

Très bonne surprise. Je crois que j'ai beaucoup aimé. Mais comme pour
The Box, je quitte le film avec des impressions étranges, paradoxales. Je risque d'ailleurs d'être moi-même aussi embrouillé que le film.
Donnie Darko est impressionnant en tant que premier essai. Richard Kelly fait montre d'une maîtrise dans la mise en scène qui est franchement réjouissante, et sans revenir sur le débat quant à l'influence de Lynch (que l'on retrouvera en début de topic), c'est surtout tout un pan du cinéma fantastique des années 1980 qui m'est revenu en tête face à cet univers de banlieue californienne aux apparences tranquilles, cadre dans lequel souffre une jeunesse tourmentée (
Les Griffes de la Nuit,
Poltergeist,
Halloween,
Christine...). Certes, certains effets de style, notamment dans le plan-séquence sur fond de
"Head Over Heels" de Tears For Fears, apparaissent un peu vains voire mal foutus. Mais cela reste relativement marginal, d'autant qu'il se dégage très rapidement, comme dans
The Box d'ailleurs, une ambiance fascinante créée par l'alchimie entre un Scope soigné, une photographie inquiétante et un rythme vaguement nonchalant qui dilue savamment les trouées d'angoisse et les interrogations labyrinthiques du scénario. On sent là encore l'influence
Twilight Zone. Formellement c'est superbe, scénaristiquement ça me laisse perplexe. A deux niveaux. D'abord, l'histoire est embrouillée de telle manière que le spectateur quitte le film avec de très nombreux questionnements. Comme dans un jeu (à condition qu'il se soit laissé prendre à la mécanique), il s'amusera alors à tenter de reconstruire le fil narratif et se perdra en conjonctures entre théories sur l'espace-temps, la schizophrénie, la pré-détermination, le destin et le hasard, etc. Je sors donc de
Donnie Darko dans l'état qu'a sûrement recherché le réalisateur : paumé. Mais cet abandon du spectateur à ces énigmes, justement, procède aussi d'une démarche de Kelly qui, comme pour
The Box, me laisse légèrement indécis.
Donnie Darko est brillant, riche, mais je comprends qu'il puisse agacer par sa volonté de "tout-embrouillé" au point que l'on soit tenté d'y voir de la prétention, ou de la maladresse. Contrairement à l'univers cauchemardesque et, je crois, fondamentalement sensitif de Lynch, celui de Richard Kelly est bâti sur un scénario en bonne et due forme. Le scénario nous amène d'un point A à un point B. Il nous invite donc à rationaliser, à comprendre ce qu'on a vu pendant 2 heures, à la différence d'un Lynch qui se vit intensément, comme une œuvre d'Art, et ne s'explique que très difficilement (voire même inutilement) au-delà de quelques grandes lignes directrices. On peut "vivre"
Donnie Darko, mais à la fin, le scénario revient nous voir, en quelque sorte, pour nous dire qu'il faut maintenant recoller les pièces du puzzle de son film de petit malin. Personnellement, c'est le genre d'expérience qui me stimule si c'est bien fait. Mais c'est également casse-gueule, parce qu'on peut du coup critiquer l'emberlificotage frustrant du scénario, la roublardise du réalisateur qui nous paume et semble conscient, dans le même temps, que son film vivra dans la postérité des innombrables tentatives d'interprétation.
Pour ces raisons, le film peut être fragile, paraître bordélique. En ce qui me concerne, j'ai adhéré à l'entreprise, à l'ambiance fantastique et inquiétante qui titille longtemps après la vision, à l'atmosphère lycée 80's, au portrait de l'adolescence US guère révolutionnaire mais sincère. Je préfère d'ailleurs
Donnie Darko à
The Box, à l'univers paranoïaque certes attrayant, mais dont la confusion devenait vraiment handicapante.