
La cantatrice Claire Lescot (G. Leblanc) fait des ravages dans les coeurs de nombreux hommes célèbres qui fréquentent ses soirèes. Parmi eux, Einar Norsen (J. Catelain) un jeune homme fou de vitesse qui ne supporte plus son désintérêt. Désespéré, il décide de se suicider en jetant sa voiture du haut d'un précipice. Il laisse un dernier message à Claire et part à tombeau ouvert...
Ce film légendaire de Marcel L'Herbier est une ode à l'Art Déco. Les décors sont certainement les acteurs principaux de ce film hyper-stylisé. Robert Mallet-Stevens et Fernand Léger ont oeuvré pour créer ces structures décoratives modernes et ouvragées. Dans le rôle de Claire Lescot, Georgette Leblanc semble jouer son propre rôle. Elle était dans la vie une cantatrice célèbre, la maîtresse de Maurice Maeterlink et la soeur de Maurice Leblanc. Elle a un physique assez proche de celui de Françoise Rosay, mais sans son talent d'actrice. Mais, les personnages du film ne sont guère que des archétypes manipulés par L'Herbier. Jaque Catelain, un jeune premier à la mode assez fade, est amoureux fou de Georgette Leblanc qui est également convoitée par un Maharadjah joué par Philippe Hériat. Mais, malgré ce scénario assez schématique, le film décolle grâce à la qualité du montage et l'habilité de L'Herbier pour rythmer les séquences. Le départ de Catelain à tombeau ouvert atteint son paroxysme avec les arbres qui défilent à toute allure et qui se déforment et la séquence est entrecoupée par la soirée de Leblanc où on lui tend le dernier billet de Catelain. De même, la séquence où Leblanc est mordue par un serpent posé par un Hériat fou de jalousie. La séquence est également rythmée d'une manière remarquable. La séquence finale où Leblanc revient à la vie dans le laboratoire de Catelain semble être le prototype du futur Metropolis (1927). Il faut aussi mentionner le superbe travail de Georges Specht (qui fut un grand collaborateur de Feuillade et Perret). Ce n'est pas mon L'Herbier préféré. Je préfère L'Argent (1929) et Feu Mathias Pascal (1925) qui ont des personnages bien plus intéressants, mais, j'ai passé un bon moment devant ce film qui aurait besoin d'une belle partition orchestrale.
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L'Homme du large (1920, Marcel L'Herbier) avec Jaque Catelain, Roger Karl, Marcelle Pradot et Charles Boyer

Michel (J. Catelain) est le fils de Nolff (R. Karl) surnommé l'Homme du Large. Il profite de la bonté de son père pour s'enivrer dans les bouges, poussé par Guenn-la-Taupe (C. Boyer) un mauvais garçon. Pendant ce temps, sa soeur Djenna (M. Pradot) trime avec sa mère...
Marcel L'Herbier, toujours épris d'esthétisme Art Déco, a nommé ce film une marine. Il est en effet visuellement un tableau superbe de la Bretagne autour de Penmarch et de Sainte-Anne-d'Auray. Il fait un vrai travail pictural avec la lumière dans les scènes d'intérieurs intimes aussi bien que les splendides scènes d'extérieurs. Si l'intrigue reste très schématique et mélodramatique -le fils ingrat qui exploite la bonté aveugle de son père- le film atteint néanmoins un véritable lyrisme par son utilisation de la lumière, des paysages, ses teintages et même la décoration ouvragée de ses cartons d'intertitres. De ce point de vue, la restauration de la copie par la Gaumont et du CNC doit être saluée. C'est un véritable travail d'orfèvre. L'interprétation est dominée par Roger Karl dans le rôle titre, un marin bougon qui se fourvoie dans son amour parternel avant de vouloir la destruction de ce fils mal élévé et violent. Jaque Catelain, qui fût un des interprètes chéris de L'Herbier, est ici plus convaincant qu'à l'accoutumée en mauvais fils. Quant à Charles Boyer, c'est ici un débutant prometteur, la cigarette au bec, le béret sur l'oreille soufflant de mauvais conseils à un Jaque Catelain sans volonté. Marcelle Pradot -Mme L'Herbier à la ville- est une petite Bretonne fragile et innocente face à son mauvais frère. Le film est construit en flash-back et c'était une nouveauté en cette année 1920. D'ailleurs en terme narratif, le film est subtil et bien monté. Certes, L'Herbier ne cherche pas à construire une trame psychologique puissante ; mais, il se rattrape grace à son sens visuel. Le film est accompagnée par une partition orchestrale signée Antoine Duhamel qui souligne la violence sous-jacente des sentiments qui animent les personnages. Une restauration exemplaire d'un très beau film français.


