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"Ne me l'enlevez pas, c'est un saint."
Une veuve à propos de l'âne Balthazar.

Dans un petit village en campagne, on suit toutes les étapes de la vie de l'âne Balthazar, de son enfance jusqu'a la mort ainsi que le chemin de ses différents maîtres que l'on croise et recroise successivement...
Plus qu'une parabole sur la vie, le petit âne est au centre du destin de tous les personnages (il en est même l'exutoire du personnage de Gérard qui très souvent passe ses nerfs sur le dos de la pauvre bête en le rouant de coups, rejoint en celà par Arnold le vagabond ou l'avare marchand) et plus précisément du personnage de Marie (Anne Wiazemski) qui, comme lui, passera par toutes les souffrances. Tous deux sont des prisonniers, incapable d'échapper vraiment semble-t-il à leur destinée ici-bas.

Balthazar, prisonnier de sa propre condition animale et subissant (très --trop ?-- souvent) avec douleur son statut. Le film, quand il ne renvoie pas à ce qui arrive à Marie (l'autre personnage pivot du film) montre très clairement la pauvre bête battue, poussant une carriole, attelée à moudre le grain, servant "d'appât" (le terme est sans doute mal choisi mais toujours est-il qu'en le voyant, Marie se précipite pour le voir sans se douter que derrière, on monte dans sa voiture) à Gérard pour attirer Marie... Il y a d'ailleurs une séquence sans ambiguïté qui marque durablement où le regard de l'âne croise celui d'autres animaux du cirque, en zoo, en prison comme lui. A cet instant, même le tigre se tait et le regarde, lui comme l'ours, le singe ou l'éléphant d'yeux muets où semblent se lire toute la détresse possible. Instant improbable, comme coupé de tout, intemporel (Bresson supprime tout son à ce moment là).

Marie est une autre figure d'enfermement mais contrairement à Balthazar, c'est de sa propre volonté quasi inexistante qu'elle est prisonnière. Incapable de résister à ses pulsions et son désir (la scène où Gérard lentement dans la voiture lui passe la main sur la taille, puis autour du cou --seconde capture d'écran-- tandis que cette dernière lui lance un regard où sans bruit ni sanglots coulent des larmes de résignation est fabuleuse aussi



Grand film. Sans doute le plus poignant de Bresson, le plus destabilisant sans doute, affichant une noirceur qui va contaminer toute la suite de son oeuvre (il y a encore de l'espoir dans Pickpocket ou Un condamné à mort s'est échappé. Après Balthazar et sauf pour 4 nuits d'un rêveur, on plonge dans les ténèbres)... 6/6