Nestor Almendros a écrit :Néanmoins, je m'amuse encore du personnage de Trintignant au profil de catho à la vie déterminée, préprogrammée, dont la volonté va peu à peu se fissurer devant les avances plus ou moins directes d'une Françoise Fabian au charme classieux dévastateur (quelle femme magnifique

).
C'est avec Anna Galiena dans
Le Mari de la coiffeuse et sans doute Natalie Wood dans
West Side Story, un des rôles féminins qui m'ait le plus marqué, enivré et bouleversé au cinéma. Et ce sont des films que je revois régulièrement, au moins une fois par an.
J'ai terminé hier avec la meilleure surprise: L'AMOUR L'APRES-MIDI (1972) diffusé sur TV5. J'y ai trouvé tout Rohmer mais sans lourdeur, avec une grande simplicité apparente et une observation psychologique très fine, toujours dans un style très littéraire avec des dialogues pourtant très écrits mais sonnent vrais et justes. L'un des meilleurs passages du film, pour moi, se situe à la fin du prologue, pendant l'un de ces monologues captivants, quand le héros parle de ses rapports furtifs et platoniques avec les femmes croisées dans les rues de Paris. Un texte magnifique, une pensée originale, un très beau moment. Le film m'a aussi beaucoup intéressé dans ses descriptions de l'amour sous différentes formes et dans ces pensées exprimées sur les rapports personnels et quotidiens de l'homme par rapport à la femme. Au-delà d'une certaine remise en cause du mariage, les aventures du héros (formidable Bernard Verley, j'adore son phrasé) font se succéder diverses confrontations à caractère plus ou moins sexuel. De la séduction consentente et inavouée (avec ses secrétaires) aux pulsions qu'il faut contrôler et aux jeux de l'amour (platoniques) si agréable à expérimenter, le film se révèle passionnant dans ces suspenses amoureux. On remarque, de nouveau, des comédiens inhabituels et pourtant si marquants. Ici, je pense à Zouzou (qui joue Chloé) et cette attitude assez différente de ce que Rohmer pourra proposer plus tard. Car, au contraire de la douceur d'une Pascale Ogier/Marie Rivière, Zouzou fait preuve d'une certaine froideur, d'un déterminisme implacable et, également, d'un charme certain. Je repense au débat de Moati où il était question de l'érotisme permanent chez Rohmer. Je l'ai souvent retrouvé dans ce film: l'entourage féminin permanent du héros, les tensions sexuelles de plus en plus fortes et les rapprochement physiques dans le cadre, par exemple, ou les gestes de plus en plus tactiles. Très belle surprise.
C'est peut-être un des films les moins célébrés de Rohmer, j'insiste sur le peut-être (avec
Le Beau mariage qui est moins réussi je trouve), et pourtant comme tu l'as si justement dit quelle finesse dans l'analyse des comportements, dans la psychologie des personnages. Je crois aussi, de mémoire que c'est la première fois que dans un film du maître, j'ai changé au fil de la narration d'avis par rapport à l'héroïne. Je suis tout de suite tombé sous le charme d'Amanda Langlet dans
Conte D'été ou d'Aurora Cornu dans
Le Genou de Claire. Mais je trouvais le personnage de Zazou un peu distant dans
l'Amour l'après-midi, surtout par rapport au début du film, quand l'intrigue amoureuse est posée. On sent le vernis craquer et apparaître une fille à la voix cassée, un peu paumée, un peu vulgaire aussi d'une certaine façon, collante et revêche. Et puis la révélation, la découverte de son visage, différent, souligné par une léger maquillage lorsqu'elle dit qu'elle travaille désormais comme serveuse. Là il faut le génie de portraitiste de Rohmer pour nous rendre le personnage immédiatement plus sympathique, et nous donner envie de recoller les morceaux éparses d'une relation qui semblait partir à vau-l'eau. Il y a pour moi d'ailleurs deux actrices au jeu assez dur chez Rohmer, à l'antipode quasiment l'une de l'autre : Rivière et sa voix peu assurée, son côté perpétuellement indécis. Et Zazou, avec son regard perçant, sa voix un peu rauque, et ses rôles à fleur de peau, sur la brèche, proche du précipice sans y tomber. C'est quand cette dernière revient dans la narration de la deuxième partie de l'Amour l'après-midi qu'à mes yeux le film se métamorphose en conte moral d'une grande liberté.
Et puis il y a une scène très évocatrice sur la thématique de la tentation, du hasard et du marivaudage fantasmé puis abandonné : la première du film. Cette scène dont tu parles. Un homme dans le métro, le héros de l'histoire qui évoque le regard croisé de sa voisine de wagon, assise seule sur son siège, qu'il observe et pour qui il exprime une attraction irrésistible. Néanmoins, comme il est marié et attend un enfant, la convention sociale reprend ses droits. En peu de minutes, en quelques mots, Rohmer décrit à la fois l'envie et l'hésitation.
De sa filmographie, il me reste à découvrir
La Marquise d'O, Perceval, Triple Agent, L'Anglaise et le Duc