieux à créer de la tension.
Comparer ce cinéma sec et documentaire au cinéma davantage tourné vers le divertissement et anti-documentaire d'un Walsh où les choses sont plus chorégraphiées (y compris les bagarres que je trouve personnellement plutôt réalistes par leur aspect brouillon dans Les Maudits) pour dire que Clément fait un cinéma moins "engagé" me parait faire un injuste procès. Il ne possède certes pas la maitrise technique (ni les moyens hollywoodiens; Clément tourne le film en 47 dans un pays encore très marqué par la guerre) d'un Walsh, qui avait débuté dans le cinéma muet et qui avait donc déjà une sacré bouteille ( ) quand il tournait ses chefs-d'oeuvre des années 40, mais surtout, il n'essaie pas à mon avis dans Les Maudits de faire le même type de cinéma. Il essaie de faire un film inscrit dans l'Histoire, qui comme La Bataille du Rail, d'une certaine façon a valeur de film témoin. Cette approche documentaire nuit parfois aux personnages et à l'atmosphère du film (car c'est essentiellement par le recours à l'artifice, en se détachant de la réalité que les films noirs classique parviennent à créer une atmosphère toute de tension et d'angoisse), mais elle fait du Clément des Maudits un cinéaste "engagé" dans son époque. Voilà, je voulais simplement donner un point de vue un peu différent de celui de la chronique.